Nouvel espace géographique au cœur des préoccupations, le Sahara occupe désormais une place de choix dans les problématiques géographiques tant géopolitiques que mobilitaires ou même urbaines. Longtemps en marge, cet espace entré dans la mondialisation dès les années 1950 avec la découverte du pétrole n’a cessé de prendre de l’importance dans le contexte de la montée du terrorisme.
Toutefois, c’est une approche très classique qu’adopte Bruno Lecoquierre, professeur de géographie à l’université du Havre, dans ce nouveau numéro de La Documentation photographique consacrant la première partie de son propos aux conditions physiques de cet espace avant d’examiner comment, au cours de l’histoire, le Sahara a été porteur de mythes attirant des explorateurs. La place donnée à la géographie physique du Sahara se retrouve aussi dans les pages commentées de documents. Il va à l’encontre de l’idée reçue considérant le nomadisme comme un mode de vie très mobile. « Les nomades ne se déplacent pas sans cesse, ils ne se déplacent pas tous et, lorsqu’ils le font, c’est beaucoup plus par nécessité que par choix. » (p. 7). S’appuyant sur les travaux des géographes spécialistes des migrations, il montre que les migrations transsahariennes ont pris beaucoup d’ampleur depuis le début du XXIème siècle, dans la continuité des mouvements qui s’opéraient déjà de la sorte depuis les années 1950. Au croisement de ces itinéraires mobiles, en fonction des aléas géopolitiques, se développent des entités urbaines où se côtoient candidats à l’émigration, chauffeurs de camion, rabatteurs, passeurs sans oublier les négociants et hommes d’affaires à la tête de ces circuits les rentabilisant en transportant des marchandises du nord vers le sud et des migrants du sud vers le nord.
Nouvelle marche de l’Europe (Ali Bensaad, 2005), le Sahara est composé d’une mosaïque d’États en difficulté, socialement et économiquement fragiles, à la croissance démographique rapide. Aucune véritable coopération n’existe entre eux, malgré la multiplication des structures voir à ce propos le document p. 13 : Un grand nombre d’organisations régionales pour peu de résultats. Cette inorganisation profite aux opérateurs étrangers (pays occidentaux, Chine) qui exploitent un sous-sol riche en matières premières, même si les menaces terroristes compliquent considérablement leur implantation comme celle du tourisme. Jusqu’au début des années 2000, le tourisme saharien a fait les beaux jours de pays peu développés mais disposant de richesses naturelles ou culturelles remarquables. Porteur de valeurs, telles que l’aventure, les grands espaces et la liberté, cette pratique touristique s’appuyait sur le prestige du nomadisme : « Le nomadisme, image de marque principale des peuples sahariens, est devenir aujourd’hui une sorte de valeur suprême dans un monde où la mobilité est tenue comme une norme » (p. 7). À défaut de pouvoir fouler le sable du désert, le succès cinématographique de Timbuktu d’Abderrahmane Sissako récompensé par 7 Césars en 2015 peut s’analyser comme le souhait du public de comprendre ce qui se trame dans les marges du plus grand désert du monde mais aussi satisfaire sa soif de paysages remarquables.
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes