Créée en 2003 sous le titre Parlement[s], Histoire et politique, la revue du CHPP change de sous-titre en 2007 pour affirmer sa vocation à couvrir tous les domaines de l’histoire politique. Chaque volume est constitué pour l’essentiel d’un dossier thématique (partie Recherche), composé d’articles originaux soumis à un comité de lecture, qu’ils soient issus d’une journée d’études, commandés par la rédaction ou qu’ils proviennent de propositions spontanées. Quelques varia complètent régulièrement cette partie. La séquence (Sources) approfondit le thème du numéro en offrant au lecteur une sélection de sources écrites commentées et/ou les transcriptions d’entretiens réalisés pour l’occasion. Enfin, une rubrique (Lectures) regroupe les comptes rendus de lecture critiques d’ouvrages récents. Enfin, la revue se termine systématiquement par des résumés et des contributions écrits en français et en anglais (suivis de mots-clés).
Cette revue a été publiée successivement par plusieurs éditeurs : Gallimard (n° 0) en 2003, Armand Colin (n° 1 à 6, H-S n° 1 et 2) de 2004 à 2006, Pepper / L’Harmattan (n° 7 à 20, H-S n° 3 à 9) de 2007 à 2013, Classiques Garnier (n° 21 et 22, H-S n° 10) en 2014 et, enfin, les PUR (depuis le n° 23 et le H-S n° 11) à partir de 2016.
La revue Parlement[s]. Revue d’histoire politique – n° 35 a pour thème : Le progressisme existe-t-il ? Ce trente-cinquième dossier a été coordonné sous la double direction de Pierre Allorant (Professeur d’Histoire du droit et des institutions, doyen de la faculté de droit, économie et gestion d’Orléans ; spécialiste du corps préfectoral et de la décentralisation, des élites administratives, juridiques et politiques contemporaines) et Walter Badier (Maître de conférences en histoire contemporaine et directeur adjoint de l’INSPE Centre-Val de Loire ; spécialiste des débuts de la Troisième République française). Comme d’habitude, le dossier se compose de deux éléments distincts : une première partie consacrée à la [Recherche] (avec 7 contributions de 7 chercheurs ou chercheuses, jeunes ou confirmées : Juliette Grange, Alexis Medina, Walter Badier, Claire Delahaye et Marc Lazar puis Luc Rouban et Jérôme Sainte-Marie) et la seconde à des [Sources] (au nombre de 6) commentées par sept enseignants-chercheurs : Laurent Bihl, Hélène Harter, Sylvie Guillaume, Judith Bonnin, Pierre Allorant et Walter Badier ainsi que Jean-Pierre Darnis. De plus, dans ce numéro, nous trouvons des [Varia] (au nombre de 3, avec les contributions de Marie Achet-Haushalter, Éric Seizelet et Marie-Christine Peltier-Charrier) et à nouveau une partie consacrée à des [Lectures] (au nombre de 9) critiquées par 9 historiens (Gaël Rideau, Laurent Bourquin, Juliette Glikman, Maria Betlem Castella I Pujol, Alice Krieg-Planque, Christophe Bellon, Marjolaine Boutet Jean-Félix de Bujadoux et, enfin, David Melo) puis résumées par Jean-François Bérel, auteur des recensions de la revue Parlement[s]. Revue d’histoire politique pour le compte de « La Cliothèque », rubrique du site de l’association « Les Clionautes ».
Avec une introduction (p. 13-19) titrée Les avatars du progressisme, Pierre Allorant et Walter Badier présente le dossier intitulé Le progressisme existe-t-il ? Le progressisme semble connaître un retour en grâce. À mi-chemin entre credo et positionnement, le terme est abondamment repris par les acteurs du politique – comme en témoigne l’ouvrage de deux ex-conseillers du président Macron, Ismaël Emelien et David Amiel, Le progrès ne tombe pas du ciel (2019) – et de nombreux commentateurs ou journalistes. Démêler ce qui relève du slogan rassembleur – ou accusateur – de la mise en œuvre d’un fonds idéologique véritable n’a cependant rien d’évident. Ce numéro se propose de revenir sur cette notion en la questionnant scientifiquement. Peut-on définir un socle conceptuel minimal du progressisme ? Une réponse transnationale et interdisciplinaire, propice aux comparaisons, est ici apportée. Des États-Unis à l’Italie, en passant par l’Équateur et la France, se dévoile une ambivalence sémantique que des expériences concrètes de progressisme au pouvoir viennent mettre en perspective. Sur le temps long de l’histoire contemporaine, le sens du progressisme a ainsi connu des mutations nombreuses, tributaires des contextes chronologiques et géographiques. Le progressisme serait-il toujours pluriel ? D’où l’intérêt de ce trente-cinquième numéro de Parlement[s]. Revue d’histoire politique.
