ÉDITORIAL par Gérard-François DUMONT
VILLES ET CAMPAGNES : « JE T’AIME, MOI NON PLUS »
En dépit des multiples changements qui parcourent le monde, les villes du XXIème siècle ne peuvent qu’aimer les campagnes. Ces dernières leur apportent d’abord une alimentation nécessaire qui ne pourra jamais être compensée par le développement de ce qu’on dénomme l’agriculture urbaine. Les plateformes logistiques, qui se traduisent souvent par l’usage de territoires de campagnes parfois assez éloignés du centre des villes, sont essentielles. Enfin les campagnes représentent pour les urbains de considérables possibilités touristiques en raison de leurs variétés géographiques, culturelles ou de leur offre de loisirs.
Réciproquement, les campagnes ne peuvent qu’aimer les villes. Il leur faut des débouchés pour leur production. Les villes sont aussi des lieux où il est possible de trouver une variété de cursus de formation. Enfin ce sont des lieux où les offres d’emplois sont beaucoup plus importantes que dans les campagnes.
En dépit de ces éléments qui montrent que les villes comme les campagnes ont des atouts différenciés, et devraient faire bon ménage compte tenu de leurs complémentarités, le désamour est souvent fort. Pour l’auteur, les villes souffrent d’un complexe de supériorité et par effet de miroir, les campagnes souffrent d’un complexe d’infériorité. Dans ce contexte de désamour, en France, les campagnes ont perdu : la désindustrialisation subie, les pouvoirs publics considérant que seule comptait l’économie de services, a beaucoup plus affecté les campagnes que les villes ; les lois, tant dans leurs aspects réglementaires que financiers, exercent des effets particulièrement négatifs sur les campagnes.
L’importance est donc de comprendre ce qui fait territoire; qu’ici il y a une ville et là une campagne. Aucun territoire n’est semblable à l’autre et il n’y a de fatalité pour aucun territoire. Chaque territoire a ses atouts et ses handicaps. La politique d’aménagement du territoire doit donner à chaque territoire la liberté d’œuvrer pour valoriser les premiers et surmonter les seconds.
DOSSIER par Jean-Albert GUIEYSSE
LE « RUISSELLEMENT DES MÉTROPOLES SUR LES TERRITOIRES : MYTHE OU RÉALITÉ ?
Dans l’imaginaire d’une certaine géographie, les métropoles auraient 2 avantages : elles seraient toujours plus dynamiques et leurs richesses profiteraient aux autres territoires, dans lesquels elles ruisselleraient.
La concentration de l’emploi dans les villes est l’héritage du processus d’industrialisation depuis le milieu du XIXème siècle. Aujourd’hui, les communes urbaines concentrent 88,7% de l’emploi et les communes rurales 11,6%. De plus, la forte croissance des plus grandes villes a engendré un phénomène d’hypertrophie métropolitaine. Toutefois, ce processus de métropolisation des emplois n’a rien de spectaculaire sur une période longue. Ainsi, les 13 métropoles administratives définies par la loi MAPTAM en 2014 (hors Paris) n’occupent que 27% de l’emploi en 2011, contre 24% en 1975. Dans le détail des classes de villes (entre 2013 et 2018), le nombre d’emplois augmente légèrement dans les petites unités urbaines de 10 000 à moins de 20 000 habitants (+0,2%) et dans les villes moyennes jusqu’à 200 000 habitants (+0,3%). Les unités urbaines de 200 000 à moins de 400 000 habitants accroissent leur nombre d’emploi de 0,6%. Dans les 14 unités urbaines de 400 000 habitants ou plus (hors Paris), le nombre d’emplois augmente de 4,2%. Les métropoles régionales évoluent plus favorablement qu’à Paris (+1,6%).
Mais en réalité, les métropoles forment en ensemble hétérogène. Non seulement le fait d’avoir un statut administratif de métropole ne signifie pas nécessairement une attractivité automatique, mais il existe d’autres territoires « hors métropoles qui attirent des emplois, y compris des emplois qualifiés, parfois loin des métropoles. Il faut prendre en compte, dans les espaces français ne faisant pas partie d’une métropole, et souvent même éloignés des métropoles, des attractivités territoriales fondées sur des « bases productives » non négligeables. Hors et loin des métropoles, l’industrie joue un rôle territorial de premier plan. La base productive se combine alors aux autres bases rurales ou tertiaires de l’économie présentielle, développées par les migrations résidentielles de population ou du tourisme, pour former des systèmes productivo-résidentiels. Ces derniers peuvent être considérés comme indépendants des métropoles.
Il en résulte nombre de réussites locales endogènes qui relèvent davantage d’une dynamique promouvant une « France inverse » que d’un quelconque « ruissellement » des métropoles. Le modèle théorique concentrique de ruissellement des métropoles sur le reste du territoire est ainsi inadapté à la réalité d’autant que les logiques territoriales sont de plus en plus réticulaire.
DOCUMENT PÉDAGOGIQUE (libre de droits)
LES MÉTROPOLES ONT-ELLES UN RAYONNEMENT DONT BÉNÉFICIENT LES TERRITOIRES ENVIRONNANTS ? La réponse par la géographie du chômage
EXERCICE PÉDAGOGIQUE par Alexandre DUCHESNE
LES CÂBLES SOUS-MARINS : NOUVEL ENJEU DE LA MONDIALISATION
Cette étude de cas s’insère dans le thème 1 du programme de géographie de Terminale technologique et générale intitulé : « Mers et océans : au cœur de la mondialisation ». Elle se base sur l’étude des câbles sous-marins, infrastructure essentielle à la mondialisation, selon une approche multiscalaire.
Dans les 3 premières étapes, les élèves étudient la question des câbles sous-marins à 3 échelles différentes : locale (le Hub marseillais), régionale (la zone stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient) et mondiale (risques majeurs et enjeux de souveraineté). Dans un deuxième temps, ils doivent réaliser un schéma bilan pour faire ressortir les acteurs, les enjeux et les risques.
ANALYSE par Gwénaël DORÉ
PROJETS DE TERRITOIRE ET POLITIQUE DE PEUPLEMENT
Les projets de territoire ont pour principal objectif de rendre plus attractif des territoires à l’échelle d’un bassin de vie, d’une intercommunalité, d’une commune ou de la partie centrale d’une commune. L’auteur s’intéressent à ceux qui privilégient les territoires ruraux ainsi que les villes moyennes ou petites.
En 2010, la loi de finances pour 2011 instaure une dotation de l’État qui, selon le nom qui lui est donne, vise la ruralité : c’est la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Toutefois le poids de la population rurale n’est pas suffisamment pris en compte dans la détermination des enveloppes de DETR dévolues à chaque département. Une mission de la Commission des finances de l’Assemblée nationale a recommandé de recentrer l’attribution de la DETR sur les communes et les intercommunalités « vraiment » rurales. Pourtant, en 2021, une instruction interministérielle relative aux dotations d’investissement a de nouveau demandé aux préfets de « veiller à ce que l’ensemble des crédits alloués au titre de la DETR concourent bien à l’aménagement et à l’attractivité du monde rural.
Quant à elle, l’Union Européenne a décidé d’intervenir spécifiquement depuis 1991 en faveur des territoires ruraux avec un programme intitulé Leader (Liaison entre actions de développement de l’économie rurale), géré en France par les conseils régionaux depuis 2014. Pour la période 2014-2029, ils ont sélectionné 339 Groupes d’action locale. La dimension strictement rurale a entre temps été étendue ajoutant des territoires de petites villes et périurbains aux zones rurales vulnérables.
En 2018, dans un contexte où la France comprend la nécessité d’enrayer sa désindustrialisation, un nouveau programme national est lancé. 146 territoires d’industrie, impliquant 542 intercommunalités, sont labellisés dans une démarche pilotée par les régions, en lien avec l’État et les opérateurs. Sur la période 2018-2022, l’État a aussi labellisé 22 villes sur à un appel d’offre pour revitaliser les cœurs des villes petites et moyennes (« Action cœur de ville »). Face aux demandes des gros bourgs ruraux à l’origine non concernés, l’État a instauré en octobre 2020 un autre programme intitulé « Petites villes de demain » pour les communes de moins de 20 000 habitants ayant des fonctions de centralité et confrontées à des fragilités économiques ou sociales.
On remarque surtout que les zonages d’intervention publique passent progressivement d’une logique redistributive – basée sur la compensation de handicaps – à une logique allocative de soutien aux projets de territoire – encourageant la valorisation des ressources. Une logique de projet de territoire prévaut dans les nouveaux programmes portés par l’État. Dans tous les cas, l’essentiel dépend de la qualité de la gouvernance territoriale.
LE POINT SUR … par Gil BELLIS, Jean-François LÉGER et Alain PARANT
FACE À LA RUSSIE, L’UNION DES POPULATIONS DE POLOGNE ET D’UKRAINE PEUT-ELLE PESER ?
Pologne et Ukraine ont une frontière commune qui s’étend sur 535 km. Les habitants de ces 2 pays parlent également une langue relativement proche. Ces éléments expliquent l’importante diaspora ukrainienne en Pologne et que ce dernier soit devenu le principal pays d’accueil des réfugiés ukrainiens. A la date du 15 juin, 1,2 million de réfugiés étaient toujours enregistrés en Pologne (pour un maximum de plus de 2 millions, 1 mois après l’invasion de la Russie). En matière de conflit entre nations, la démographie étant théoriquement un paramètre géopolitique important, un rapprochement entre la Pologne et l’Ukraine serait-il suffisant pour mieux résister, voire affronter, le géant russe aujourd’hui ? et demain ?
La population habitant en Russie est 1,8 fois plus nombreuse que l’ensemble des personnes résidant en Pologne et en Ukraine. La Pologne, grâce à sa moindre mortalité, parvient à compenser par rapport à la Russie sa moindre natalité. Les 2 pays ont ainsi, au cours de la période 2015-2020, un taux d’accroissement naturel nul, tandis que celui de l’Ukraine est nettement négatif (-0,6% par an en moyenne). Toutefois, Pologne et Russie connaissent une évolution de l’effectif de leur population différente : une légère croissance depuis 2010 pour la Russie, une petite baisse pour la Pologne sur la même période. Le solde migratoire explique ces croissances totales symétriques.
Les projections démographiques conduisent à un accroissement de l’avantage démographique de la Russie, avec une augmentation de la fécondité et un gain rapide de l’espérance de vie, sur l’ensemble polono-ukrainien. Le nombre d’habitants de ces 3 pays pourrait diminuer à l’horizon 2030. Mais la baisse relative et absolue serait moins forte en Russie que dans l’ensemble constitué par la Pologne et l’Ukraine. Entre 2020 et 2030, la Russie, qui ne perdrait « que » 2,6 millions d’habitants, pourrait donc accroître son avantage démographique de +1,1 million de personnes. Si l’union fait la force, celles des puissances démographiques polonaise et ukrainienne reste donc insuffisante pour constituer une véritable force géopolitique face à la Russie. Mais un large avantage démographique n’est pas nécessairement décisif dans l’issue d’une guerre.