Professeur émérite à Sciences Po, historien et homme politique, Jean-Noël Jeanneney est assez connu et reconnu pour que sa présentation puisse se limiter aux quelques lignes de la 4e de couverture. Il a été président de Radio France et de Radio France internationale, maître d’œuvre du Bicentenaire de la Révolution française, membre de deux gouvernements de François Mitterrand, président de la Bibliothèque nationale de France. Il préside le Comité scientifique des Rendez-vous de l’histoire de Blois et il produit chaque samedi sur France Culture l’émission « Concordance des temps ». Le premier tome de ses Mémoires était consacré aux années 1942-1982. Il publie aujourd’hui au Seuil le second tome de ses Mémoires, consacré aux dix années qui le virent successivement exercer les fonctions de président de Radio France puis de président de la Mission du bicentenaire de la Révolution française.

Les 15 chapitres du livre se partagent à part égale entre ces deux thèmes dont le développement constitue l’essentiel de l’ouvrage. L’auteur s’appuie sur ses archives personnelles, complètes et précises. Il a toujours pris des notes et conservé ses dossiers, ce qui lui permet par exemple, de relater en détail le contenu des conversations qu’il  eut avec François Mitterrand au cours de nombreux entretiens. On retrouve dans ce nouvel opus les qualités littéraires observées à la lecture du premier tome, ainsi que de très nombreux et savoureux portraits qui brossent du monde politique des années 1980 un tableau subjectif  et délectable. Si les amis de l’auteur sont nombreux, les coups de griffe ne sont pas rares, et ils font mal ! L’engagement politique aux côtés de la gauche socialiste est ici clairement affirmé et c’est aussi le fonctionnement du pouvoir et le jeu des courtisans que l’on peut observer sur le fond du décor.

Président de Radio France et de Radio France internationale de 1982 à 1986

Jean-Noël Jeanneney accède à cette haute fonction à l’âge de 40 ans. La loi du 29 juillet 1982 établit la fin du monopole et créée la Haute Autorité. Cette dernière accorde les autorisations d’exploitation des stations de radio et de télévision, nomme les présidents des chaînes publiques, établit le cahier des charges et veille aux règles de concurrence. Il est nommé pour un mandat de trois ans renouvelable, qui sera d’ailleurs renouvelé, mais il fera les frais de la revanche de la cohabitation et terminera son mandat en 1986. Les sept premiers chapitres sont consacrés à ce thème. On voit Jean-Noël Jeanneney s’imposer comme patron, « gouverner » Radio France, exposer ses principes, relater son œuvre, dresser un bilan et exposer l’ambiance revancharde de la droite revenue au pouvoir qui n’a de cesse d’avoir sa tête.

S’imposer comme patron

« Je ne serais vraiment intronisé à la tête de cette maison que lorsque j’y aurais conquis l’autorité morale et intellectuelle qui légitimerait mon pouvoir dans les regards de ceux qui auraient, de diverses façons, à traiter avec lui. » La résolution d’une grève par la fermeté fut la première étape de ce chemin. Il lui faut ensuite composer son entourage et procéder à diverses nominations essentielles en tenant compte des situations acquises : « Il fallait qu’on comprit que je ne présiderais pas mollement un agrégat de principautés juxtaposées (…) Des barons régnaient sans partage sur leur fief personnel. » De son père il a retenu qu’« il ne faudrait jamais se laisser imposer du dehors des collaborateurs ». Il faut établir les relations nécessaires avec le conseil d’administration et avec les syndicats, connaître les hommes et les rituels de négociation. Il a des objectifs bien précis et les divers directeurs ou responsables sont maintenus ou nommés dans la mesure où ils y souscrivent : « Parce que je voulais mettre mon empreinte sur France Inter, je jugeai qu’il me fallait séparer la responsabilité de l’information et celle des autres programmes, afin que je puisse demeurer l’arbitre en dernier ressort. » La grille de France Inter est sérieusement modifiée sur la base de ce principe : « Faire confiance à l’intelligence du public et à ses vastes curiosités intellectuelles ».

Affirmer l’indépendance

La loi socialiste de 1982 avait eu « le courage de couper le cordon ombilical entre le gouvernement et nos entreprises ». Le nouveau président est fondamentalement attaché à cette indépendance… mais les gouvernements ont beaucoup de mal à appliquer les beaux principes qu’ils ont fait loi. « Les relations furent tendues d’emblée avec Georges Fillioud », le ministre de la Communication. Ce qui nous vaut un premier coup de griffe : « Journaliste, c’était un homme de l’instant (…) assurément étranger aux grands principes et aux longues pensées ». Il pense alors utile de parler directement avec François Mitterrand, qu’il rencontre le 17 décembre 1982 : « Je dis ma volonté symbolique de ne pas consulter le ministre de la Communication ni le Premier ministre ». Ses relations sont excellentes avec Michèle Cotta, la présidente de la Haute Autorité, qui est son amie. Il n’en est pas de même de tous les membres, ce qui nous vaut un nouveau coup de griffe à propos de Gabriel de Broglie, « Machiavel au petit pied »,  « Chez cet homme qui se serait voulu grand, il y avait de la vulgarité d’âme ».

Les relations du Président de Radio France avec le pouvoir socialiste se dégradent vite, le ministre ne pouvant se défaire de « cette aspiration illusoire et maladroite à dominer l’instrument ». Le ministre ne trouvant pas l’information suffisamment complaisante dégaine l’arme financière, imposant au Président, par la réduction du budget, des arbitrages difficiles. Des journalistes mécontents de n’avoir pas obtenu les postes qu’ils convoitaient intriguent auprès du ministre contre leur patron, ce qui nous vaut des portraits au vitriol de Claude Villers et de Pierre Bouteiller, dont le « talent reconnu au micro ne suffisait pas à dissimuler une nature serpentine, nourrie à la fois de prétention et de frustration ».

Mitterrand lui-même se dit mécontent de l’esprit qui souffle à Radio France et à la télévision et la rumeur revient au Président de Radio France qu’il « disait en privé regretter le libéralisme de la loi qu’il avait fait adopter ». Jean-Noël Jeanneney se désole que son exigence d’autonomie passe à gauche parfois « pour une complaisance secrète pour l’opposition ». Les politiques au pouvoir sont obsédés par les contenus des journaux de France Inter et jusqu’au « château » on a du mal à ne pas prendre pour de la critique ce qui n’est pas louange. Le Président doit donc faire un effort qu’il reconnaît, en proposant de soumettre à l’avis gouvernemental, qui est de fait présidentiel, certaines nominations sensibles.

La culture, la musique, l’information

« De France Culture, ce joyau, il n’était pas question, naturellement, que je ne me mêle point ». Il entend sortir cette radio du « conservatisme bienséant » qui lui fait perdre de l’audience ; il n’y parviendra qu’après un dur conflit avec son directeur, révoqué et remplacé. Il réorganise « Les Lundis de l’Histoire » et évoque à ce propos Fernand Braudel, chez qui « éclatait une soif éperdue de puissance enrobée de vanité » et le petit cercle qui autour de lui se faisait courtisan. Sa familiarité est moindre avec la musique. Il recrute de nouveaux producteurs ; prend conscience des tensions entre l’Orchestre national de France et le Nouvel Orchestre philharmonique, en constante rivalité. Il nomme Marek Janowski directeur musical, se lie d’amitié avec Rostropovitch, et « pour donner à Radio France une visibilité plus grande », fonde avec Georges Frèche le festival de Radio France et de Montpellier dont il confie à René Koering la programmation. « La première édition, qui se tint en 1985, était guettée sans aménité, y compris dans notre maison même, par la cohorte ordinaire des jaloux, des paresseux et des sceptiques (…) Trente-sept ans plus tard, le festival garde sa vitalité ».

 Jean-Noël Jeanneney consacre un chapitre au développement des radios locales de service public, qui passent au cours de son mandat de six à trente-six. « C’eût été renonciation insupportable que le secteur public ne fût pas présent dans ce champ : il lui revenait d’affirmer les vertus d’une impartialité politique et d’une culture populaire de qualité. Ma conviction fut que partout la démocratie locale tirerait avantage d’un service public indépendant de toute influence économique ou administrative, qui ne serait évidemment soumis en rien à l’autorité ni des préfets ni des élus régionaux. » Il fallut « résister à la pression des barons qui régnaient sur leur territoire » ; et s’il obtint les soutiens de Gaston Defferre à Marseille, d’André Labarrère à Pau, de Pierre Mauroy à Lille, il suscita la colère de Philippe de Villiers qui prit comme un crime de lèse-majesté qu’on put diffuser sur les ondes d’autres pensées que les siennes. Hostilité puissante qui rejaillira sur le même ennemi devenu quelques années plus tard promoteur des idéaux de la Révolution française.

 Reconduit par le pouvoir socialiste, mais chassé peu après par « le retour des émigrés »

 Durant son premier mandat Jean-Noël Jeanneney est considéré par la droite comme servile envers le gouvernement de gauche. On lira avec plaisir le récit d’un échange avec Alain Peyrefitte (« Il était sectaire et probablement cynique ») qu’il a convié à sa table. Mais la gauche le trouve bien trop peu engagé à ses côtés. Ici on appréciera le récit d’une convocation par Laurent Fabius, alors Premier Ministre. Il le reçoit « avec une froideur ostensible » et prétend lui imposer un humoriste pour animer la matinale de France Inter qu’il trouve ennuyeuse ! L’épouse du Premier Ministre, rencontrée peu après en une autre occasion, « se montre hostile et péremptoire (…) expression caricaturale du sectarisme qui régnait à Matignon ».

On pourrait donc penser, et il le pensait, que sa demande de renouvellement de mandat ne serait pas satisfaite. Mais divers facteurs jouèrent, dont la forte remontée de l’audience de France Inter ne fut pas le moindre, et Jean-Noël Jeanneney fut désigné pour un second mandat. Il nous raconte le long entretien qu’il eut François Mitterrand le 29 novembre 1985 : « Je me sentis content d’avoir rétabli de bonnes relations avec le Prince – sans concession quant au fond. » Mais c’était compter sans la victoire de la droite aux élections législatives de 1986. « Une majorité de revanche (…) Les petites ambitions tourbillonnaient et la chasse aux places se déployait sans pudeur », ambiance qu’il compare avec celle de la Restauration, et qui prend de fortes proportions dans le monde de l’audiovisuel où le « sectarisme des nouveaux maîtres » se déploie. Sachant ses jours comptés, le Président s’inquiète surtout pour les radios locales et s’efforce d’agir en sorte qu’elles ne puissent être supprimées, menace sérieuse car Philippe de Villiers est devenu secrétaire d’Etat chargé de ces radios. « Il fut bientôt évident que Philippe de Villiers, entré au gouvernement, était animé d’une agressivité violente à l’égard du secteur public et qu’il utiliserait sans scrupules le pouvoir qui lui était échu pour nous pourfendre et se venger. » S’ajoutent la hargne d’Edouard Balladur qui diligenta une inspection contre Radio France et fit fuiter des conclusions accusatrices décidées à l’avance, et « la médiocrité d’âme » de François Léotard, ministre de la Culture, qui ne consentit jamais à recevoir le président de Radio France. « Ces gens-là témoignaient d’un fiel et d’une suffisance dont on a peine aujourd’hui à mesurer la prégnance. Au fond, ils détestaient notre radio depuis qu’ils en avaient perdu la maîtrise telle qu’ils l’avaient exercée avant 1981. » L’arme financière fut utilisée pour asphyxier les radios locales. Elles furent sauvées par la création d’heures de programmes communes aux diverses radios locales qui permirent les économies nécessaires à leur survie.

La loi créa une Commission nationale de la communication et des libertés qui remplaça la Haute Autorité, axée à droite et présidée par Gabriel de Broglie. Jean-Noël Jeanneney comparut devant elle pour solliciter un nouveau mandat. Il ne fut pas reconduit. Mitterrand le reçut à déjeuner à l’Elysée, accompagné de son épouse. S’ouvre alors une époque où Jean-Noël Jeanneney « reprend son souffle », écrit, enseigne, écoute les diverses propositions qui lui sont faites. La seule qui le fait vraiment hésiter est de prendre la succession d’André Fontaine au Monde. Début mai 1988, alors que la réélection de François Mitterrand ne fait plus guère de doute, son ami Régis Debray, conseiller du Président, lui demande de réfléchir à la présidence de la Mission du bicentenaire de la Révolution française, « un poste directement politique, un poste d’engagement ».

Président de la Mission du Bicentenaire de la Révolution française 1988-1989

Il y réfléchit donc ! Il s’agirait de « renforcer l’adhésion de la nation aux couleurs les plus lumineuses de cet événement fondateur de notre République et de protéger, d’encourager même toutes les disputes, au sens de l’ancien temps, qui concerneraient  ces enchaînements et leur formidable dimension ». La capitale, les provinces et le monde devraient être concernés. Les délais seraient très courts et il faudrait tenir compte « d’une équipe déjà constituée qui avait pris des habitudes de placidité ». Le défi devint plus grand quand il fut décidé que le G7 se réunirait à Paris le 14 juillet 1989. Le 20 mai 1988, il adressait une lettre à François Mitterrand qui le reçut deux jours plus tard. « Il approuva, dans la ligne de ma lettre, l’idée que la commémoration devait être politique et non « mollement consensuelle » et « bénisseuse » » Il garderait une constante attention aux travaux de la Mission et son Président serait en relation directe avec lui.