[RECHERCHE]
LE PROGRESSISME DANS L’HISTOIRE
R 1- L’idée de progrès, des Lumières au XIXe siècle (p. 25-42)
Juliette Grange (Professeur de philosophie à l’Université François Rabelais de Tours, ICD)
Depuis Rabelais et Montaigne, le terme de progrès est apparu avec une dimension temporelle et morale dans le cadre humaniste de la Renaissance. Avec Bacon, l’accumulation des connaissances scientifiques en devient la matrice. Le siècle des Lumières y ajoute la perfectibilité et un débouché dans le droit et la politique. Kant renforce le lien entre perfectibilité, progrès moral et liberté collective. Condorcet y ajoute l’irréversibilité du progrès, certitude rationnelle, notion enrichie et complexifiée par Proudhon avec la paix et la justice, Saint-Simon avec la sécularisation de la foi, Comte avec l’altruisme.
R 2- Le progressisme et son projet de modernisation politique et administrative en Équateur, 1883-1895 (p. 43-60)
Alexis Medina (Maître de conférences en histoire et civilisation de l’Amérique latine, Université de Franche-Comté, CRIT EA 3224)
L’article cherche à déterminer dans quelle mesure le progressisme, courant politique modéré au pouvoir en Équateur de 1883 à 1895, a réussi à bouleverser le bipartisme marqué par l’opposition entre libéralisme et conservatisme. Les progressistes sont porteurs d’un projet modernisateur, qui se traduit par une série de réformes administratives et économiques, mais qui est combattu par les conservateurs et les libéraux, malgré les efforts des progressistes pour dépasser les clivages politiques.
R 3- La République progressiste : un opportunisme « fin de siècle » ? (p. 61-78)
Walter Badier / Maître de conférences à l’Université d’Orléans (laboratoire ERCAE), Secrétaire général du CHPP (Comité d’histoire parlementaire et politique)
Entre le scandale de Panama et l’Affaire Dreyfus, les républicains dits progressistes dirigent le pays. Que recouvre cette étiquette politique à la fin du XIXe siècle ? Le courant progressiste, dominé par Jules Méline et Alexandre Ribot, est-il une déclinaison droitière de l’opportunisme ? Cet article aborde les circonstances de l’arrivée au pouvoir de ces républicains modérés, l’hétérogénéité idéologique du progressisme et dresse un bilan des politiques menées durant la VIe législature (1893-1898).
R 4- La présidence progressiste, de Roosevelt à Wilson (1901-1920) (p. 79-96)
Claire Delahaye (Université Gustave Eiffel, LISAA)
Cet article propose une analyse du progressisme étatsunien au prisme de l’historiographie sur les présidences Roosevelt, Taft et Wilson, afin d’interroger les principes et modalités en contexte de l’extension du pouvoir présidentiel. La transformation de l’exécutif, en tension entre définition constitutionnelle et pratique politique, interroge l’équilibre des pouvoirs et la possibilité pour la présidence d’être le moteur de réformes. Elle met tout particulièrement en exergue la centralité de la personnalité et des convictions de l’occupant de la Maison-Blanche.
