Auteur : Pascal Rigaud.
Collection Thèmes et Débats, Bréal.
Dépôt légal : Juillet 2010. ISBN 978-2749509631 – 128 pages – 8,50 euros.

Pascal Rigaud, agrégé de sciences économiques et sociales, publie chez Bréal un petit opuscule de 128 pages, selon un format classique (Que sais-je ? ou collection 128). Le sujet ne manque pas d’actualité ni d’intérêt, puisqu’il s’agit des BRIC, ce groupe disparate que tout un chacun connait, composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. Notons, de manière liminaire, qu’il s’agit là d’un livre d’économie, et non de géographie, mais qui peut largement intéresser nos disciplines. Le public visé – lycéens et étudiants – doit également rester à notre esprit, afin de ne pas chercher dans cet ouvrage ce qu’il ne promet pas.

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L’ouvrage est structuré en sept chapitres : les chapitres 1, 6 et 7 sont thématiques et répondent à des questions sur l’ensemble des pays ; les chapitres 2 à 5 font le point sur les grandes transformations économiques de chaque pays pris séparément.

Le chapitre 1 examine pourquoi les BRIC peuvent être qualifiés de pays émergents. C’est l’occasion de revenir sur les définitions et de rappeler l’étude de Goldman Sachs, qui porta les BRIC sur les fonts baptismaux.

Les chapitres 2 à 5, tous construits de la même façon, examinent les grandes transformations économiques de chaque pays : on mesure d’abord les performances économiques et le niveau de vie, puis on envisage les transformations structurelles de chacun. On avouera une certaine déception à la lecture de ces lignes rapides. Non pas que l’auteur soit pris en défaut, son discours est précis bien qu’un peu trop systématique parfois. Mais si l’on a déjà un tant soit peu de connaissances sur le sujet, on parcourra ces pages sans rien y apprendre de neuf.

On retrouve un intérêt certain avec les derniers chapitres, 6 et 7, qui font le point sur la place des BRIC dans l’économie mondiale et leur puissance géopolitique. Sont envisagés successivement la résistance des BRIC à la crise mondiale, leur poids dans la création de richesses ainsi que la présence accrue de leurs multinationales. Le livre se termine sur l’analyse du hard et du soft power des BRIC, mais aussi leurs divergences internes, et enfin leurs revendications dans la gouvernance mondiale.

Annexes

Une bibliographie sommaire figure en page 125. On y trouvera quelques ouvrages de base et sites de référence.

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Quelques points pourront éveiller l’ire des esprits chagrins :

• Les chapitres nationaux (2 à 5) laissent une impression d’insatisfaction. Sans doute aurait-on préféré une analyse thématique comparative plutôt qu’une analyse nationale, parfois répétitive.

• L’analyse économique nous rappelle toujours à quel point nous aimons la géographie. Le discours économique est très désincarné et les hommes en sont comme absents.

• L’ouvrage semble considérer que la Russie fait partie de l’OMC. L’auteur est trop sérieux pour ignorer que tel n’est pas encore le cas. Et, à moins que de sombres tractations ne permettent de violer tous les règlements, il nous semble que la question des prix intérieurs de l’énergie en Russie soit rédhibitoire. Le problème reste donc en suspens.

• L’auteur affirme également, à plusieurs reprises, que les BRIC sont des pays favorables au libre-échange. Une déclaration qui laisse un brin sceptique ! Le blocage de la monnaie chinoise, qui devrait normalement s’apprécier avec la croissance de l’économie, comme le fit le yen (quoique pas de gaieté de cœur), face au dollar, montre bien que le libre-échange n’est pas de mise. Le problème aurait au moins mérité des nuances sérieuses. Surtout à l’heure où une « guerre des monnaies » semble se dessiner entre les grandes puissances économiques du XXIe siècle…

Les pages de synthèse, en revanche, sont souvent utiles et bien menées. Les enjeux, notamment financiers, sur l’appartenance à tel ou tel groupe de pays sont capitaux : cela permet d’accéder à des catégories de prêts auxquelles les pays riches n’ont pas droit.

Les explications de l’auteur sur la création du concept de BRIC montrent à quel point ce concept est d’abord d’origine financière : au final, il n’est pas absolument certain, même à l’issue du livre, que le groupe des BRIC soit autre chose qu’une invention, une fantasmagorie, tant les facteurs de diversité équilibrent ceux d’unité. Les BRIC ne seraient-ils qu’une alliance de circonstances, une rencontre d’intérêts partiellement et momentanément convergents ? Cette question, née de la lecture du livre de Pascal Rigaud, ouvre des perspectives qu’on espère voir abordées dans d’autres ouvrages.

Au total, il s’agit d’un livre d’économie et non de géographie, d’un livre pour étudiant et non pour enseignant, même s’il suscite la réflexion personnelle sur le sujet. On ne peut en revanche que recommander cet ouvrage, très clair et didactique, pour son public-cible.

Christophe CLAVEL

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