Fin janvier a paru aux Editions La Découverte, dans la collection « Repères sociologies », l’ouvrage « Sociologie de Rennes ». Ce petit livre a été écrit sous la direction de Romain Pasquier (directeur de recherche au CNRS et titulaire de la chaire « Territoires et mutations de l’action publique » à Sciences Po Rennes) et de Thibault Tellier (professeur d’histoire contemporaine à Sciences Po Rennes), avec des contributions de Thomas Aguilera, Jeanne Chauvel, Thomas Frinault, Jean-François Polo et Sébastien Segas. Le but de l’ouvrage est de dresser un bilan du « modèle rennais », en s’appuyant sur les aspects politiques, sociaux, culturels et économiques de son développement.

Cette étude se divise en 6 chapitres, à la fois sur l’histoire de la ville (I), les municipalités successives (II), mais aussi un jeu d’échelle à la fois sur l’agglomération (III), la métropole française (IV), Rennes comme capitale bretonne (V) voire comme métropole du Grand Ouest (VI).

L’ouvrage met en avant Rennes et son modèle urbain original, qui a su, grâce à la mobilisation de ses acteurs locaux, devenir une des métropoles françaises les plus dynamiques de ce début de siècle. En effet, la particularité de cette ville réside notamment dans l’investissement des municipalités diverses, mais aussi du Célib (Comité d’Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons), qui ont su se saisir habilement des politiques nationales (décentralisation des usines Citroën à Chartres-de-Bretagne en 1962 ou encore le statut de « métropole de recherche » en 1965 par exemple), voire parfois les devancer en innovant (priorité mise sur l’habitat social, instauration d’un « complément local de ressources » en 1986, deux ans avant la création du RMI). Ce « bastion socialiste », aujourd’hui fragilisé par les émergences écologistes et LREM, est le produit du croisement du républicanisme laïc et d’un christianisme social, dont l’incarnation la plus visible demeure le quotidien Ouest-France, très impliqué dans sa politique municipale. Si la métropole rennaise demeure aujourd’hui l’une des moins pauvres et des moins ségrégées de France, ce sont les quartiers du centre-ville qui demeurent les plus modestes, tandis que les catégories socio-professionnelles les plus aisées habitent massivement les villes de Saint-Grégoire et de Cesson-Sévigné. L’accent porté sur la culture dès les années 1950 a porté ses fruits, avec la visibilité nationale voire internationale de Rennes via des festivals divers, dont le mythique Trans Musicales (1979). La proximité nantaise, vecteur de compétition pour la primauté régionale, a obligé Rennes à miser sur l’affirmation de l’identité bretonne, en la raccrochant davantage au reste de la Bretagne, tout en essayant de coopérer avec la capitale des Pays de Loire.

Les chapitres peuvent se lire de façon indépendante les uns des autres, tout en étant complémentaires. Les propos sont synthétiques et permettent d’avoir un aperçu de la capitale bretonne en un temps de lecture relativement court. Plusieurs encadrés se révèlent judicieux pour guider le propos : un encart en introduction sur les dates-clé de la ville, un autre sur la relation entre Ouest-France et le pouvoir local ou encore sur la gauche alternative rennaise. Cartes, tableaux et graphiques illustrent là aussi quelques points spécifiques (les quartiers rennais, évolution de la part des catégories socioprofessionnelles à Rennes Métropole…). En plus de la table des matières, une liste des acronymes et des repères bibliographiques viennent clôturer l’ouvrage.

« Sociologie de Rennes » est donc un petit ouvrage fort utile car synthétique, qui permet de faire le point rapidement sur les forces et faiblesses du développement de Rennes Métropole. Celui-ci peut s’avérer intéressant à parcourir pour les enseignants, afin de mieux comprendre le modèle urbain de la ville et les jeux d’échelles du rayonnement d’une métropole, à étudier comme étude de cas à la fois au collège comme au lycée. Pour les géographes, il sera intéressant à étudier aussi dans une perspective davantage socio-économique, pour bien comprendre l’impact qu’ont les acteurs locaux dans le façonnement d’une ville. Et bien sûr, les étudiants en sciences sociales de Rennes 2 et Sciences-Po Rennes seront ravis de mieux appréhender leur ville, tout en retrouvant les travaux de certains de leurs professeurs.