R 5- L’expérience gouvernementale de Matteo Renzi. Un progressisme populaire (p. 97-114)
Marc Lazar / Professeur d’histoire contemporaine à Sciences Po, Centre d’Histoire de Sciences Po (CHSP)
Matteo Renzi a connu une trajectoire politique météorite qui l’a amené à l’âge de 39 ans à devenir en février 2014 le plus jeune Président du Conseil de l’histoire italienne, une fonction qu’il a occupée jusqu’en décembre 2016, lorsqu’après un échec à un référendum institutionnel il a présenté sa démission. Ce communicant hors pair, décidé à bousculer le jeu politique et à promulguer une grande quantité de réformes s’est présenté comme un progressiste tout en incarnant un nouveau type d’homme politique en phase avec la démocratie du public, celui du populiste de gouvernement ou du centre. Ce texte s’attache à reconstituer le parcours biographique de Matteo Renzi, à analyser son programme et ses idées, à étudier la façon dont il a personnalisé son parti et à dresser un bilan de sa pratique et d’une partie de son action gouvernementale.
LA PRESIDENCE MACRON ET LE PROGRESSISME :
REGARDS CROISES DU POLITISTE ET DU SONDEUR
R 6- Du giscardisme au macronisme : le changement dans la continuité ? (p. 117-130)
Luc Rouban (Directeur de recherche au CNRS, Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof)
Valéry Giscard d’Estaing et Emmanuel Macron sont deux présidents partageant la même forme historique particulière de progressisme, à savoir le libéralisme par l’État. Ce dernier est un assemblage conceptuel mais aussi social construit par la haute fonction publique dans le but de moderniser la société dans un sens libéral. Ce style politique en France vise à transférer la légitimité du manager d’entreprise privée au monde politique. En ce sens, Emmanuel Macron est l’héritier de Valéry Giscard d’Estaing. Ces deux présidents cherchent à se situer au centre du jeu politique en développant un programme qui associe libéralisme économique et libéralisme culturel. Mais ce progressisme est instable et les deux Présidents transforment leur projet initial pour se rapprocher de l’électorat de droite.
R 7- Le projet idéologique du bloc égalitaire. Le progressisme analysé au prisme des soutiens d’Emmanuel Macron (p. 131-142)
Jérôme Sainte-Marie (Président de la société d’études et de conseil Polling)
Le pouvoir d’Emmanuel Macron s’est établi et renforcé par la constitution d’un bloc historique, application contemporaine du concept forgé par Antonio Gramsci. Le bloc élitaire a ainsi une incarnation, tout comme une forme politique agrégeant éléments de gauche comme de droite, une idéologie et une base sociologique. Celle-ci est tripartite, alliant autour des élites réelles d’une part la classe managériale, d’autre part une masse significative des retraités. Ce bloc est cohérent et stable dans le temps, empêchant la reconstitution à l’échelle nationale du traditionnel clivage gauche-droite. Il est porteur d’un projet de profonde refonte de la société française qui place celle-ci sous tension. Faute de réponse politique adaptée, les révoltes sporadiques laissent insensiblement place à un phénomène d’anomie de grande ampleur.
[SOURCES]
S 1- La République face au moderne en 1900 : le progrès passera-t-il par l’insurrection ou par trolleybus ? (p. 145-152)
Laurent Bihl (Maître de conférences à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, CHS).
Après avoir été la figure cardinale de la caricature républicaine, Marianne est progressivement délaissée par la veine satirique autour de 1900. L’antirépublicanisme renouvelé par l’affaire Dreyfus recoupe ici la déception des milieux radicaux pour la timidité de la politique sociale menée par les gouvernements successifs depuis les républicains opportunistes. Mais c’est surtout la légitimité de « Marianne au pouvoir » qui a poussé les dessinateurs à la dénigrer comme cette « Marianne-Paris » d’Adolphe Willette dans le Courrier français [cf. image 1] ou cette « Marianne-Commune » de Théophile-Alexandre Steinlen [cf. image 2]. Au-delà des caricatures anti-Mariannes attachées à la symbolique nationaliste, ce sont ces nouvelles « Marianne au combat » qui figurent les critiques nouvelles allant de la nostalgie antimoderne (Willette) jusqu’à l’utopie de la victoire « démocratiquement » insurrectionnelle du « peuple » (Steinlen). C’est en ce sens que l’analyse et la comparaison des deux images peut s’avérer fructueuse.
