Cet ouvrage a été édité dans le cadre de l’exposition « Traits d’Egypte – Marcelle Baud (1890-1987) présentée au musée Bargoin de Clermont-Ferrand du 7 juillet 2021 au 9 janvier 2022.

L’ouvrage est un collectif qui se présente en 2 grandes parties :

– La première partie de l’ouvrage comprend différents chapitres sur l’histoire de Marcelle Baud, le dessin, l’histoire de l’égyptologie. Chaque chapitre est abondamment illustré et complété par de nombreuses références historiographiques.
– La deuxième partie est un catalogue d’œuvres qui comprend d’une part la formation classique de Marcelle Baud et ses œuvres personnelles et d’autre part, sa carrière d’égyptologue.

Marcelle Baud, peu connue, pour ne pas dire inconnue du grand public, mérite tout d’abord une présentation. Présentant de réelles aptitudes pour le dessin dès son plus jeune âge, elle suit une formation à l’Académie Julian, aux Beaux-Arts de Paris puis à l’école du Louvre. Elle va dès lors se passionner pour l’Egypte ancienne et sera la première femme à entrer à l’Institut français d’archéologie orientale. Elle va passer une partie de sa vie en Egypte où elle copiera avec une grande exactitude des dessins et peintures de l’Egypte ancienne, fournissant ainsi un matériau de qualité aux égyptologues. Marcelle Baud, bien que née à Paris, a des liens avec l’Auvergne, patrie de son père : elle s’installe à Mailhat, dans le Puy-de-Dôme, son havre de paix entre ses expéditions en Egypte.

I, Marcelle Baud, une « moderne amazone de l’archéologie, Camille Besse, Chim Cholin, Camille Gaumat, Marion Veschambre-Patrac.

Ce premier chapitre nous trace le parcours de Marcelle Baud, de son lien avec le dessin dès l’enfance à sa longue carrière d’égyptologue. Fille d’un Auvergnat de Paris qui se distingue par ses qualités de dessinateur, initiée au dessin par son grand-père, elle grandit donc dans un « milieu aisé et imprégné par les arts ». Elle remporte le premier prix de dessin à 15 ans et poursuit ses études à l’académie Julian où elle se fait remarquer par son talent.

Elle fréquente parallèlement l’Ecole des Beaux-Arts mais la Première Guerre mondiale met fin à sa double formation. Après la guerre, elle intègre l’Ecole du Louvre où elle se passionne pour les cours d’égyptologie. Elle est remarquée par ses professeurs qui lui conseillent de faire « l’Ecole du Caire », nom donné alors à l’Ifao (Institut français de l’archéologie orientale).

C’est en 1921 qu’elle débute au Caire sa carrière d’égyptologue en tant que « dessinateur », dans un milieu exclusivement masculin. Lors de nombreuses missions, elle relève les dessins et inscriptions sur les parois de tombes de personnages illustres de l’Egypte ancienne. Elle est aussi chargée de diriger les « travaux photographiques » à Louxor et à Karnak. Elle doit, de plus, mener de nombreuses recherches documentaires pour le personnel scientifique de l’Ifao et pour ses propres travaux de recherche.

Ces différents dessins de relevés archéologiques sont exposés, puis publiés. Elle est aussi sollicitée par ses collègues archéologues belges et participe ainsi à plusieurs fouilles réalisées par l’équipe belge en Egypte.

A partir de 1935, elle va collaborer aux différentes éditions du Guide Bleu où elle décrit les richesses archéologiques de l’Egypte pour les touristes. Dans les années 1950, alors que les nombreuses découvertes archéologiques attirent les voyageurs en Egypte, elle se fait guide de « voyages de découverte artistique », avec sa dame de compagnie Odile Vaissière. Enfin, en 1978, à l’âge de 88 ans, elle publie l’ouvrage de « toute sa vie », Le Caractère du dessin en Egypte ancienne, dont elle avait conçu l’introduction dès 1937.

