Cette brève histoire des femmes au Québec s’inscrit dans l’historiographie très actuelle, dans une perspective d’histoire genrée.

L’auteure, Denyse Baillargeon, est professeure d’histoire de l’Université de Montréal, spécialiste de l’histoire des femmes, de la famille, de la santé et de la consommation. Elle propose ici une synthèse sur quatre siècles de l’histoire des femmes de la Nouvelle France à la première décennie du XXIe siècle.

L’auteure a choisi de circonscrire son étude dans les limites géographiques du Québec actuel et avec une déclinaison chronologique en huit chapitres.

Pour chaque période elle présenta la situation politique, économique et sociale et les conséquences pour les femmes, mettant en lumière quelques pionnières.

L’histoire des Québécoises a ses particularités en matière de démographie, d’éducation, de poids de la religion mais aussi dans les rapports entre les femmes et l’État, l’action sociale et politique.

Amérindiennes et Françaises à l’époque coloniale française

Amérindiennes et Françaises ont une vie très différente autant par la culture matérielle, la place dans l’organisation sociale que dans les rapports entre les sexes comme le montre les textes des missionnaires, notamment jésuites. L’égalité amérindienne choque les tenants d’une société hiérarchisée et patriarcale.

L’auteure présente un tableau synthétique des sociétés amérindiennes matrilinéaires où les femmes ont une place centrale : contribution à l’économie de subsistance, autonomie dans le travail, liberté sexuelle, place dans les décisions concernant les prisonniers mais aussi dans les mythes (déesse-mère).
Chez les colons, jusqu’à l’arrivée des « filles du Roy », les femmes sont peu nombreuses. Ce n’est qu’à la fin du XVIIe siècle que la politique d’une colonie de peuplement se met en place. L’auteure mentionne la présence des esclaves en Nouvelle France, autochtones et noirs, femmes comme hommes (la servitude fut abolie en 1834).

La description rapide de la société laurentienne montre que la femme peut représenter son mari absent dans les transactions commerciales malgré une société fortement patriarcale soumise au droit coutumier de Paris.

Un paragraphe est consacré à la présence et au rôle des religieuses dans la colonie.

Les débuts du régime britannique (1780-1840)

La situation des femmes évolue peu car dans le contexte du mécontentement des 13 colonies, les autorités britanniques, pour s’assurer de la loyauté de ses sujets francophones, reconnaissent la religion catholique et maintiennent le régime du droit civil français.

A partir des années 1790 ce sont les loyalistes anglophones qui se réfugient dans la vallée du Saint-Laurent influant sur l’acte constitutionnel de 1791 qui crée deux assemblées législatives pour le Haut-Canada (l’actuel Alberta) et du Bas-Canada (le Québec). Le sens électoral bas permet à de nombreuses femmes de voter (jusqu’en 1849) même si elles ne sont pas éligibles.

Un second mouvement migratoire se développe après 1815 en provenance des Îles Britanniques, notamment des Irlandais catholiques.

L’auteure décrit les réalités démographiques et sociologiques du Bas-Canada, les métiers et la vie des femmes dont de nombreuses domestiques, leur place dans l’enseignement, le soin et l’aide aux populations. Elle montre aussi l’opposition croissante au vote des femmes ainsi que les querelles entre Francophones et Anglophones à propos du douaire qui protège les Québécoises en cas de veuvage.

Une société en voie d’industrialisation (1840-1880)

Cette période est marquée par le développement des activités industrielles (développement du chemin de fer), un monde urbain qui influe sur la situation des femmes, les reléguant aux tâches familiales même si les plus jeunes travaillent dans l’industrie (textile, chaussure, tabac). L’auteur décrit la vie souvent difficile des Québécoises. Elle montre l’écart d’organisation scolaire et de niveau d’étude entre Anglophones et Francophones qui subissent le poids et le pouvoir de l’Église catholique. Les inégalités de genres s’expriment dans le nouveau code civil (1866). Les inégalités dont sont victimes les Amérindiennes sont aussi évoquées.

Un nouvel ordre capitaliste industriel (1880-1920)

C’est une nouvelle époque plus industrielle avec une division accrue du travail. Montréal devient une ville cosmopolite. La vie des femmes est assez différente selon qu’elles vivent en ville ou à la campagne : mode de vie, nombre d’enfants, métiers. L’auteur décrit quelques situations : zone de colonisation, campagnes laurentiennes, villes où de nouveaux métiers ‘ouvrent aux femmes dans les emplois de bureau mais aussi dans l’enseignement, les soins infirmiers. C’est l’époque de l’ouverture aux femmes de l’enseignement supérieur francophone comme anglophone. L’auteure évoque quelques femmes artistes et les revendications en matière de droit de vote.

Les différences entre monde anglophone et francophone demeurent importantes.

Les femmes dans une société « moderne » (1920-1940)

L’entre-deux-guerres est une période importante d’évolution de la place des femmes notamment leur présence dans l’espace public urbain et dans les organisations féminines. Les femmes obtiennent le droit de vote en avril 1940.

La femme québécoise est une « femme moderne » : vêtement, maquillage, pratique sportive, américanisation dénoncée par l’Église catholique et les milieux conservateurs canadiens français. L’engagement économique et syndical est réel malgré les effets de la crise économique des années 1930.

Une société en profonde mutation (1940-1965)

L’écart s’accroît entre les discours conservateurs des hommes politiques comme Duplessis (apologie de la famille, vocation rurale des Québécois) et le vécu des Québécoises pendant et surtout après la guerre : engagement dans l’effort de guerre puis entrée dans la société de consommation, culture de masse, baisse des vocations religieuses, contraception et développement du féminisme.

Le développement du travail salarié féminin est conforté par l’immigration européenne (Grèce, Portugal, Italie) et les engagements militants.

La révolution féministe (1966-1989)

Il faut attendre la fin des années 1960 pour que les revendications féministes se fassent plus déterminées entraînant une remise en cause du mariage et de la famille traditionnelle, un recul de la fécondité (1,39 enfant/femme en 1987) malgré la plus forte fécondité des Autochtones et des migrantes originaires des Caraïbes, d’Asie ou d’Afrique du Nord. La discrimination en matière d’emploi et de salaire reste la norme. L’auteure dénonce les stéréotypes encore véhiculés par les manuels scolaires1. Elle décrit les différents chantiers du mouvement féministe : égalité des droits en matière juridique, violences conjugales, et montre la spécificité du combat des femmes issues des Premières Nations.

Les femmes dans une société néolibérale (1990-2010)

C’est une brève analyse de la situation actuelle : questions migratoires, multiculturalisme, attitudes face à la procréation (politique nataliste -1988 et congé parental – 2004, plus généreux qu’en France), accès aux lieux de pouvoir et équité salariale ; des combats nombreux même si le modèle québécois est plus protecteur que dans le reste du Canada. L’auteure fait un tour d’horizon des mesures progressistes : pensions alimentaires, mariage homosexuel (2004)… Elle note un clivage au sein des mouvements féministes sur deux points l’orientation sexuelle et la question nationale rappelant ainsi la spécificité du Québec.

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Présentation sur le site de l’éditeur ici

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