Spécialisées dans l’architecture mais également dans d’autres domaines comme la musique ou la photographie, les éditions Parenthèses font leur apparition dans la Cliothèque par la voie de la ville et du projet urbain.
Consacré à l’étude du renouveau urbain dans l’agglomération lilloise, ce volume, de la collection « La ville en train de se faire », fait partie d’un groupe de 7 portraits métropolitains initiés dans le cadre du programme POPSU (Plate-forme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines). Rédigé par des enseignants-chercheurs de l’Université de Lille 1 et de l’Ecole d’Architecture de Lille, l’ouvrage se structure en deux parties visant à comprendre les ressorts de la stratégie métropolitaine à l’aide d’exemples territorialisés.
Economie, culture et accessibilité : les fondements de la stratégie lilloise
Pour comprendre comment Lille a gagné son titre de métropole, il est nécessaire d’avoir d’emblée à l’esprit la configuration toute particulière de la conurbation qui a fait de cette construction un combat, la présence de Roubaix et Tourcoing ne rendant pas évidente la place de Lille en tête de l’agglomération.
En signant ici plusieurs articles, Didier Paris (Lille 1) met parfaitement en lumière la « bifurcation métropolitaine » D.PARIS et J-F.STEVENS, 2000, Lille et sa région urbaine. La bifurcation métropolitaine, L’Harmattan, pour reprendre son expression, que l’agglomération lilloise a connu, marquant la rupture avec un passé industriel qu’elle a toujours cherché à valoriser.
Ces traditions industrielles, ce poids du patronat ont été des atouts pour solidifier l’assise économique du territoire même si la mutation vers de petites entreprises a été la clé de voûte de l’attractivité métropolitaine accompagnée par la mise en place de lieux « d’excellence ».
La culture s’est, elle aussi, glissée dans les habits de l’industrie, traitant les friches pour en faire des lieux d’accueil variés avec parfois un certain manque de polyvalence. Si les manifestations organisées autour de Lille 2004 ont incontestablement dynamisé l’offre culturelle de la métropole, les effets de Lille 3000 n’ont pas eu la même force. De même, l’impact culturel ne s’est pas encore suffisamment accompagné d’un renouvellement urbain du quartier environnant (cas des maisons Folie par exemple).
L’accessibilité passe, elle, en partie, par la gestion des gares, véritables « lieux d’ouverture, de rencontres des mixités ». Aux côtés des gares Lille-Flandres et Europe, c’est de l’opportunité d’en ouvrir une troisième qu’il est surtout ici question. Le site de Lille Sud montre divers avantages comme la présence d’une infrastructure existante, la proximité du métro, de la voie rapide mais également de pôles d’activités importants comme Eurasanté et Euratechnologies.
Des exemples de territoires de projets
De nombreux exemples pouvaient être détaillés pour expliciter les formes du renouvellement urbain dans la métropole. Les auteurs se sont ici concentrés sur Roubaix et Euralille 2.
Les axes de travail ont été nombreux pour Roubaix : rompre l’isolement mais ce « versant Nord Est » de la métropole n’était pas la priorité à l’époque des villes nouvelles et le métro a tardé à arriver, attirer l’université (on trouve par exemple les filières LEA Langues Etrangères Appliquées, l’ESAAT Ecole Supérieure des Arts Appliqués et du Textile…), renouveler le tissu industriel par le commerce (l’Usine), accroitre l’offre culturelle (la Piscine) ou encore mener des projets de grande envergure comme le site de l’Union dédié à l’image à la croisée de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos.
Si Euralille 1 avait pour ambition de placer la gare au cœur de la ville mais surtout d’accentuer le rayonnement à grande échelle, le projet Euralille 2, moins ambitieux et plus mixte (logements, équipements, commerces, siège de Région), aura pour dessein de tisser le lien avec le centre-ville sur le site stratégique qu’était l’ancienne Foire de Lille.
A l’échelle de la commune ou du quartier mais insérés dans une logique métropolitaine, ces projets de reconquête urbaine s’inscrivent donc dans une pluralité d’échelles ici rappelées et dont l’Eurométropole (transfrontalière par définition…et nécessité) constitue la plus forte référence.
Une vision précise et bien illustrée
Cet ouvrage et, à fortiori cette collection, affiche de nombreux mérites. S’il s’agit d’un travail rédigé à 10 plumes, on appréciera l’annonce des transitions entre les parties et les introductions intermédiaires qui en font une véritable œuvre collective, fluide à la lecture. On peut aussi apprécier les précautions énoncées en avant-propos sur le fait que les évolutions politiques et les travaux associés créent un inévitable décalage avec la date de parution d’un ouvrage aux références pourtant très récentes.
Sur le fond, il est intéressant de voir l’effort des auteurs pour clarifier ce vocabulaire de l’urbain aux nuances parfois subtiles. Des exemples concernent la mutation même de la « métropole Nord », constituée de « versants », qui fut d’abord métropole « en miettes » avant de devenir métropole « rassemblée » ou les quasi synonymes de « requalification », « réhabilitation », « renouvellement », « rénovation »…
Enfin, on ne peut qu’apprécier, dans un ouvrage fort dense, la présence de nombreuses illustrations de qualité : le corps de l’ouvrage comporte bon nombre de photographies et de cartes mais aussi parfois de documents plus opérationnels comme des plans masse, des schémas ou encore des maquettes. De plus, en annexe, les différents territoires de projets de la métropole sont présentés en image sur une vingtaine de pages.
Une vision très complète, très détaillée et une lecture agréable (les nombreuses notes de bas de page en marge droite donne un petit décalage peu habituel mais plaisant). Bienvenue donc aux éditions Parenthèses qu’on appréciera de retrouver dès que possible dans les colonnes de la Cliothèque.