S 2- Puck : un journal engagé au temps du progressisme (p. 153-159)
Hélène Harter (Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UMR Sirice)
Hélène Harter se livre à l’analyse de Puck, magazine américain, satirique et politique, en pleine époque progressiste. En ce début des années 1911, Puck est à un moment paradoxal de son histoire. Les idées qu’il défend n’ont jamais aussi été présentes dans la vie politique du pays et pourtant le magazine est fragile. Il est d’ailleurs racheté en 1917 par le groupe Hearst, qui lui fait perdre sa dimension et ses lecteurs historiques. Il cesse de paraître en 1918 alors même que la guerre signe la fin du progressisme aux États-Unis.
S 3- Valéry Giscard d’Estaing : trois exemples de caricature (p. 161-165)
Sylvie Guillaume (Professeur émérite d’histoire contemporaine, Université Bordeaux Montaigne)
Les auteurs des trois caricatures sont successivement Plantu, le dessinateur fétiche du journal Le Monde, Wolinski également auteur de caricatures dans L’Humanité comme c’est le cas ici et Henri Moisan du Canard enchaîné. Comme le montre Sylvie Guillaume, ces trois caricatures témoignent, à leur façon, des rapports au sein de la dyarchie sous la Ve République. Or, ceux-ci sont particulièrement délicats sous la Présidence de Valéry Giscard d’Estaing, un non gaulliste qui échoue à giscardiser le parti gaulliste, avec la création du RPR par Jacques Chirac, et donc contraint de créer, deux ans après, son propre parti, l’UDF. Raymond Barre, plus proche à l’origine du Président, se heurte à une conjoncture difficile sans avoir le soutien d’un parti. Le rôle de « fusible » que peut jouer son Premier ministre ne suffit donc pas à épargner le Président Giscard d’Estaing qui, malgré sa victoire aux législatives de 1978, perd l’élection présidentielle en 1981.
S 4- Third Way et Neue Mitte : une modernisation de la social-démocratie pour une progressive governance ? Le manifeste Blair-Schröder du 8 juin 1999 (p. 167-176)
Judith Bonnin / Maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université Bordeaux Montaigne, Centre d’étude des mondes moderne et contemporain (CEMMC)
Le 8 juin 1999, le Premier ministre britannique et leader du New Labour, Tony Blair, ainsi que le Chancelier allemand et chef du SPD, Gerhard Schröder, rendent public à Londres, à l’occasion d’une conférence de presse au siège du Parti travailliste, un texte commun intitulé « Europe : la Troisième voie / le Nouveau Centre » plus souvent surnommé en français le « manifeste Blair-Schröder ». Le principe de sa rédaction avait été acté lors d’un sommet, en novembre 1998. S’il reste assez abstrait, le manifeste veut définir une Troisième voie pour l’Europe, destinée à sauver la social-démocratie en modernisant son programme économique et social, c’est-à-dire en l’adaptant aux défis et réalités de cette fin de XXe siècle marquée par le néolibéralisme, la crise d’une économie mondialisée et transformée par la révolution technologique.
S 5- Le progressisme à l’épreuve de l’engagement local. Entretien en ligne réalisé le 22 juillet 2021 avec Benoist Pierre (p. 177-187) et
Pierre Allorant (Professeur d’histoire du droit à l’Université d’Orléans, Polen-Cepoc) et
Walter Badier (Maître de conférences en histoire à l’Université d’Orléans, ERCAÉ)
Benoist Pierre est professeur d’histoire moderne, vice-président de Tours métropole, président du groupe d’opposition « Les progressistes » au conseil municipal de Tours. Comme le souligne Pierre Allorant et Walter Badier, Le progressisme est pour Benoist Pierre un pragmatisme politique du quotidien, ces échelons sont pertinents à travers des politiques très concrètes. On ne peut pas mentir, au plan local, et même dans une campagne violente comme les municipales de 2020, j’ai apprécié les moments de vérité et d’échanges avec des « gilets jaunes ». Loin de la tour d’ivoire universitaire, le contact avec la pluralité des milieux sociaux m’est familier par mon enfance, mon milieu d’origine. L’engagement local me plaît énormément.
