Comment raconter la Première Guerre mondiale et la vie des soldats en bande dessinée sans être dans la redite ? Cette chronique évoque une bande dessinée dont la première édition date de 2012. Zidrou est un scénariste, auteur de nombreux albums, parmi lesquels « L’élève Ducobu ». Autant dire tout de suite qu’on est loin ici de cette ambiance. Porcel est le dessinateur entre autres de « Chevalier Brayard » ou de « Bouffon ».
Parmi les soldats
Les auteurs ont choisi de suivre quelques hommes de la 17ème compagnie d’infanterie qui s’est renommée « Les Folies Bergère » car, comme ils disent, « ça sonne mieux ». Ce nom s’explique aussi par le fait qu’ils se sont promis de se retrouver là-bas, à la fin de la guerre. Cet élément un peu étrange fait comprendre tout de suite qu’on a là un album qui, certes parle de la Première Guerre mondiale, mais avec une optique, un ton et des angles souvent surprenants. On suit des soldats qui essayent de recréer entre eux de l’humain alors qu’autour d’eux tout sent la mort.
La réalité de la guerre
Le lecteur qui aime les planches qui rendent compte du conflit ne sera pas frustré car plusieurs offrent des exemples sur ce qu’était une tranchée. En terme de couleurs, on trouve uniquement des touches de couleurs lorsque l’on n’est pas sur le front ou alors, si l’on s’y trouve, c’est pour voir apparaître du sang. Les soldats se sentent comme des taupes pourchassées. Comme le dit un personnage : « dans les tranchées, les mots n’ont pas le même sens que dans la vie ordinaire ».
Réalité et imaginaire
L’album pourra surprendre car sur cette toile de fond réaliste et tragique de la guerre se greffent des épisodes extraordinaires dans le premier sens du terme. Ainsi, parmi trois fusillés pour l’exemple, se trouve le dénommé Rubinstein qui a pour particularité de ne pas mourir malgré les blessures reçues. Cela interroge l’État-major qui voit comme unique solution de le re-fusiller … mais toujours sans succès. Un tel fait surprend évidemment et pourtant cela ne gêne pas la lecture.
Des histoires de famille
Un des fils rouge de l’album c’est aussi de relier ces soldats à leur famille. Il y a le caporal Maurice Verrat qui pense à sa femme Huguette et à leur enfant à naître. Il y a donc aussi ce soldat qui ne craint pas les balles qui voit débarquer sa fillette venue le chercher. Est-on dans la réalité ou l’imaginaire ? Peu importe au fond. Quelques images montrent aussi comment les soldats s’arrangent avec la sexualité. La bande dessinée introduit également d’autres personnages comme le surnommé Rembrandt dont on aperçoit les talents artistiques et de caricaturiste.
De l’humain mais surtout de la noirceur
Les auteurs ont choisi d’alterner en quelque sorte le feu de la guerre et le calme, ou une certaine insouciance de l’arrière. Ainsi, on découvre quelques bribes de la vie à l’arrière et on croise le peintre Monet en train de peindre et de discuter avec un jeune garçon qui n’est autre que le frère du fameux « Rembrandt ». Il faut insister sur une noirceur certaine de l’album avec des images parfois effrayantes comme celles où l’on voit apparaître le Diable. Les auteurs montrent aussi des soldats qui côtoient la mort en permanence.
Il s’agit donc d’un album impressionnant, dans le premier sens du terme, puisque des images, des personnages s’impriment en vous. L’album mêle la réalité la plus crue avec une imagination qui fonctionne complètement avec le reste du récit.