Cet ouvrage est consacré à un groupuscule chiite qui a officié dans tout le Moyen-Orient entre le XIe et le début du XIVe siècle. Si nous suivons essentiellement leurs aventures entre le XIIe et le XIIe, ce livre n’est pas une histoire de ce groupe en tant que tel, avec un début et une fin.
L’auteur se concentre sur une liste d’assassinats à travers les chroniques d’auteurs musulmans de cette époque et mène une enquête d’historien à parti d’elles. A travers ce travail de critiques de sources, il y a plusieurs objectifs. Tout d’abord, montrer le fonctionnement de cette société obscure, qui vend ses talents d’une part, lutte pour sa vision de l’islam d’autre part, toujours dans la défense de ses intérêts et de ceux de ses membres.
Ensuite, déterminer qui sont les commanditaires de ces assassinats ou tentatives d’assassinat. La liste des cibles est longue et diverse : des musulmans d’autres confessions, des dignitaires politiques ou économiques, des croisés, des opposants politiques.
Au travers des textes des chroniqueurs (la richesse des sources utilisées par Hussein Ahmad Sabra est immense), nous voyons les luttes politico-religieuses d’un Moyen-Orient sous effervescence. Les Assassins semblent être alors totalement pris dans ce bouillonnement à travers des revirements d’alliance, des trahisons, des vendettas personnelles. Et le lecteur peut sembler perdu à la recherche d’un fil conducteur cohérent à travers tout ces actes, perdition accentuée par le style d’écriture sur lequel nous reviendrons plus loin.
Pour profiter pleinement de ce livre, il faut lire attentivement l’avant-propos de l’auteur et quelques définitions en début d’ouvrage. Cela permet de cadrer un tant soit peu le sujet. Nous plongeons ensuite dans 4 chapitres qui mettent au cœur les actions des Assassins à travers les sources, sans parfois d’éléments de contextualisation ou de remises au clair des éléments. Plus qu’une ligne chronologique, ce sont les assassinats et parfois leurs représailles qui mènent le fil du texte. Certains passages ne sont que des juxtapositions de citations des chroniqueurs de l’époque, dont on peut douter, à la différence de l’auteur, de leur qualité d' »historien ».
Au final, nous avons un ouvrage riche en sources, en détails politico-religieux locaux, qui se met à la hauteur des acteurs des événements qui sont relatés. Néanmoins, il se révèle très technique à lire parce qu’il n’est pas dans la vulgarisation, mais dans le pur travail méthodologique, à savoir l’utilisation des sources. Les nombreuses notes de bas de page apportent des éléments d’approfondissement, mais au final trop peu nombreuses pour savourer pleinement l’analyse proposée. Sans aller jusqu’à une vulgarisation totale, le travail de l’historien passe aussi par une intégration des sources à une réflexion plus globale qui permettent de suivre le propos.
Pour terminer et essayer de comprendre le pourquoi de ce côté obscur, il apparaît que ce livre est le premier de l’auteur à être traduit en français. Peut-être que la traduction n’a pas été faite de manière pertinente ou qu’il y a eu un problème (un manque?) de relecture avant impression. Au-delà de quelques fautes de frappes qui peuvent arriver, certains titres ou passages interpellent : « le roi de France craignait pour lui-même de Coeur de Lion » (p. 124), …
Bref, une lecture déceptive car le travail engagé sur les sources est immense et souffre d’un manque d’exploitation pédagogique pour faire de ce livre une référence d’une part ; d’autre part, un sentiment final d’incompréhension du phénomène Assassin dans son ensemble.
Présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur
Présentation de l’auteur sur le site de l’éditeur