Ce chapitre se clôt par la transcription d’une interview donnée par Marcelle Baud à la radio en 1938 sur son métier d’égyptologue.

II, L’égyptologie en France au début du XXe siècle, Eric Gady.

Dans ce chapitre, Eric Gady retrace l’histoire de l’égyptologie et le rôle tenu par la France dans cette science. Tout commence, ou presque, avec l’expédition de Bonaparte en 1798 qui aboutit à la publication de la Description de l’Egypte et à la découverte de la pierre de Rosette qui permis à Jean-François Champollion de livrer, en 1822, les clés du déchiffrement des hiéroglyphes.

L’histoire de l’égyptologie est retracée dans ses grandes étapes avec la création du Service des Antiquités en Egypte en 1858, puis celle de l’Ecole française du Caire en 1880 avec Gaston Maspero comme directeur. La dernière partie développe le rôle de l’Ecole française du Caire (qui devient Ifao en 1898) et revient sur la place des femmes dans l’archéologie. Les seules femmes travaillant en Egypte étaient les épouses des archéologues ou des directeurs de l’Ecole. Marcelle Baud est ainsi la première femme attachée temporaire, recrutée comme dessinatrice, ouvrant la voie à d’autres femmes dans cette carrière. Il fallut attendre 1938 pour voir une femme, Christiane Desroches Noblecourt, nommée pensionnaire.

III, L’IFAO au temps de Marcelle Baud, Delphine Driaux

Delphine Driaux raconte dans ce 3e chapitre l’histoire des différentes campagnes de fouilles menées par l’Institut français d’archéologie orientale dans les années 1920. On notera la présence de nombreuses photographies de fouilles et un extrait du journal de fouilles de Bernard Bruyère absolument fascinant (p. 58).

IV, Marcelle Baud et l’âge d’or de l’égyptologie belge de Luc Delvaux

Le début du XXe voit l’essor de l’égyptologie belge : alors qu’en 1900, la discipline n’est enseignée dans aucune université du pays et que le Musée de Bruxelles ne compte que quelques centaines de pièces égyptiennes, quarante ans plus tard, grâce à l’action de Jean Capart, conservateur de la collection égyptienne des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, Bruxelles est devenue une « véritable capitale mondiale de l’égyptologie ». La création en 1923 de la Fondation égyptologique Reine Elisabeth a permis de rassembler rapidement une bibliothèque et une documentation photographique qui attirent des égyptologues du monde entier. On notera la composition particulière de l’équipe de Jean Capart qui est composée en majorité de femmes, chose assez rare pour être soulignée dans ce monde de l’égyptologie essentiellement masculin alors.

Parmi les pionnières, Marcelle Werbrouck qui deviendra une grande amie de Marcelle Baud (on les surnommait « les deux Marcelle ») : les deux femmes ont travaillé ensemble en Egypte où elles ont vécu dans une petite maison au cœur de la nécropole thébaine afin d’être sur place pour faire leurs travaux de recherche. Durant toute sa carrière d’égyptologue, Marcelle Baud a travaillé avec ses collègues belges d’abord comme « membre protecteur » puis comme « secrétaire pour la France » de la Fondation égyptologique.

V, De l’ombrelle à la truelle : les pionnières de l’égyptologie d’Hélène Virenque

Dans ce chapitre, Hélène Virenque met en lumière quelques femmes, qualifiées de « pionnières de l’égyptologie », souvent peu connues car restées dans l’ombre de leur époux comme Marguerite Naville ou Hilda Pétrie ou considérées comme des « petites mains » comme la Française Lucienne Epron qui a eu une carrière d’aquarelliste sur des chantiers de fouille en Egypte. D’autres femmes ont eu une influence certaine dans le milieu de l’égyptologie comme Amelia B. Edwards qui a cofondé l’Egypt Exploration Fund qui a mené de nombreux chantiers de fouilles ou la Française Christiane Desroches Noblecourt qui s’est particulièrement impliquée dans la sauvegarde des temples de Nubie, menacés par la montée des eaux due à la construction du barrage Nasser.

