Difficultés, risques et subjectivité
Dès l’introduction, Julien Damon et Thierry Paquot pointent quelques dérives possibles sur ce sujet dont la tendance à jargonner est parfois très visible dans certains ouvrages. Cela a pour conséquence de mettre sur le devant de la scène des mots qui, parfois, ne résistent pas au temps. Les auteurs expliquent leur ambition dans le cadre de ce livre : « ce n’est pas un dictionnaire, encore moins une encyclopédie, il se veut à la fois promenade et invitation ». Un peu plus loin, ils précisent que les entrées doivent être vues comme «de petits essais ouverts et complémentaires ». C’est pour cela qu’ils ont choisi d’adopter un système de renvois entre les entrées pour compléter chacune d’elles. Autant dire qu’en plus des précisions scientifiques attendues, on trouvera la patte des auteurs. On peut citer à cet égard l’amorce de l’article du très évident «communes » : « Les Français aiment leurs 300 fromages et leurs plus de 36 000 communes ». De même à l’article rural : « Le monde rural serait moins sophistiqué, moins policé moins cultivé. Et tout ceci selon le monde urbain bien sûr ! ». L’ouvrage est structuré autour de six chapitres et, à l’intérieur, c’est l’ordre alphabétique qui prévaut. Les 100 entrées sont ensuite récapitulées de façon alphabétique à la fin.
Définir et délimiter
On trouvera pêle-mêle ici un article sur agglomération, quartier, ou encore urbanisation. On pourra s’arrêter sur l’article bidonville qui rappelle d’abord l’origine historique du mot, à savoir le début des années 30 au Maghreb au moment où les populations utilisaient des matériaux de récupération. L’article offre aussi la déclinaison du mot au-delà du seul terme de favela. Il se termine par une idée forte : l’urbanisation du monde est pour une large part une bidonvilisation. Les auteurs proposent souvent d’historiciser leur définition, manière de ne pas être aveuglé par l’idée que tout phénomène est récent. Ainsi, pour les gated community ils proposent même de remonter aux forteresses médiévales !
Construire et aménager
Dans ce chapitre, les auteurs consacrent par exemple une entrée au mot campus pour glisser que Toulouse ou Rennes « perdent » un tiers de leurs habitants chaque week end. Comme annoncé dans l’introduction, ils pointent des expressions comme « espaces publics » qui « à vouloir tout désigner …ne dit plus rien de très intéressant ». On lira aussi un article sur les tours avec Hong Kong qui compte le plus d’immeubles en hauteur et qui, en 2014, possède encore la tour la plus haute avec 828 mètres. Le chapitre d’après se consacre à « Vivre et habiter ». Il commence par une entrée agriculture car les auteurs expliquent que les villes sont « nées de l’agriculture et du surplus que les paysans dégagent avec leurs récoltes ». Cela continue avec une entrée arbre où on apprendra sans doute que Madrid détient le record européen avec pas moins de 248 000 arbres plantés. Les entrées plus classiques ne sont pas oubliées avec l’inévitable « école de Chicago ». Ce chapitre joue clairement le décalage avec une entrée « toilettes publiques » !
Gérer et administrer
Ce chapitre fait aussi la part belle à l’histoire en proposant une entrée agora ou encore cité. On pourra s’arrêter sur l’entrée « évènements ». En effet, les villes doivent en créer pour se distinguer. Là encore, il est bon de regarder en arrière car les pèlerinages et les foires s’inscrivaient dans la même logique il y a bien longtemps. Comme le disent les auteurs, « alors qu’elle se veut, en matière d’investissement toujours plus gérée par projets, elle se gère aussi davantage à coup d’évènements. » d’autres aspects très concrets sont envisagés avec la question des finances locales. A un moment où la France réfléchit à sa future organisation administrative, il est bon de rappeler que les dépenses de personnel représentent la moitié des dépenses de fonctionnement des communes. On apprendra aussi quel est le portrait type du maire aujourd’hui en France, à savoir un homme de plus de 60 ans.
Se déplacer et se poser
Parler de la ville, c’est aussi parler de la question des transports et des mobilités. Les auteurs passent en revue plusieurs façons de se déplacer. Ils évoquent les aéroports et livrent le palmarès passagers pour 2013. Atlanta arrive en tête avec près de 100 millions de personnes, puis on trouve Pékin et Tokyo. On sera interloqué par le cas de l’ancien aéroport d’Athènes, abandonné depuis 2001, qui est devenu un jardin autogéré avec 2 000 arbres et une oliveraie participative. L’Etat l’a finalement vendu à un promoteur en 2014. On trouvera des mobilités plus habituelles avec une entrée piéton, gare ou encore automobile. 99 % des déplacements se font dans un rayon de 80 kilomètres autour du domicile, et c’est bien là qu’est l’enjeu pour demain.
Les auteurs choisissent de terminer leur tour d’horizon par l’examen de quelques villes particulières. Parmi elles, Dubai, New York ou encore Paris. On trouvera aussi des notions comme ville de demain, ville durable ou ville globale.
Pour nos cours, … mais de façon accompagnée
Plusieurs entrées sont utilisables dans le cadre du programme de première. Cependant, chacune d’elles doit davantage être vue comme un texte qui méritera une reprise par le professeur pour en expliquer les sous-entendus ou les prolongements. On pourra soumettre la définition de gentrification aux élèves. On dispose aussi de nombreux articles pour cheminer dans la jungle des sigles entre le PLU et les différents zonages, qu’ils se nomment ZAC, ZEP ou encore ZRU.
On trouvera aussi une entrée très pratique sur la décentralisation qui se conclut par une élucidation de la distinction avec le terme de déconcentration, point sur lequel les élèves butent souvent.
Toujours en première, on pourra se saisir de l’article nimby. Le phénomène est rapidement défini et, pour le coup, est plutôt prétexte à glisser tout un tas d’autres acronymes à la pérennité sans doute moins assurée comme LULU ou BANANA : à vous d’en découvrir la signification !
En seconde, sur la question des villes, le livre propose des comparaisons parfois très parlantes comme celle qui souligne que Los Angeles compte 15 millions d’habitants sur un territoire qui correspond à plus de 30 fois la surface de Paris dans les limites de son périphérique.
Au total, cet ouvrage donne l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur les villes. Il faut bien savoir qu’il propose et assume clairement un côté subjectif. Cependant, il évite l’écueil qui serait de tourner au jargon et se révélera utile pour préciser certains concepts utilisés en cours par son approche pluridisciplinaire.
© Jean-Pierre Costille, Clionautes.