L’auteur, Cheikh Moussa Camara, est sociologue, enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et à l’ENSAE1
Ce livre peut permettre de mieux comprendre les évolutions de la législation, la décentralisation et les freins à la mise en œuvre des politiques de développement local au Sénégal à partir d’exemples pris dans la région de Tambacounda, au Sud-Est du pays.
L’auteur rappelle les politiques de décentralisation depuis 1972 nées d’un constat d’échec des politiques de développement décidées d’en-haut et face aux oppositions régionales ou identitaires, on pourrait citer ici le cas de la Casamance. Il montre le lien entre développement local et décentralisation et s’appuie sur des référents théoriques comme l’analyse interactionniste qui recherche la relation entre développement et jeu des acteurs. Il propose une définition raisonnée du développement ainsi qu’une réflexion sur l’articulation entre développement locale et gouvernance territoriale ce qui pose la question du financement des infrastructures y compris par les bénéficiaires.
Le second chapitre s’ouvre sur les évolutions du régime municipal depuis la période coloniale et met en lumière le lent cheminement vers l’existence des communes rurales nées de l’acte 3 de la décentralisation en 2013. En parallèle l’auteur aborde les politiques de développement ruaral durant la même période.
Pour une approche de la notion d’acteur l’auteur s’appuie sur les travaux des sociologues A. Touraine, F. Barth, F. Bailey et J. Boissevain ou du géographe H. Gumuchian2.
Au Sénégal le jeu des acteurs dans le cadre de la décentralisation est marqué par l’analphabétisme qui limite l’appropriation des réformes et des enjeux de la décentralisation. L’auteur décrit les organisations communautaires de la société civile qu’elles soient d’impulsion endogène ou exogène comme les cadres de concertations villageois ou inter-villageois qui sont des lieux de dialogues importants face au transfert de compétences (école, environnement) vers les collectivités locales, ce qui pose la question de la cohabitation de structures diverses pour des objectifs identiques. L’auteur souligne le nécessaire renforcement des capacités des acteurs locaux pour une bonne mise en œuvre de la décentralisation et un réel équilibre des pouvoirs locaux. Il souligne le rôle des ONG dans la formation des élus locaux et des acteurs de la société civile d’autant que les services techniques de l’État chargés d’un rôle d’appui ont, pour cette tâche, très peu de moyens tant en hommes qu’en argent.
Puis l’auteur tente un bilan du renforcement des pouvoirs locaux en matière de développement territorial et montre le principal problème : les retards de mise à disposition par l’État des dotations financières qui permettraient le démarrage des programmes avec comme exemple le système de santé.
Un autre exemple permet de voir les situations de conflits entre élus et services déconcentrés de l’État à propos des écoles et du recrutement des enseignants.
Une étude est consacrée à la question du pastoralisme itinérant, réalité propre à la région de Tambacounda. Les conflits y opposent les éleveurs venus du centre ou du nord du pays à la recherche de pâturage par déboisement et les habitants et élus qui défendent leurs forêts.
Dans le dernier chapitre, Cheikh Moussa Camara analyse les enjeux de pouvoir entre acteurs des services déconcentrés de l’État, élus et société civile notamment les organisations de base. Il montre le poids des questions financières dans une société pauvre et encore largement analphabète où le clientélisme politique est bien installé. Il montre que le mouvement paysan se développe comme force de contre-pouvoir.
1 École Nationale de la Statistique et de l’Analyse économique
2Gumuchian H. et al., Représentations et aménagement du territoire, Anthrops/Economica, 1991