La période napoléonienne a souvent été source d’inspiration pour les romanciers, qu’elle serve de toile de fond aux aventures de leurs personnages ou que ceux-ci s’attachent à nous raconter, un personnage ou évènement historique. Un domaine dans lequel Michel Peyramaure excelle, et après un essai sur Joachim Murat, il nous livre ici une autobiographie romancée du prince Eugène.
Le choix peut surprendre car il ne s’agit pas d’un des personnages les plus fameux de l’empire. Il se révèle pourtant pertinent pour le romancier. En effet, le parcours d’Eugène, autant familial que militaire et sa postérité permettent à l’auteur de mettre en scène de nombreux grands moments de l’épopée impériale.

Par ses origines familiales, il est le fils de Joséphine Beauharnais, Eugène permet à Michel Peyramaure de nous faire rentrer dans l’intimité de celle qui fut la première épouse de Bonaparte. Et par là même dans la famille impériale. Avec son talent habituel, le romancier décrit quelques uns des épisodes clés de la vie de Joséphine. Qu’il s’agisse de sa vie avec son premier époux, Alexandre comme de ses frasques amoureuses. Bien sûr la rencontre avec Bonaparte et les épisodes du mariage comme celui du divorce avec l’Empereur ne sont pas oubliés. L’occasion de rappeler le sentiment particulier qui persista entre les deux ex-époux après leur séparation. Mais aussi de plonger dans les histoires familiales du clan Bonaparte à travers le personnage d’Hortense qui est mariée à louis.

Mais Eugène n’est pas seulement le fils de Joséphine, il se retrouve au premier plan grâce à son beau-père. Il accompagne celui-ci lors de ses campagnes italiennes comme égyptiennes. Sans forcément avoir les qualités militaires des futurs maréchaux, son engagement sur les champs de bataille est réel, et il gravit les échelons de la hiérarchie militaire, aidé en partie par les faveurs de Napoléon. Mais surtout, c’est en propulsant Eugène à la tête du Royaume d’Italie avec le titre de vice-roi que la carrière de celui-ci prend un tournant décisif.
Durant près de dix années il va diriger celui-ci et en commander les armées. On le retrouve donc sur les grands champs de bataille de l’épopée impériale, d’Austerlitz à Borodino en passant par Wagram. S’il est le plus souvent épaulé par des maréchaux qui le conseillent, Eugène, à la différence d’un Joseph en Espagne, fait preuve de plus de caractère. C’est lui qui est à la tête de la Grande Armée début 1813 après le départ précipité de Murat et alors que Napoléon est encore à Paris. C’est Eugène également qui fait face, non sans talent ,à l’offensive autrichienne de 1814 en Italie. Le romancier ne centre pas cependant pas son ouvrage sur les faits d’armes et campagnes d’Eugène ; celles-ci occupent une part important de l’ouvrage mais ce n’est pas l’aspect qui l’intéresse le plus et on peut relever quelques erreurs (la mort de Marmont confondu avec Montbrun à Borodino,…) mais elles ne nuisent pas à l’ensemble.

La vie privée d’Eugène nous plonge dans les mœurs de la bonne société impériale. Sa mère et sa sœur ne sont jamais bien loin et leurs aventures accompagnent celle du héros. Un jeune homme que Napoléon marie à la fille d’un de ses alliés, la princesse Augusta de Bavière. Deux époux que l’auteur présente heureux ensemble malgré les infidélités que se permet Eugène. Ce mariage s’avère prolifique, les époux ont 7 enfants et placent particulièrement bien ceux-ci auprès des familles régnantes de l’époque : Suède, Brésil, Wurtemberg…. Et c’est en Bavière, auprès de ses beaux-parents qu’Eugène trouve refuge après la chute de l’empereur .Entouré d’égards mais surveillé, il se tient à l’écart de la politique française. Son existence de dilettante lui donne l’occasion de rencontrer Goethe.

La mort précoce d’Eugène à 42 ans permet au romancier de se centrer sur l’épopée impériale. On a ainsi un personnage et un récit dynamique dans lequel Michel Peyramaure est à son aise. Une lecture intéressante qui nous plonge certes davantage dans les arcanes familiales que dans le récit des batailles. Mais l’occasion de découvrir un personnage intéressant et relativement méconnu.

Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau