Marre de subir les avis tranchés et opinions politiques de vos collègues que vous ne partagez pas ? De vos amis nombrilistes qui ne parlent que d’eux ? De vos parents qui ne sont que sous-entendus et reproches à peine dissimulés ?
Grâce à l’intelligence artificielle, finissez-en avec les contrariétés et les disputes vaines : les voix, programmées dans vos objets du quotidien, ne vous contrediront jamais, iront toujours dans votre sens : elles sont vos alliées.
En 2055, les Assistants Personnels Intelligents, sont programmés dans tout objet, du scooter au frigo, de l’agrafeuse aux ciseaux, de l’ours en peluche à la tasse de café, du miroir aux boucles d’oreilles ; tous ont une voix.
Suite à un appel de son père, Ezra, développeur de jeux vidéo dans la Silicon Valley depuis dix ans, doit revenir à Marseille, pour retrouver son frère Yan, disparu suite à une séparation. Il y rencontre le docteur Daoud, le psychiatre de Yan, qui lui parle d’un nouveau mal, la misanthropie, provoqué par les Assistants Personnels Intelligents. Les voix des objets connectés sont si réalistes qu’elles remplaceraient chez certains le besoin d’entretenir des relations sociales et entraîneraient, dans le pire des cas, un repli sur soi irréversible et même, une fuite au Japon où l’on prêterait une âme aux objets parlants. Les individus touchés deviennent des icebergs: ils sont toujours là, mais ne ressentent plus aucune émotion parmi les hommes.
Ce roman graphique, entre roman policier et dystopie, évoque les problématiques liées aux addictions aux jeux vidéos et les risques de l’intelligence artificielle sous un angle de santé publique. Les personnages secondaires sont bien construits: les membres de la famille, le docteur Daoud, la designer et gameuse Daphné. Les dessins aux tons pastel (dont on peut avoir un aperçu sur le site des éditions Sarbacane) offrent un décor très réaliste et servent bien la narration. Le dénouement au Japon, qui bascule dans la science-fiction est un peu abrupt.
Néanmoins, l’auteur Paul Rey atteint son objectif. Le syndrome de l’iceberg ne laisse pas indifférent; il nous force à regarder nos appareils connectés d’un autre œil. Il devrait plaire aux lycéens et permet de lancer le débat sur leur usage des nouvelles technologies.