François 1er et le florentin roux.
Le catalogue qui l’accompagne fait en dix chapitres le bilan actuel des grandes questions sur le maître italien au service du prince français. Il explique une centaine d’œuvres de façon à les resituer mais aussi à montrer leur destin iconographique.
La leçon de Fontainebleau que représente cette galerie François 1er modifie complètement la représentation artistique de la Renaissance française à partir de la décennie 1530. Ambitieux, éblouissant, foisonnant, puissant, élégant, novateur tels sont les adjectifs employés alors et dans ce catalogue pour qualifier l’auteur de la nouvelle forme ornementale, surnommé le Rosso Fiorentino. L’ouvrage présente des très belles illustrations, page double des décors, témoignage résiduel de ce travail multiforme dont il ne subsiste que la galerie François 1er à Fontainebleau. C’est un ouvrage majeur sur cet artiste précurseur, enfin distingué seul dans l’étude de l’Ecole de Fontainebleau depuis l’exposition de 1972 et le travail sur une de ses œuvres religieuses, Le Christ mort (RMN, 2004). La chronologie des œuvres et des chantiers est dressée.
Le sujet principal étant que le roi a trouvé son artiste, autant que l’artiste a trouvé les moyens financiers et matériels de glorifier son prince.
La nouvelle « Rome » se fixe à Fontainebleau, après avoir abandonné l’itinérance des bords de Loire.
Le travail du Rosso se caractérise par son « originalité radicale » selon l’expression de Vincent Droguet, commissaire de l’exposition. L’originalité de Fontainebleau est de créer un espace que les italiens ne savent pas nommer : loggia, corridor… qui est le prototype de la galerie à la française, long espace couvert et percé de baies d’un seul coté avec des bancs intégrés au décor. Mais de cet espace long, étroit et bas de plafond, Le Rosso tira un décor remarquable malgré les contraintes du lieu.
D’autre part, la galerie fait la promotion de l’ornement, du décor autour des scènes peintes. Le décor est dominant, participant à l’effet de mise en scène. Le Rosso a été le premier à faire intervenir autant de stucs dans une galerie mais fut-il le créateur de la galerie intervenant sur les peintures, les lambris, les sculptures?
Le catalogue fait apparaître le groupe d’artistes ayant collaboré à divers titres, au projet. Les notices et les textes sont très intéressants. L’intérêt du lecteur est attiré sur ce qui est peu connu dans la galerie, les cuirs. Le parallèle est fait entre l’usage des cuirs dans la décoration et le développement des cuirs de bibliothèques si chères à François 1er. La reliure française se développe alors que la bibliothèque du roi s’installe en juin 1544, cependant sans utiliser le répertoire des motifs des cuirs de Fontainebleau.
Un répertoire éclectique qui fait synthèse à Fontainebleau
L’ouvrage s’interroge et met l’accent quand cela est possible, sur la parentalité possible d’inspiration entre châteaux, chapelles, portée par des artistes qui reçurent l’impact du Rosso, tels celui d’Ecouen, de Oiron, de Blois et ceux moins connus de Graves, Montigny sur Aube, Chareil-Contrat, entre les tableaux de Mantega, Crivelli, des Della Robia….
Un imaginaire royal
Le cycle décoratif de la galerie est négocié avec le roi qui en garde la clé d’accès, signe du pouvoir discursif de la galerie. Il n’y introduit que ceux qu’il veut faire entrer dans son imaginaire. La fonction de la galerie, qui a du être achevée pour la visite de Charles Quint fin 1539, est bien d’être un lieu initiatique du pouvoir puisque les deux souverains se promènent pendant deux heures, ce qui déclenche les commentaires des ambassadeurs sur le contenu possible de la conversation ainsi que des discussions sur la potentielle beauté de la galerie dont ils ne sont alors pas convaincus. Quel est le sens du parcours devant les panneaux voilés par l’allégorie? Une analyse précise la distribution des modes de représentation en tentant de révéler le sens du symbolisme astrologique, solaire, politique, dans ce rapport intime à la Renaissance entre poésie et peinture, mais si complexe pour nous. Ces pages sont extrêmes riches et claires.
Le catalogue montre ensuite la diffusion par l’estampe de l’œuvre du Rosso, dans le monde des arts décoratifs européen. Aucune estampe ne semble avoir été publiée pendant le chantier royal. Aucune gravure d’ensemble de la galerie, d’ailleurs non plus. Les artistes ont mis l’accent sur la représentation du décor, de la décoration, centrant l’image reproduite sur une scène, un personnage. Copie, réinterprétation, explicitation caractérisent souvent ces gravures postérieures dans leur filiation avec les œuvres du Rosso. Sa virtuosité rayonne en démultipliant par l’estampe ou la gravure, la variété des formes qu’il a inventées.
Outre la diffusion par l’image, la catalogue s’intéresse à la reproductibilité de la galerie dans d’autres palais. Des artistes ayant travaillé avec le Rosso ont décoré le château de Whitehall, de Nonsuch. On découvre ainsi la photo de la petite galerie réalisée par Guilio Mazzoni pour le nonce Capodiferro qui, ayant visité la galerie de Fontainebleau, voulait la sienne au palazzo Spada à Rome.
Cet ouvrage, comme l’exposition, sont riches et bien illustrés. Il faudrait encore parler du décor de l’harnachement du cheval de François 1er, de celui de l’écu de parade d’Henri II, du projet d’une nef à poser sur une table pour évoquer les arts du quotidien de la cour de Fontainebleau.
Les amateurs de la Renaissance française s’y retrouveront. Ceux qui veulent connaître l’exubérance de cet artiste le Rosso, comprendront son originalité. Les professeurs qui cherchent des œuvres à étudier en Histoire des Arts, pourront se faire aider par le catalogue de l’exposition pour des explications précises, des parallèles et ouvertures à faire. Un dossier de presse est accessible sur le site (pas de dossier pédagogique pour aider les enseignants en Histoire et HDA).
http://chateaudefontainebleau.fr/IMG/pdf/Dossier_de_presse_Le_Roi_et_l_Artiste.pdf
Quant aux étudiants qui préparent au CAPES, le sujet sur « le prince et les arts », ils doivent se pencher sur le message et la composition de cette galerie, sous les auspices de la magnificence royale : une leçon française à Fontainebleau.