Les clés des champs est un livre à lire et – je le dis sans rire – à lire d’urgence. Mais n’anticipons pas.

C’était il y a huit mois. Comme le temps passe…

Votre serviteur venait de terminer la rédaction de plusieurs compte-rendus sur l’agriculture. Après Le défi alimentaire de Stéphane Dubois, ce fut l’Atlas de l’agriculture de Jean-Paul Charvet. C’est alors que je fus contacté par Thierry Doré, l’un des auteurs du présent opuscule, pour compléter ma culture sur la question agricole. Il voulut bien m’envoyer son ouvrage, Les clés des champs . Je le remercie ici de sa confiance et non moins de sa patience car, s’il me fit rapidement parvenir son livre, et si je fus happé par sa lecture, beaucoup plus difficile fut de trouver le temps de rédiger ces lignes.

 

Les auteurs – Thierry Doré, Olivier Réchauchère et Philippe Schmidely – sont tous trois ingénieurs agronomes et exercent comme enseignants-chercheurs (TD et PS) ou responsable de la communication (OR) à l’INRA et à AgroParisTech (TD et PS). Ce sont donc tous trois des spécialistes des questions agricoles, même si leur ouvrage ne s’adresse pas nécessairement aux spécialistes des dites questions.

Leur propos est original, sinon dans le sujet, du moins dans le traitement appliqué. Il s’agit de faire le point sur les évolutions de l’agriculture et les enjeux qui en découlent. Mais c’est bien une mise au point des connaissances scientifiques, et non d’un essai en forme de parti pris. Les auteurs n’ont rien de particulier à vendre et ne défendent aucun lobby. Leur avis d’expert mérite donc d’être entendu et pourra constituer de ce qu’ils appellent plaisamment une « agri-culture ».

*

Préfacé – sommairement – par Jacques Diouf, Directeur général de la FAO (réélu pour un 3e mandat de 6 ans en 2006), l’ouvrage est divisé en trois parties, traitant respectivement de l’évolution des modes de production d’abord, des relations entre agriculture et environnement ensuite, de l’agriculture dans le contexte socio-économique enfin. Une bibliographie de 35 titres et un glossaire de 120 entrées complètent l’ensemble.

L’évolution des modes de production agricole

Dans la première partie, les différents modes sont passés en revue sans concession : l’avenir de l’agriculture intensive, les promesses de l’agriculture biologique, les OGM. Les auteurs s’interrogent ensuite sur la perte de diversité des productions animales et végétales, sur la qualité des produits, sur la cohabitation entre l’homme et l’animal d’élevage et enfin sur les capacités de l’agriculture à faire face au changement climatique. Ainsi, dès le début, on voit que les questions traitées intéressent largement nos sociétés (inquiétudes sur les OGM, qualité des produits, changement climatique).

Les relations entre agriculture et environnement

La deuxième partie fait le point sur le rôle de l’agriculture dans l’accumulation des polluants dans l’environnement, sur la destruction supposée des sols et de la biodiversité par les pratiques agricoles, sur la ponction des agriculteurs sur les ressources en eau, ou sur la contribution de l’agriculture au changement climatique.

Le bilan socio-économique de l’activité agricole 

La PAC, passée et future, la place de l’agriculture dans le territoire, les biocarburants. L’ensemble s’achève sur une question qui ne nous angoisse pas assez : saura-t-on nourrir la population mondiale en 2050 ?

*

Il serait vain – ou exagérément prolixe – de discuter des seize questions abordées dans cet ouvrage. La forme utilisée est très pédagogique et donc directement utilisable pour l’enseignement : une introduction qui situe les enjeux, un développement qui traite les différents aspects de la question, une conclusion en forme de bilan, sans parti pris. Chaque question peut être abordée dans la continuité ou indépendamment des autres, ce qui donne à l’ouvrage un caractère très opérationnel.

On retire de la lecture de certains chapitres une impression parfois un peu agacée, quand la science vient contredire nos opinions, nos préjugés, ou quand on aimerait de la part des auteurs des avis plus tranchés, ou encore une prise de position que la rigueur scientifique n’autorise justement pas ! On comprendra à quel point la lecture de ce livre peut être salutaire. Nos collègues savent combien les questions agricoles innervent les différents programmes du secondaire, y compris dans les aspects du développement durable. Pour éviter de raconter n’importe quoi, pour remiser au placard les idées préconçues, pour ne pas se contenter du traitement journalistique de ces questions aussi actuelles que vitales, il est urgent de prendre « les clés des champs » !

Christophe CLAVEL

Copyright Clionautes 2011.