Paru juste avant les grands départs, cet ouvrage de Jean-Didier Urbain (anthropologue à Paris V) s’intéresse au tourisme, vu comme le symptôme d’un syndrome plus global, celui d’une société de loisirs.

Au delà de ses innombrables nouvelles formes et des redistributions planétaires en découlant, c’est sous l’angle peu étudié des attentes et des envies du sujet touriste que l’auteur déroule son argumentaire.

Des clarifications sémantiques indispensables nous montrent qu’être en vacances, ce n’est pas forcément partir ; que partir, ce n’est pas forcément voyager (déplacements de proximité, résidences secondaires) et que voyager, ce n’est pas forcément faire du tourisme (autres motifs). De plus, il ne faut pas négliger « l’anti-objet » (le fait de partir non pour découvrir ou explorer mais pour quitter ou échapper à quelque chose) tout comme les non-départs qui ne sont pas uniquement motivés par des contraintes économiques mais également par des décisions réfléchies.

Les destinations changent, certaines naissent, d’autres meurent mais rien n’est irréversible. Des pays anciennement « récepteurs » de touristes deviennent « émetteurs » et inversement. Les espaces se spécialisent selon divers critères comme la valeur d’un lieu, le motif, la durée, le type d’hébergement ou encore la fidélité.

Le touriste, lui, semblerait succomber à quelques « désirs capitaux » : l’appel du désert, au sens plus ou moins strict (moi seul), la grégarité où les classiques Disneyland, musée du Louvre ou encore Tour Eiffel font toujours recette (moi + les mêmes), différentes formes de cénobitisme à l’image du Club Med et consorts (moi + les miens) et enfin l’approche altruiste où engagement humanitaire cohabite avec vie chez l’habitant (moi + les autres).

Un voyage original et très pointu dans les arcanes du raisonnement du touriste. Les données chiffrées sont récentes et variées mais presque toujours insérées dans le corps du texte, sûrement que quelques figures supplémentaires auraient été les bienvenues. Sur la forme, Jean-Didier Urbain écrit bien, très bien, peut-être même trop bien : là où l’exercice de l’interview est limpide et là où on imagine une conférence captivante, on bute parfois ici sur des tournures très élaborées, voire, çà et là, des phrases copieuses de plus de quinze lignes.

Qu’importe ces remarques minimes, « L’envie du Monde » permet au lecteur de bien saisir, outre les motivations des uns et des autres, les enjeux du tourisme de demain : un tourisme mondialisé où l’équilibre entre patrimonialisation et sanctuarisation est fragile mais dont la fonction première reste, c’est essentiel, la compréhension de notre vaste monde.