S 6- Un réformisme à l’italienne ? Entretien réalisé à Rome, en décembre 2021 avec Maria Elena Boschi (p. 187-194) par
Jean-Pierre Darnis / Maître de conférences HDR à l’Université Côte-d’Azur, Chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (Paris)
Maria Elena Boschi (1981) députée élue en Toscane, préside le groupe parlementaire Italia Viva à la Chambre des députés. Elle a été ministre des Réformes constitutionnelles et des rapports avec le Parlement sous le gouvernement Renzi (2014-2016) puis secrétaire d’État à la Présidence du Conseil sous le gouvernement Gentiloni (2016-2018). Ses années de formation sont marquées par l’engagement dans la vie associative catholique. Diplômée en droit de l’Université de Florence, elle a exercé la profession d’avocat. Elle émerge au sein du Parti Démocrate de Florence à partir de 2008 et intègre l’équipe de Matteo Renzi à l’occasion de la candidature aux élections municipales en 2009. Elle joue un rôle de premier plan dans l’ascension politique nationale du groupe guidé par le maire de Florence et s’investit dans l’organisation des rencontres de la Leopolda. Elle est élue députée du Parti Démocrate en 2013. Lors du gouvernement de 2014-2016 elle porte le projet de réforme de la constitution italienne, dossier clef qui constituera la pierre d’achoppement de l’exécutif Renzi à la suite de son rejet par référendum en 2016. Réélue députée en 2018, en septembre 2019 elle quitte le Parti Démocrate pour participer, aux côtés de Matteo Renzi, à la création du mouvement centriste Italia Viva.
[VARIA]
V 1- La douceur de Constantin selon Eusèbe de Césarée. Permanences et mutations de l’éloge impérial lors du tournant constantinien (p. 197-215)
Marie Achet-Haushalter (Doctorante à Sorbonne Université, UMR 8167 – Orient et Méditerranée)
Les vertus impériales, abondamment louées dans les discours d’éloge, fournissent une entrée intéressante dans la pensée politique romaine : elles dessinent un idéal de gouvernement. L’exemple de la douceur permet de mesurer les inflexions de celui-ci au moment du tournant constantinien : Eusèbe de Césarée lui accorde en effet une place essentielle dans son portrait du nouveau prince chrétien. La douceur louée par Eusèbe n’est pourtant pas tout à fait celle que recommandent les Évangiles : moins marquée par l’humilité que par la condescendance, elle doit beaucoup à l’idéal classique du prince clément et modéré. Cependant, en proposant Moïse et Jésus comme modèles de douceur, Eusèbe infléchit cet idéal dans un sens chrétien, tout en le plaçant dans la parfaite continuité de la tradition classique.
V 2- Le Kôgisho et le principe délibératif au Japon au début de l’ère Meiji (1868-1874) (p. 217-233)
Éric Seizelet (Professeur émérite en langues et civilisations japonaises, Université de Paris, IFRAE / UMR 8043e)
Après la Restauration de Meiji en 1868, le gouvernement impérial japonais entreprit une série de réformes politiques fondées sur le principe de « discussion publique » à l’origine des premières institutions délibératives. En prenant l’exemple du Kôgisho, l’article retrace la genèse de ce principe, les difficultés de sa mise en place et le rôle que cette assemblée éphémère jouera néanmoins sur la voie escarpée de l’adoption d’un régime constitutionnel.
V 3- Genèse d’un corps électoral, les Français de l’étranger (1913-2012). Analyse anthropologique (p. 235-253)
Marie-Christine Peltier-Charrier / Docteure en anthropologie sociale, chercheure associée à l’Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (CNRS EHESS)
Alors que l’existence des Français de l’étranger est formalisée sous le double angle de l’inclusion et de l’exclusion, leur participation aux guerres mondiales du XXe siècle lève cette ambigüité et ouvre la voie à la mise en place de droits faisant abstraction de la conception de la territorialité des lois. Ces droits, singularisant le système politique national, s’élaborent au cours d’un processus social et politique où les acteurs institutionnels et privés résolvent l’antinomie entre extériorité et nationalité de ces Français.