« La première urgence était de reforger l’instrument »

.Jean-Noël Jeanneney était le troisième Président de la Mission du Bicentenaire, les deux précédents étant morts successivement : Michel Baroin dans un accident d’avion en février 1987, puis Edgar Faure, décédé le 30 mars 1988. Trouvant « une équipe désorientée », il lui faut la restructurer et impulser une direction. Il se sépare d’une dizaine de collaborateurs, et se situe dans une toute autre direction que celle envisagée par Edgar Faure qui entendait « se replier sur une vison minimale de la Révolution, en occultant tout ce qui pouvait constituer un élément de discorde ». Il trouve de nouveau locaux et obtient un budget à la hauteur des intentions approuvées par Mitterrand.

Un conflit imprévu s’ouvre avec Jack Lang qui entend prendre les grandes décisions et obtient que son titre fasse de lui le ministre du Bicentenaire. Au bord de la démission, Jean-Noël Jeanneney obtient « un texte officiel préservant ma pleine liberté d’action », et, tout aussi précieux, le soutien actif et constant du Premier Ministre, Michel Rocard. Il fut entendu que le rattachement au Ministère de la Culture serait de pure forme et que le Président de la Mission serait en dépendance de Matignon et de l’Elysée.  L’entrevue avec un Jack Lang « exaspéré » est tendue. Les relations seront difficiles, « nulle expression chez lui d’une solidarité. Il nous dénigrait systématiquement, prêt à se défausser en cas de difficulté ».

Les fondements et les grandes lignes du projet

Il faudrait conquérir l’opinion publique, « imaginer et canaliser de grandes manifestations en forme de coups d’éclat (…) assez festives pour entraîner les foules, sans consentir de concessions ni à la vulgarité des expressions ni à l’arrogance du savoir ». Toute la commémoration serait concentrée en 1989, y compris celle des événements postérieurs, comme Valmy par exemple. Car il n’était pas question de limiter la Révolution aux événements de 1789.

La Mission se dota d’un conseil scientifique. Apparaît ici le grand débat historiographique qui opposait alors François Furet à Michel Vovelle. Vovelle, membre du Parti communiste, s’inscrivait dans la ligne de Mathiez, Lefebvre, Labrousse et Soboul, celle d’une historiographie privilégiant les facteurs économiques et sociaux pour l’interprétation de la Révolution. La réputation de Furet était alors à son zénith. Il venait de publier avec Mona Ozouf son Dictionnaire critique de la Révolution française, restituant sa place à l’histoire culturelle et à celle des représentations. J.-N. Jeanneney estime que Furet minimisait le rôle du péril étranger dans le développement de la Terreur ainsi que « l’héritage lumineux de la Convention ». Vovelle et Furet se détestaient. « Le monde des professeurs d’histoire de l’enseignement » optait largement pour l’historiographie défendue par Vovelle, mais Furet  « était le maître de plusieurs réseaux parisiens », dont Le Nouvel Observateur (avec Jacques Julliard, Michel Winock et Pierre Nora), Libération, la Fondation Saint-Simon, étaient les éléments majeurs.  La Terreur fut l’enjeu majeur de la controverse. J.-N. Jeanneney comme F. Mitterrand entendaient  célébrer tout l’héritage, y compris les réalisations de la Convention.

« La décision la plus lourde qui nous revenait concernait la définition du moment central du 14 juillet ». Jean-Paul Goude fut sollicité en remplacement de Jean-Michel Jarre, choisi par Edgar Faure, mais dont le projet fut jugé « trop classiquement statique ». Fondé sur l’événement français, le message devrait être universel, évoquer la prise de la Bastille, mais aussi la fête de la Fédération. La réalisation devrait être mobile, aux Champs-Elysées.

L’hostilité de l’extrême droite, de la droite et de l’Eglise catholique

Á l’extrême droite, on se fait menaçant et le Président de la Mission juge que « cette violence potentielle ne pouvait être prise à la légère ». La droite parlementaire, vaincue dans les urnes en 1986 se montra hostile de bout en bout. Jacques Chirac, maire de Paris, « porta sur nos projets un regard hostile ». Furieux que le projet de son ami Jean-Michel Jarre n’ait pas été retenu, il se fit insultant dans un tête à tête avec J.-N. Jeanneney. Philippe de Villiers « dispersait son venin » et en garda une bonne quantité pour Jean-Noël Jeanneney auquel il fut opposé à l’émission Apostrophes de Bernard Pivot, qui avait alors une très forte influence. Les responsables de la droite boudèrent la grande parade du 14 juillet. Jean Lecanuet réserva à Jean-Noël Jeanneney un « accueil glacial » à Rouen le 16 juillet, se comportant d’une manière si incorrecte que celui-ci dut quitter les lieux avant le spectacle  de la descente des voiliers sur la Seine.

