L’ouvrage qui intéressera tout particulièrement les enseignant.e.s d’histoire-géographie et les candidat.e.s aux concours des agrégations et du capes cherche à saisir et « comprendre la nature et la diversité des espaces récréatifs (recoupant tourisme et loisirs) par une approche géographique des problématiques ».Anthony Simon, Les espaces du tourisme et des loisirs, DUNOD, 2017, p. 17
Ce recueil est très structuré et clair (des bibliographies complètent chacune des interventions pour le lecteur ou la lectrice désireux de poursuivre la réflexion). Il est découpé en trois grandes parties (chacune introduite par une brève synthèse) et est alimenté par une iconographie importante (des photographies, des cartes, des tableaux, schémas…). Cela rend la lecture plaisante et aisée.
Connaissances fondamentales relatives aux espaces du tourisme et des loisirs
Le premier chapitre traite des temporalités et des spatialités liés des loisirs et du tourisme. L’auteur s’attache à définir les deux termes de la question en montrant les contours et les limites sémantiques de ces concepts évolutifs dans le temps et dans l’espace et de ceux qui en découlent (vacance(s), visite…). Retenons que le loisir se distingue du travail et désigne : « le temps dont on peut librement disposer en dehors de ses occupations habituelles et des contraintes qu’elles imposent. C’est le temps de la vie qui n’est affecté ni au travail, ni au repos, ni au sommeil » (Le nouveau Petit Robert, 1993)Ibid. p.12. L’auteur tente ensuite une définition harmonisée et consensuelle du tourisme et des touristes. Selon les normes internationales, est considéré comme « touriste » : « toute personne en déplacement hors de son environnement habituel pour une durée d’au moins une nuitée, et d’un an au plus, pour des motifs non liés à une activité rémunérée dans le lieu visité »http://media.unwto.org/fr/content/comprende-le-tourisme-glossaire-de-base. La définition du tourisme, objet aux contours variables et avec différentes formes semble délicate. En 2000, la Commission statistique des Nations Unies et l’OMT s’accordent sur une définition de référence pour l’ensemble des pays membres : « le tourisme comprend les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans les lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs non liés à l’exercice d’une activité rémunérée dans le lieu visité ». Le tourisme a également de multiples facettes : thermalisme, tourisme balnéaire, de montagne, à la campagne, culturel, religieux, industriel, d’affaires, sportif, ludique, mémoriel, macabre… Il s’agit d’une pratique saisonnière fortement marquée par les temporalités.
Dans le second chapitre la diversité des lieux crées par et pour le tourisme et les loisirs est analysée. L’auteur ici a notamment pour objectif d’étudier la dimension territoriale et territorialisante du tourisme et des loisirs. Il explore la diversité de ces lieux, espaces et territoires à différentes échelles temporelles et spatiales : pôle, site, comptoir, station, ville, région touristiques… autant d’éléments pouvant évidemment servir à la constitution d’une typologie dans une copie de concours en rajoutant un ou plusieurs critères.
L’auteur développe dans un troisième chapitre, et avec une perspective géohistorique, l’histoire de la mise en tourisme des espaces et des sociétés. Si l’on peut trouver quelques prémisses au tourisme dans périodes antique et moderne, les origines du phénomène se situent aux XVIIIe et XIXe siècles avec le rôle déterminant des Anglais et de la « Révolution » industrielle. Le tourisme de masse résultant de « flux touristiques importants et convergents vers un même lieu et au même moment »Ibid. p.74 se développe au début XXe siècle, jusqu’à connaître un accroissement considérable après 1945 dans le contexte des Trente Glorieuses (pour la France), la généralisation des congés payés et le développement des loisirs. Le développement des moyens de communications, et notamment l’avion, a permis une progressive (et massive) mondialisation touristique.
Le quatrième chapitre est consacré à une analyse quantitative des flux touristiques. Un constat : les flux touristiques sont en croissance continue dans le monde depuis l’après-guerre (hausse par exemple du « nombre d’arrivées internationale de touristes en 2015 [de] 4,5 % pour atteindre un total de 1,118 milliard dans le monde entier, soit une augmentation de 52 millions par rapport à l’année précédente »Ibid. p.85 et l’OMT prévoit encore une hausse de 3 à 4% pour 2017). Activité économique de premier plan, le tourisme pourrait bien être le premier secteur touristique mondial (1260 milliards de dollars de recettes en 2015 pour le tourisme international, 7500 milliards pour l’ensemble de l’activité touristique soit environ 10% du PIB mondialChiffres de l’OMT-UNWTO et WTTC) même si quantifier la géographie des flux touristiques se révèle bien difficile tant elle se décline en différentes branches et à différentes échelles de temps et de lieux. Si l’Europe reste la région la plus visitée au monde en 2016 et qu’elle détient avec l’Amérique du Nord les recettes touristiques les plus élevées, on assiste à une hausse des visiteurs sur l’ensemble des régions du globe et une « homogénéisation progressive du partage des revenus du tourisme […] à l’ensemble de la planète »Ibid. p.89. Certaines régions extrêmes (Groenland, Amazonie…), demeurent des destinations encore marginales et font figures d’œkoumènes, de fronts pionniers touristiques avec des flux en croissance également.
Le cinquième chapitre s’intéresse tout particulièrement aux acteurs du tourisme dont au premier chef, les touristes eux-mêmes (« acteurs privilégiés du tourisme »Ibid. p.106 notamment les Français, « champions du monde des congés payés »Ibid. p.107) mais aussi les tour-opérateurs ou voyagistes (Thomas Cook Group ou le groupe allemand TUIIbid. Exemples p.112-113 et p.144), les agences de voyages (Jacques Maillot et Nouvelles Frontières en France ), les entreprises prestataires, d’hôtellerie et d’hébergement (qui connaissent des mutations considérables pour s’adapter aux nouvelles dynamiques et à la demande évolutive de la clientèle), les compagnies de transports (qui doivent concilier restructuration, attractivité et compétitivité). Ces acteurs ont des stratégies de développement dans un contexte de concurrence accrue et de mutations technologiques : publicité, diversification et spécialisation sont nécessaires pour ceux-ci afin de capter la manne touristique.
Les quatre chapitres suivants s’intéressent aux principaux types espaces bien connus du tourisme et des loisirs : espaces littoraux (chapitre 6), espaces de montagne (chapitre 7), espaces ruraux (chapitre 8) et espaces urbains (chapitre 9). Les contenus et les études de cas y sont dans l’ensemble très classiques (les stations balnéaires et de sports d’hiver, le Languedoc-Roussillon, l’Espagne, les Alpes, l’Auvergne, Paris et le tourisme d’affaires en FranceIbid. p226-227, le tourisme commercial avec l’exemple de la Part-Dieu à Lyon, ludique avec le Futuroscope…) ou plus rares (l’Islande et le tourisme d’itinéranceIbid. p. 206, pratique liées aux grands espaces et à de longs cheminements voire de l’errance, par exemple ou le tourisme évènementiel avec l’exemple du carnaval à RioIbid. p.229). Il faut noter à la fin du chapitre 9 une typologie réalisée par Anthony Simon pour montrer la variété des villes touristiques (elle intéressera tout particulièrement les candidats au parcours historique parfois lacunaire en géographie pour comprendre en quoi consiste l’exercice).
Méthodologie et sujets corrigés
Cette partie présente les épreuves d’admissibilité (chapitre 10) et d’admission (chapitre 11) aux épreuves du Capes et des agrégations d’Histoire et de Géographie. Ces concours visant à la formation et au recrutement des futurs enseignants de l’éducation nationale sont très exigeants (connaissances théoriques, disciplinaires et scientifiques mais également didactiques). Ils nécessitent donc une préparation solide et notamment méthodologique comme le rappelle implicitement Anthony Simon.
Aux épreuves d’admissibilité des concours, la composition (ou dissertation) est l’épreuve classique et reine. Ses exigences varient selon les concours mais sa méthodologie rappelée par l’auteur comporte des similitudes (forme, analyse du sujet, étapes de rédaction, productions graphiques, gestion du temps…). Des exemples de sujets possibles sont proposés (les espaces touristiques de montage, ville et tourisme, le tourisme et les îles…) et d’autres sont même corrigés par l’auteur : « tourisme et aménagement de l’espace » (Capes), « Les espaces mixtes du tourisme et des loisirs » (Agrégation externe d’Histoire) et « Marges et périphéries de l’espace touristique » (Agrégation externe de Géographie). Suit, la méthodologie de l’épreuve du commentaire de documents au capes externe (rénové depuis 2014) qui suppose, en 5 heures, d’analyser scientifiquement un dossier de documents scientifiques et d’en faire une analyse critique, puis d’en proposer une exploitation adaptée à un niveau scolaire choisi. Le sujet proposé en corrigé est : « les espaces productifs du tourisme en France ».
Quatre sections composent le chapitre sur les épreuves orales suivant la même forme que le chapitre précédent : les épreuves de mise en situation professionnelle et d’analyse de situation professionnelle au Capes externe, celle d’explication d’une carte ou de documents géographiques (Agrégation externe d’Histoire) et celle du commentaire de documents géographiques à l’Agrégation externe de Géographie).
Outils complémentaires
Cette troisième partie de l’ouvrage comporte des outils complémentaires relatifs à l’inscription du tourisme et des loisirs dans les programmes de géographie. Si une attention particulière est portée aux définitions des concepts, des notions et du vocabulaire tout au long du manuel, un glossaire de 16 pages livre l’essentiel de ce qu’il faut connaître. Les deux derniers outils sont une bibliographie d’ouvrages et d’articles de références, triée par thématiques. Enfin, une sitographie clôt ce manuel.
En somme, il s’agit d’un manuel qui a le mérite d’être paru très rapidement au moment de la rentrée universitaire et du début de la préparation pour de nombreux candidats et candidates des concours de l’enseignement. Il constitue une bonne base et un bon outil pour débuter cette dernière. S’il apparaît suffisant pour le capes en parallèle d’une préparation universitaire, il peut apparaître un peu sommaire pour les agrégations (les épreuves spécifiques des commentaires aux admissibilités n’y figurent pas par exemple), de nombreux aspects, notamment épistémologiques mais aussi sur les nouvelles pratiques et dynamiques contemporaines, sont légers et les études de cas souvent francocentrées ou classiques, avec parfois des redondances entre les chapitres