Un épicier parcourant le monde à la fin du XIXe siècle

Ce récit de voyage datant de la fin du XIXe siècle est original à plus d’un titre. Fustigeant les auteurs de tour du monde restant « douillettement assis dans leur fauteuil » (page 9) et dédiant son ouvrage à la « Chambre syndicale de l’Épicerie », l’épicier Albert Seigneurie raconte de façon simple, à hauteur d’homme, le parcours le menant de Paris à Singapour, Hanoï, Hong Kong, Yokohama, San Francisco, Denver, Chicago et New York avant de traverser l’océan Atlantique afin de revenir sur sa terre natale. Entamé le 17 novembre 1886, son voyage se termine dix mois plus tard (août 1887).

Le tiers de l’ouvrage est consacré à la description de l’exposition du Tonkin. Souhaitant développer les relations commerciales entre le Tonkin, la Cochinchine et la France, l’auteur est chargé de représenter des industriels de la métropole, attirés par la perspective de faire fructifier leurs affaires grâce à la clientèle des colonies. L’espoir sera déçu par l’administration française. Un chapitre savoureux se glisse au milieu de l’ouvrage : Albert Seigneurie y fait un rapport sur le climat, l’administration coloniale et la population du Tonkin. Le ministre-résident prend de nombreux critiques pour son grade : citons le commentaire de la page 170. « Le résident général ne semble pas faire grand chose, ou du moins pas grand chose d’éminemment utile ». Les fonctionnaires coloniaux sont présentés comme ayant un train de vie très dispendieux, mais également comme étant de grands buveurs, notamment de « champagne ». Pour lui, le gouvernement française dépense beaucoup trop d’argent pour entretenir une présence de fonctionnaire coloniaux, tout juste bon à compliquer l’extraction des mines indochinoises d’or et d’argent, contrairement à la liberté d’entreprise en vigueur dans le Colorado aux États-Unis. Une urgente réforme du système du protectorat lui semble nécessaire et vitale afin de renflouer les caisses de l’État.

Parmi les passages les intéressants, la description du Japon est particulièrement éclairante. Tokio (Tokyo), Kanassawa (Kanasawa), Kamakura et Yokohama trouvent grâce aux yeux du commerçant. Des analogies sont écrites entre la France et le Japon : les deux pays sont sous la menace des « races anglo-saxonnes » et « germaniques ». La guerre du 1870 est encore dans tous les souvenirs ! La description des traversées maritimes entre Hong Kong et la côte occidentale des États-Unis est également l’occasion de disserter sur les Européens et nord-américains : voyageurs suisses, demoiselles américaines, consul britannique, commerçants allemands.

Une coquille s’est malheureusement glissée sur la quatrième de couverture : elle mentionne un voyage effectué au XXe siècle alors qu’Albert Seigneurie part en 1886…

En résumé, il s’agit d’un récit vivant et original afin d’apprécier les prémices du tourisme à la fin du XIXème siècle. Les candidats préparant la question sur la géographie du tourisme et des loisirs pourront y faire des allusions. L’édition est soignée grâce à une cinquantaine de gravures, un texte aéré et une couverture robuste.

Pour aller plus loin :

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Antoine BARONNET @ Clionautes