La guerre du Vietnam vue par les Etats-Unis : le sujet de ce roman graphique, présenté ainsi, pourrait sembler avoir été traité dans tous les sens. Pourtant, cette lecture de «  De l’autre côté » risque de vous causer un choc. Il est prudent de signaler que plusieurs planches peuvent impressionner les plus jeunes par leur aspect très cru.

Un point de vue sur les auteurs

Dans l’introduction, le capitaine Dale Dye, consultant militaire dans de nombreux films, souligne combien ce livre est important. Globalement, il oppose ceux qui parlent de la guerre et ceux qui la font. Il souligne que, dans ce livre, c’est ce dernier point de vue que l’on a. Pas de volonté donc d’héroïsation, mais une approche très concrète de la réalité de la guerre du Vietnam. En fin d’ouvrage, on trouve une postface écrite par Jason Aaron qui explique ses motivations familiales à traiter de ce conflit. Elle est suivie par des extraits du journal de voyage au Vietnam de Cameron Stewart en 2005. Il y a enfin un bref carnet de croquis où on voit quelques étapes de réalisation d’une planche de la bande dessinée. 

Deux itinéraires

Les auteurs ont choisi de suivre deux soldats, un dans chaque camp. Du côté américain, le jeune Bill Everett et, du côté vietnamien, Vo Bin Daï. Le premier n’est pas véritablement concerné par le conflit tant qu’il n’a pas été appelé. Pour le second, ce combat est une œuvre d’émancipation et de libération de son pays. De façon classique, on suit donc chacun de ces acteurs tout en imaginant bien qu’ils se trouveront à un moment face à face. Plusieurs scènes sont vues en miroir comme le départ à la guerre. On suit également l’entraînement de chacun avec les humiliations sensées forger le caractère du jeune Everett. 

Les premiers pas au combat

Le jeune Vo Bin Daï se sent porté par le combat qu’il mène tandis que Bill hait déjà le Vietnam alors qu’il est là depuis moins de quinze jours. Les premiers combats ont lieu avec la nécessité parfois d’évacuer des soldats blessés. Du côté vietnamien, la malaria cause de nombreux décès. Les auteurs donnent à voir des images assez atroces d’animaux dévorant des restes de soldat.

Les combats au quotidien

Le jeune vietnamien reçoit des tracts largués par l’armée américaine pour dénoncer le communisme mais ceci ne lui parle pas vraiment. Pour lui, il mène un combat pour l’indépendance de son pays. On suit ensuite la vie quotidienne des troupes américaines entre attente et combat. Peu à peu, chacun des deux protagonistes commence à découvrir la dureté de la guerre. Pour Bill Everett, on voit des images qui donnent à penser qu’il est près de basculer dans la folie. Pour Vo Bin Daï, il s’aperçoit que la réalité est différente de ce qu’on lui a raconté autour de la victoire de Dien-Bien-Phu par exemple. 

Par moi l’on va dans la cité des pleurs

Lors d’une attaque, le sergent d’Everett est touché par sa faute. On le voit ensuite lisant une lettre de sa famille, entouré de figures effrayantes correspondants à ces camarades. Il se remémore aussi sa vie d’avant, avec les membres de sa communauté à l’église. Mais, aussitôt, des images effrayantes se superposent à ces temps heureux. De son côté, le jeune Vietnamien aussi imagine ce qu’aurait pu être sa vie sans ce combat. L’attente et les combats se poursuivent jusqu’à ce que la rencontre entre les deux camps intervienne. On ne révélera pas son issue mais elle donne lieu, là encore, à des images dures qui se concluent par une ultime planche à la fois sobre et émouvante.

Ce roman graphique est donc marquant. Comme son titre l’annonce, il envisage la guerre vue du côté américain mais aussi de l’autre côté, celui des Vietnamiens. Les deux personnages sont à la fois très humains et totalement broyés par quelque chose qui les dépasse. Il vous restera sans doute quelques images fortes après avoir refermé la dernière page.