Voilà un ouvrage au titre alléchant, engageant, au cœur d’une actualité foisonnante sur les Etats-Unis, thème et question souvent au cœur de nos programmes de Lycée et de Collège aujourd’hui. Il suscitera chez le lecteur pas mal de réactions, de révisions et de … remises en cause -concernant les idées reçues sur les Etats-Unis.

L’auteur, universitaire et professeur d’
Histoire de l’Amérique du Nord à Paris
VIII est par ailleurs membre de l’équipe
CENA, au CNRS-EHESS, et président
de l’APHG.Il est l’auteur de nombreux ouvrages
sur les Etats-Unis, dont une « Histoire
des Etats-Unis de 1776 à nos jours »
paru chez Armand Colin, collection »U »
en 2010.
L’ouvrage déconstruit effectivement
de façon précise et convaincante
certaines « idées reçues », mais d’autres
ou considérées comme telles par l’auteur,
surprennent dans la mesure où elles
apparaissent plus relever d’une affirmation,
d’une opinion, d’une critique que d’une
« idée reçue ».

Le plan lui-même est un peu déroutant,
dans la mesure où il juxtapose
« questions d’Histoire » (partie I ) et « une
Identité complexe » (partie II). L’identité
américaine n’est-elle pas une question d’
Histoire  ou l’Histoire n’est-elle pas un des
fondements clés de l’identité américaine?
De même en commençant l’ouvrage par une
définition, l’auteur s’adresse visiblement à
un large public et moins à des enseignants
rompus depuis de nombreuses années à
faire cours sur les Etats-Unis d’Amérique.

Nous ne pouvons qu’apprécier les remises
en cause de plusieurs idées reçues comme
« Les Indiens d’Amérique ont subi un
véritable génocide », « La France et les Etats-
Unis sont des amis de toujours », ou « Kennedy a été le plus grand président des Etats-Unis ». Dans le premier cas l’auteur rappelle les facteurs importants des maladies, les troupeaux de bisons décimés, mais aussi les massacres, les déportations et le sort désastreux qui fut réservé aux survivants des dernières tribus indiennes au début des années 1900. Sur la prétendue amitié franco/américaine, J. Portes note que « l’amitié entre les peuples ou les dirigeants ne résiste pas au temps et à l’Histoire ». Si les points d’accord n’ont pas manqué – aide à la création des E.-U.,traité d’alliance perpétuelle franco américain de 1778, statue de la Liberté de 1886,entrée en guerre des EU en 1917 et 1941…- les désaccords et différends furent nombreux (Napoléon III et sa guerre au Mexique en 1865, différends sur l’après-guerre en 1919, rapports très froids entre De Gaulle et Roosevelt, oppositions à la guerre du Vietnam et menace de véto français à l’ONU sur l’intervention des E.U. en Irak). Les arguments utilisés sont parfois connus, mais des faits, remarques précises viennent judicieusement étayer la démonstration. Pour démonter l’autre idée reçue sur Kennedy l’auteur déconstruit le mythe selon lequel JFK fut le plus grand des présidents des E-U. S’il y expose des informations que nombre d’entre nous connaissent, il fait en revanche une bonne synthèse sur cette présidence tronquée et évoque à juste titre qu’il fut le « 1er président des médias », et fut le 1er, par sa fin tragique, « à occuper une place aussi éminente dans la mémoire des américains et d’une large partie du monde ». C’est un point fort de ce livre, incontestablement.

Cependant, l’ouvrage paraît moins convaincant dans l’affirmation de certaines« idées reçues » ou dans les arguments, les exemples ou les points de vue adoptés.
Certaines « idées reçues » le sont-elles vraiment ? On peut parfois en douter avec celles que l’auteur
nous présente comme telles : « la Louisiane est restée française », « les Américains sont individualistes » ou « Aux E.-U., tout est fonction de la race ». Plus que des idées reçues, ces expressions me paraissent être des affirmations, des opinions, ou des critiques. Car en France aujourd’hui, qui, parmi nos compatriotes est en mesure de soutenir dans une conversation courante que « la Louisiane est restée française » ? Mais le plus gênant -et sans doute le plus étonnant- tient dans certains rapprochements, certaines analyses, jugements ou point-de-vue.

Dans le passage consacré à « Toute l’histoire des Etats-Unis est émaillée de complots » J. Portes nous assène purement et simplement la thèse officielle du rapport de la Commission Warren, celle de l’unique assassin L. Harvey Oswald dans l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy le 22 /11/1963 à Dallas. Après tout ce qui a été écrit, vu, lu, et entendu sur cette affaire, et compte tenu du nombre très importants de pièces non prises en compte, de témoins écartés, tués, du corps non autopsié de Kennedy, du limogeage d’ A. W. Dulles de la CIA, des rapports tendus entre le célèbre et inamovible patron du FBI, J.E. Hoover et R. Kennedy -sur sa lutte contre la mafia- une telle affirmation ne tient pas. Si en effet nul ne peut affirmer par qui et pourquoi JFK a été assassiné le 22 novembre 1963, pratiquement personne n’accepte plus en l’état la thèse de la Commission Warren . De même pour les attentats des WTC de New York, ainsi que ceux du Pentagone et de l’autre avion abattu après sommation, il reste bien des zones d’ombre que les historiens -et non des journalistes- mettront en lumières avec des archives et des sources qui seront accessibles et disponibles un jour. Ce n’est nullement accréditer la thèse du complot ou d’être « antiaméricains virulents » que de formuler ces questions, de s’interroger, et plus simplement de rechercher la vérité sur ces affaires. Et d’avoir encore une fois, un esprit critique en éveil…

L’autre « idée reçue » qui ne convainct guère concerne « Les Etats-Unis sont les plus gros pollueurs de la planète ». L’auteur certes nous rappelle que les E.U. furent les 1ers à créer les parcs nationaux (1872 avec le Yellowstone) dans le monde, qu’ils instaurèrent les lois les plus restrictives sur la qualité de l’air et de l’eau dans les années 70, et que leur conscience écologique s’est développée considérablement ces 50 dernières années . Mais à côté d’efforts individuels ou de certains états plus sensibles à cette cause, de grandes multinationales continuent à vouloir contourner les règlementations (comme les grandes compagnies pétrolières cherchant de nouveaux gisements dans des zones préservées jusque là) . J. Portes en convient lui-même lorsqu’il rappelle que B. Obama annonça au printemps 2010, « qu’il souhaitait la levée de l’interdiction de nouveaux forages pétroliers en mer » au moment même où la plateforme Deepwater BP Horizon déversa 780 millions de litres de pétrole dans le Golfe du Mexique. Or le président revint sur sa première intention. Enfin l’auteur débute cette « idée reçue » par un fait qu’il ne parvient pas à contester, remettre en cause : « les Etats-Unis ont, en revanche, un niveau d’émissions de CO2 par habitant et par an, 4 fois plus élevé -19Tde CO2 par hab. et par an, contre 4,5T pour un chinois- que leur suivant direct -la Chine-. Là se situe bien le paradoxe, et non….« l’idée reçue ».

Cependant, ce livre est à lire pour les informations actualisées et précises qu’il apporte sur un certain nombre « d’idées reçues », par les renvois et les réflexions auxquels nous oblige l’auteur. Il est bien écrit, est d’un format pratique et facilement utilisable pour un large public.
La bibliographie est peut-être réduite, mais a l’avantage d’être commentée. Pour les enseignants des collèges et lycées, on y trouvera des analyses, des faits, chiffres, ou des synthèses utiles pour actualiser ou nourrir tout simplement une séquence sur les Etats-Unis. Mais quelques…. paradoxes, des « idées reçues » aussi.

Mardi 5 Juillet 2011, par Pierre Jégo.