[LECTURES]
L 1- Olivier Andurand et Albane Pialoux (dir.), Les forces de la modération. Ligne politique ou accommodements raisonnés dans les crises politico-religieuses européennes (XVI e– XIXe siècle), Bruxelles, Peter Lang, 2020, 410 p. par Gaël Rideau / POLEN, Université d’Orléans (p. 259-262)
Issu d’un colloque, ce livre propose une articulation de 19 communications, encadrées d’une introduction, permettant de poser les enjeux problématiques de la notion de modération, et d’une conclusion, qui relit efficacement les contributions sous l’angle de l’individu et du groupe, de la morale et du politique. La présence d’un index est également importante, compte tenu de la concentration chronologique des articles et des personnalités évoquées. Ce travail vient se situer dans la lignée d’un renouveau récent sur ces personnages de l’entre-deux, mais aussi plus largement des conflits politico-religieux de l’Europe des XVIe-XIXe siècles dans leurs diversités, entre deux tendances religieuses et politiques, dans une voie médiane voulant éviter la bipolarisation, autant d’expressions reprises de l’introduction du volume.
L 2- Cédric Michon, Dans la cour des lions. Hommes et femmes de pouvoir de la Renaissance, Paris, Passés composés, 2020, 346 p. par Laurent Bourquin / Laboratoire TEMOS, Le Mans Université (p. 262-264)
Au début du XVIe siècle, de jeunes souverains montent sur le trône dans quatre des plus grands pays d’Europe : Henri VIII en Angleterre (1509), François Ier en France (1515), Charles Quint en Espagne (1516) et Soliman le Magnifique dans l’Empire Ottoman (1520). S’ils doivent, dans un premier temps, composer avec les conseillers qu’ils ont hérités de leurs prédécesseurs, tous quatre font peu à peu évoluer leurs conseils, leur fonctionnement, leurs attributions et leur composition, parvenant ainsi à les adapter aux nécessités nouvelles de leurs États : la modernisation de la justice, de l’armée et des finances. Cette mutation du pouvoir, caractéristique de la Renaissance européenne, est étudiée de manière comparatiste, la plupart des pays étant confrontés aux mêmes enjeux à cette époque.
L 3- Éric Anceau, L’Empire libéral. Essai d’histoire globale, Paris, SPM, 2021, 374 p. par Juliette Glikman / Centre d’histoire du XIXe siècle (p. 264-266)
La gageure de cet ouvrage collectif est de rompre avec la légende noire « 2 décembre, fête impériale, Sedan » en abordant par sa face libérale un régime longtemps conspué pour son autoritarisme : un Napoléon peut-il cohabiter avec un système soucieux des libertés publiques et de la prérogative parlementaire ? Le renouvellement historiographique avait négligé cette expérience amorcée dès 1860 pour se concrétiser par la formation du gouvernement Ollivier, le 2 janvier 1870.
L 4- Joseba Agirreazkuenaga y Mikel Urquijo (dir.), Diccionario biografico de los diputados y diputadas del Parlamento Vasco (1980-1984), Vitoria-Gasteiz, Parlamento Vasco, Colección Informes y Documentos, 2021, 2 tomes, 1097 p. par Maria Betlem Castella i Pujol / Universitat Pompeu Fabra (Barcelone) (p. 267-270)
Avec les 1 097 pages du Dictionnaire biographique des députés et députées du Parlement basque (1980-1984), le dictionnaire publié par le Parlement basque en 2021 est bien plus qu’un outil de recherche, utile, nécessaire et essentiel pour aborder l’activité parlementaire et la trajectoire vitale et politique des députés de la Ire législature du Parlement basque. Ce dictionnaire est un voyage passionnant à travers l’histoire politique, économique, sociale et culturelle de l’Euskal Herria de la fin du XIXe siècle à nos jours. La décision prise par les éditeurs de structurer les biographies en quatre cercles — familial, socioculturel, matériel et politique — permet de lire ce dictionnaire biographique comme un roman.
L 5- Magali Guaresi, Parler au féminin. Les professions de foi des député.e.s sous la Cinquième République (1958-2007), Paris, L’Harmattan, 2018, 297 p. par Alice Krieg-Planque / Céditec, Université Paris-Est Créteil (p. 270-273)
L’ouvrage de Magali Guaresi, Parler au féminin. Les professions de foi des député.e.s sous la Cinquième République (1958-2007), est issu d’une thèse de doctorat en Histoire contemporaine soutenue en 2015. L’auteure s’y intéresse aux professions de foi électorales des candidat.e.s à la députation sous la Ve République en s’appuyant sur un corpus très consistant : sont étudiées la quasi-totalité des proclamations électorales des députées, ainsi qu’un échantillon choisi de textes d’hommes politiques rédigés dans des conditions comparables. Cherchant à saisir en quoi la question du genre façonne les prises de parole politiques, Magali Guaresi appréhende le corpus étudié en ayant recours à des méthodes d’analyse assistées par ordinateur, et que les chercheurs pratiquent aujourd’hui sous diverses dénominations (analyse statistique du vocabulaire, lexicométrie, textométrie, logométrie, traitement automatique des langues naturelles, etc…).