Les biographies de ces différentes femmes permettent de mesurer tous les obstacles qui s’élevaient alors sur la route de ces femmes passionnées et érudites dont le talent n’avait pourtant rien à envier à leurs homologues masculins.

VI, Le rôle des dessinateurs et des copistes de Bénédicte Lhoyer

Bénédicte Lhoyer revient ici sur l’importance des dessinateurs et des copistes qui font partie intégrante des équipes d’archéologie. Sans leurs relevés et leurs dessins, il ne resterait nulle trace de nombreuses découvertes, avant l’invention de la photographie.

Si les voyageurs ont été nombreux en Egypte avant le XIXe siècle, les restitutions graphiques de leurs découvertes étaient le plus souvent fantaisistes, bien loin de la réalité et plutôt conformes à une Egypte plus fantasmée que réelle. C’est l’expédition d’Egypte qui marque un tournant radical dans la représentation des découvertes archéologiques faites alors. Les dessinateurs de l’expédition comme Vivant-Denon, Cécile ou Redouté dessinent avec une certaine exactitude ce qu’ils découvrent même si parfois, faute de temps, ils copient une partie du document et complètent la partie manquante plus tard, avec quelques interprétations. Il n’en demeure pas moins que les dessins rassemblés dans la Description de l’Egypte constituent parfois le seul témoignage de vestiges désormais disparus.

Par la suite, d’autres expéditions archéologiques ont mis en avant l’importance des dessinateurs et copistes comme celle de Giovanni Battista Belzoni qui s’adjoignit les services d’Alessandro Ricci pour reproduire les peintures des tombeaux de la Vallée des Rois ou celle franco-toscane de Champollion et Rosellini composée de nombreux peintres et dessinateurs. On peut aussi signaler les expéditions d’Emile Prisse d’Avennes et de Karl Richard Lepsius qui ont donné lieu à des publications qui sont devenues une source incontournable pour les égyptologues.

Si l’invention de la photographie a permis de faciliter les reproductions, notamment dans les ouvrages, les dessinateurs ont continué et continuent encore aujourd’hui de copier fidèlement les inscriptions découvertes : aucune photographie ne peut rendre les éléments manquants sur une paroi en mauvais état ou la présence d’un léger creux perceptible à la fois à l’œil et au touché.

VII, Le dessin égyptien et l’apport de Marcelle Baud d’Isabelle Therasse

Isabelle Therasse nous livre dans ce chapitre assez technique les clés de lecture du dessin égyptien, souvent mal compris car très différent des canons artistiques occidentaux.

VIII, Marcelle Baud – Catalogue d’œuvres

Cette deuxième partie de l’ouvrage est un catalogue des œuvres de Marcelle Baud qui se divise en deux grands thèmes : « Formation classique et œuvres personnelles » et « Sa carrière d’égyptologue ».

Cet ouvrage collectif, écrit par des égyptologues, est remarquable sur bien des points. Il retrace tout d’abord, à travers différents chapitres, l’histoire de la femme exceptionnelle qu’était Marcelle Baud et à travers son histoire personnelle, celle de l’égyptologie. Il permet aussi de s’intéresser à l’histoire des femmes, qui eurent bien du mal à se faire reconnaître dans ce domaine comme dans tant d’autres.

Cet ouvrage est remarquablement illustré, pas seulement dans la deuxième partie mais aussi tout au long des chapitres, par de nombreux dessins et de photographies qui nous plongent dans la découverte de l’Egypte au XIXe siècle. On peut aussi souligner le travail de l’équipe du musée Bargoin, auteur de premier chapitre sur la vie de Camille Baud et qui a organisé une passionnante exposition au musée Bargoin de Clermont-Ferrand à ce sujet.