L’auteur présente la raison même de son essai: la très violente répression des émeutes de la faim dans les villes du Cameroun en février 2008; face à de jeunes manifestants désarmés, un massacre délibéré pour « nettoyer les rues de Douala, Yaoundé… dans un silence pesant de la communauté internationale. Il poursuit deux objectifs: en faire un récit et chercher à comprendre pour, si possible, en éviter le retour.
Les indicateurs qui parlent
Prenant appui sur les rapports de la F.A.O. et du P.A.M., un constat des causes de l’augmentation du prix des denrées alimentaires sur les marchés internationaux. l’auteur évoque la croissance de la consommation humaine et animale (demande chinoise en hausse de viande et de lait) mais aussi industrielle (agro-carburants) dans un contexte de difficultés climatiques (sécheresse en Australie par exemple), de réduction des terres arables disponibles, de hausse du prix du pétrole et donc des engrais…
Mais pourquoi est-ce l’Afrique qui paie le prix fort? C’est l’occasion d’un survol de l’histoire du continent : depuis le berceau de l’humanité, l’ouverture médiévale au commerce, le traumatisme de la traite négrière. La question démographique sur le temps long est posée: traite, colonisation et V.I.H. d’un continent sous-peuplé à une croissance moyenne de la population de 2.8%/an et surtout une pyramide des ages très déséquilibrée et une urbanisation galopante. pourtant les mois qui précède l’explosion sont pour l’Afrique plutôt positifs avec une croissance économique entre 4 et 7% du fait de la demande internationale en minerais et pétrole.
L’inévitable embrasement
C’est au Cameroun qu’éclatent les premières marches de la faim en 2008, devant la montée des prix mais qui expriment aussi des revendications politiques face à la révision constitutionnelle initiée par Paul Biya pour leu permettre un nouveau mandat de président de la république. L’auteur cherche à relater les faits, en dresser un bilan humain et matériel avant de montrer un embrasement plus large du Burkina au Soudan en passant par la Côte d’Ivoire et le Nigeria et au delà de l(Afrique noire: le Maroc ou l’Égypte.
A partir d’une documentation occidentale: prises de positions de Jean Ziegler ou de l’O.N.G. C.C.F.D., l’auteur élargit le champ des causes: déstructuration des agricultures vivrières; concurrence des produits européens protégés par la P.AC. mais aussi faillite des états africains sans réelle politique de développement rural, sans réaction face à la dépendance vis à vis des pays de l’U.E., de la Banque mondiale et du F.M.I. S’inspirant du livre qu’Éva Joly publia en 2007: « Les forces qui nous manquent » il montre les effet de la politique française en Afrique et le néocolonialisme décrit en 2008 par Charles Atéba Eyéné.
Prévenir plutôt que guérir
Partant du constat d’une responsabilité partagée entre états africains et commerce internationale l’auteur nous propose quelques pistes:
– reconstruire le contrat social entre pouvoir et citoyens, faire renaître une vie démocratique en rupture avec les frustrations nées des manipulations électorales et de la corruption.
– se débarrasser du système néo colonial grâce à une vraie alternance politique
– mais aussi que l’Afrique revendique sa place sur la scène internationale, on perçoit, ici, tout l’espoir qu’a pu faire naître l’élection d’Obama et son discours du 11 juillet 2009.
Un petit ouvrage utile qui s’il n’épuise pas le sujet, et ce n’est pas son ambition, présente cette explosion de colère de façon synthétique, non partisane et vient rappeler qu’il y urgence à faire évoluer une situation qui si on n’y prend garde ne pourra que se répéter.
© Christiane Peyronnard