L 6- Jean-Noël Jeanneney, Le Rocher de Süsten. Mémoires (1942-1982), Paris, PUF, 2020, 695 p. par Christophe Bellon / Centre de recherches sur les relations entre le risque et le droit (C3RD), Université catholique de Lille (p. 273-277)
Dans le premier tome de ses Mémoires, au fil des quelque quatre cents pages, où l’historien Jean-Noël Jeanneney restitue ce que furent ses quarante premières années de vie, il n’oublie pas dans le même temps de donner à connaître. Il place ainsi le lecteur, enthousiaste, dans l’attente du deuxième tome de ses Mémoires.
L 7- Rémi Lefevre et Emmanuel Taïeb (dir.), Séries politiques : le pouvoir entre fiction et réalité, Bruxelles, De Boeck Supérieur, 2020, 192 pages. par Marjolaine Boutet / Centre d’histoire des sociétés, des sciences et des conflits, Université de Picardie-Jules Verne (p. 277-279)
Cet ouvrage est issu d’une Journée d’études intitulée « Séries et politique » qui s’est tenue, le 16 octobre 2018, à l’université de Lille. À deux exceptions près – la traductrice Corinne Daniellot et la maîtresse de conférences en sciences de l’éducation Florence Ihaddadene, qui co-signent un article sur The Handmaid’s Tale – tous les contributeur.trice.s de l’ouvrage sont chercheur.e.s en sciences politiques. C’est à la lumière de leur discipline qu’ils et elles examinent une dizaine de séries télévisées récentes – certaines faisant l’objet de plusieurs regards et contributions comme Baron Noir (Canal +, 2016-2020) ou Borgen (DR1, 2010-2013). Cette parution contribue à souligner la pertinence de l’analyse des séries télévisées par les sciences humaines et sociales, qui peuvent y trouver non seulement des sources, mais aussi des outils, pour penser le réel.
L 8- Alexandre Estève, Le député français, Limoges, PULIM, 2020, 366 p. par Jean-Félix de Bujadoux / Université Panthéon 2-Assas (p. 280-282)
Véritable portrait-robot du député, saisi sur le vif soixante ans après l’instauration de la Ve République et dix ans après la révision de 2008, cet ouvrage est issu d’une thèse soutenue en septembre 2018 à l’Université de Limoges par Alexandre Estève. Il renouvelle, en profondeur, les connaissances sur ce sujet classique, à travers une approche évidemment juridique, mais également historique, politique et sociologique. Depuis plusieurs décennies, les manifestations de la crise de notre démocratie représentative sont multiples et elles se traduisent par une progression, continue jusqu’ici, de l’abstention à chaque élection législative. Sans conteste, l’ouvrage d’Alexandre Estève va trouver une place importante, dans la riche bibliographie consacrée au député français des premiers États Généraux de 1302 à nos jours.
L 9- Edouard Philippe et Gilles Boyer, Impressions et lignes claires, Paris, JC Lattès, 2021, 378 p. par David Melo / LLSETI, Université Savoie Mont-Blanc (p. 282-285)
Édouard Philippe et Gilles Boyer, avec cet ouvrage paru au printemps 2021, font retour sur leurs plus de trois ans à Matignon, respectivement comme Premier Ministre et comme conseiller spécial de ce dernier. Au travers d’une véritable analyse politique, ils proposent de s’élever au-delà de ses seules contingences (les impressions) pour accéder à un point de vue plus en surplomb, qui seul permet de tracer des lignes claires. Ainsi, le livre n’est pas sans s’apparenter à un portrait du politique en homme d’État, sinon même à une sorte de traité de l’exercice de l’État.
© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)