« Á Rome on continuait visiblement de considérer notre célébration avec beaucoup de circonspection pour ne pas dire de mauvaise humeur. » Invité à la table du cardinal Lustiger, archevêque de Paris, en compagnie de l’historien Rémond, le Président de la Mission le découvre « rigoureusement hostile », convaincu que les Lumières « furent la matrice perverse de toutes les barbaries du XXe siècle » et opposé au transfert des cendres de l’abbé Grégoire au Panthéon.

Les niveaux de la commémoration : national, local et mondial

Les grands événements commémoratifs nationaux eurent lieu à Versailles le 4 mai (ouverture des Etats Généraux), à l’opéra Bastille le 13 juillet, le 26 août à la Grande Arche de la Défense (adoption de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), à Valmy en septembre, au Panthéon le 12 décembre, pour l’entrée des cendres de Condorcet, de Monge et de l’Abbé Grégoire, mais surtout sur les Champs Elysées le 14 juillet, avec la « parade inoubliable » conçue et réalisée par Jean-Paul Goude, à laquelle l’auteur consacre plusieurs pages, admiratifs de cette fantastique parade en douze tableaux vivants, rassemblant 6000 participants et 1250 tambours. Retransmise à la télévision, applaudie par des centaines de milliers de Parisiens et les chefs d’Etat du monde entier, ce fut la consécration de la réussite d’une commémoration à laquelle bien peu croyaient quelques mois plus tôt. Tous les journaux du lendemain, Le Figaro compris, furent laudatifs. Le Président de la Mission fut félicité par François Mitterrand et par Michel Rocard.

Les grandes institutions nationales, Bibliothèque nationale, musée Carnavalet, Archives nationales apportèrent leur contribution. La Ligue des droits de l’homme et la Ligue de l’enseignement « ne ménagèrent pas leur peine ». Un congrès international se tint à la Sorbonne du 6 au 12 juillet, organisé par Michel Vovelle et ouvert par François Mitterrand, auquel François Furet refusa d’assister. Douze à quinze mille arbres de la liberté (des tilleuls) furent plantés sur le territoire national, avec autant de cérémonies locales. La Mission apporta son soutien à des milliers d’initiatives locales et labellisa un tiers des sept mille événements locaux. Le Président de la Mission effectua trente-neuf voyages en province.

Des manifestations commémoratives eurent lieu dans le monde entier. En Europe se distinguèrent l’Allemagne, la Belgique et l’Italie. Le Président de la Mission se rendit  à Washington, à New-York, au Québec, dans plusieurs pays d’Amérique latine où les principes de 1789 fondèrent ceux de la décolonisation, en Turquie, en Afrique : l écho international fut considérable. Deux Français sur trois considérèrent, selon un sondage, que le Bicentenaire était un succès et les trois quarts estimèrent que la Révolution avait été un événement plutôt positif, alors qu’ils n’étaient que 38% à le penser un an plus tôt.

Passée l’année 1989, le Président de la Mission trie ses dossiers, veille au classement des archives et à leur dépôt, rédige un long rapport, reprend son séminaire sur l’histoire des médias, écrit un livre (Georges Mandel, l’homme qu’on attendait), crée avec quelques autres le festival international du film d’histoire de Pessac, voyage… et s’apprête à voguer vers de nouveaux horizons. François Mitterrand qui le reçoit en novembre 1989 l’invite « à songer à un autre chemin ». Il lui répond en toute clarté qu’il a prit goût à l’action politique et qu’il désire « être associé à la politique que vous conduisez ». C’est une claire demande à entrer dans un prochain gouvernement. Ce que Mitterrand comprend et approuve : « Et bien dans les cinq ans et demi qui me restent, sauf accident, vous serez ministre. Probablement bientôt ».  Le 15 mai 1991, Edith Cresson entreprend de former le nouveau gouvernement. Jean-Noël Jeanneney est reçu par Mitterrand qui lui propose le secrétariat d’Etat à l’enseignement technique. Il accepte, précisant qu’il acceptera toute fonction gouvernementale. Ce sera finalement le Commerce extérieur !

Sur l’annonce de cette entrée au gouvernement se termine le second tome des Mémoires de Jean-Noël Jeanneney, sans aucune forme de conclusion. On attend donc le troisième tome…

© Joël Drogland pour les Clionautes