Le sous-titre souligne le parti pris : bien sûr évoquer ce qui fait la puissance ou l’hyperpuissance de ce pays, pour reprendre l’expression de Hubert Védrine, statut qui fait des Etats-Unis, un pays cristallisant des sentiments ambivalents et souvent aigus : haine, fascination, intérêt, rejet….Au delà de cet axiome, dont André Kaspi se faisait l’écho dans « Les Etats-Unis d’aujourd’hui : mal connus, mal aimés, mal compris», Michel Goussot fait un arrêt sur images sur la société américaine : Qui sont les Américains d’aujourd’hui ? Quelles dynamiques traversent cette société en perpétuel mouvement ? Quelles sont ses réussites mais aussi ses parts d’ombre ?
L’architecture habituelle de la revue est respectée ; ainsi, Le Point Sur s’articule autour de trois thèmes : une société en mutation, les mille facettes de l’économie américaine, une hyperpuissance … qui s’interroge. Viennent ensuite les thèmes et documents dont une bonne moitié est consacrée à la société, l’autre moitié illustrant quelques caractéristiques de l’espace américain et la place des Etats-Unis dans la mondialisation.
Mythe de la frontière, individualisme, fort communautarisme, recherche de l’efficacité sont quelques-uns des traits constitutifs d’une société dont l’auteur souligne qu’elle est contrastée et en mutation. Contrastée de part la répartition très inégale de la population, aux 4/5ème urbaine, au bénéfice de l’est du pays (voir p18-19,l’organisation du territoire américain, voir p22-3, espace et pôles urbains) qui, malgré la forte attraction que génère sud et ouest, attire à nouveau les flux migratoires ; contrastée aussi car les inégalités y sont criantes, séparant les plus riches des plus pauvres, car à côté du rêve américain (voir p24-5, images de la société américaine) toujours vivant, le « cauchemar » américain peut s’illustrer par les 37 millions de personnes vivant avec 804$ par mois ou moins (voir p34-5, comment gérer la misère ?, 36-7, le système Wal-Mart, p38-9, la Nouvelle-Orléans : l’envers du décor)
En mutations aussi ; mutation d’une société qui se latinise (42 millions d’américains sont des hispaniques, voir p30-1 les hispaniques) et dont la croissance démographique est alimentée pour une bonne part par l’immigration (notamment celle des hispaniques), mutation d’une population où chaque groupe affirme son identité à tel point que la référence au melting-pot s’est effacée pour celle du salad bowl, une population dont une part croissante (7 millions au recensement de 2000) revendique et affirme un sentiment d’appartenance multiple (voir p32-3 mixité et intégration)
Certaines hypothèses semblent corroborer l’emploi du terme mutation : 2050 devrait voir une centaine de millions d’hispaniques sur 450 millions, une population toujours plus métissée, un « tsunami gris » de retraités…
Lorsqu’il aborde l’économie, Michel Goussot fait finalement l’inventaire des atouts qui font l’hyperpuissance : des actifs nombreux et bien formés, une avance dans le domaine technologique due aux investissements massifs dans la recherche-développement (voir p26-7, universités : l’exemple californien) et la maîtrise du réseau Internet par l’intermédiaire de l’ICANN (p56-7, Internet, un monopole ?), des ressources énergétiques présentes en quantité, une résistance aux crises (11/09, montée des prix du pétrole), industrie et agriculture (voir p50-1, le succès des vins californiens) parmi les plus performantes de la planète.. Les comparaisons faites avec les deux membres de la triade dans la RD, le taux d’emploi reste tout à l’avantage des Etats-Unis. Tout en égrenant ces atouts, l’auteur fait état des points faibles (ressources énergétiques insuffisantes et dépendance extérieure), des dynamiques (relance annoncée du nucléaire : voir p52-3, indépendance énergétique et gestion des ressources ; forte financiarisation de l’économie…).
Dans la troisième partie, l’inventaire des moyens de l’hyperpuissance est poursuivi : place majeure dans le commerce mondial (voir p48-9, les Etats-Unis au cœur de l’économie mondialisée), supériorité militaire, influence culturelle ; celle-ci est mise en évidence à partir notamment des médias, le soft power, qui diffuse non seulement ses programmes mais aussi l’american way of life.
Cette Amérique, centre de la mondialisation, est au cœur de plusieurs questionnements.
Quelle posture adopter dans les relations internationales ? le multilatéralisme de l’ère Clinton et des accords de Dayton ou l’unilatéralisme de l’administration Bush ; en fait peut-être la position « naturelle » des Etats-Unis est-elle toute entière résumée par Madeleine Albright : « Nous sommes multilatéraux quand nous le pouvons et unilatéraux quand nous le devons. »
Néanmoins, suite au 11/09 et malgré le soutien de la population aux initiatives du président Bush, il semble que certaines options relevant de l’unilatéralisme déplaisent à de nombreux américains (Guantanamo, non-signature des accords de Kyoto : voir p54-5, les Etats-Unis et Kyoto).
Des questions se posent aussi sur la possibilité de croire encore au rêve américain quand tant de politiques « interdisent » à beaucoup l’accession à celui-ci.
Est rappelée à la fin de la mise au point un fait sur lequel les enseignants d’histoire-géographie insiste auprès de leurs élèves : l’Amérique reste la première puissance mais ne rime pas avec toute puissance. Concernant, l’intérêt de ce numéro, la mise au point est utile mais sans surprises et son principal intérêt réside dans les dynamiques évoquées au cours du développement.
Ce numéro de la documentation photographique s’accompagne des habituelles propositions pédagogiques, œuvre de Virginie Sauner. 5 thèmes sont choisis : population et société aux Etats-Unis en 3ème (étude de cartes), le rôle des Etats-Unis dans la mondialisation en terminale (ensemble documentaire et réponse organisée), la façade atlantique (étude de carte), les Etats-Unis et le continent américain en terminale (ensemble documentaire et synthèse) et les limites de la puissance américaine en 3ème et/ou terminale.
On pourrait facilement imaginer pour la classe de 3ème un sujet de brevet utilisant la double-page sur les Etats-Unis au cœur de l’économie mondialisée (carte des flux commerciaux), les pages 60-1 (quel ancrage régional ?) en utilisant le graphique sur les destinations des IDE américains et pourquoi pas une partie de la page de texte (p58) sur l’investissement de milliardaires américains dans des œuvres caritatives à grande échelle : le philanthrocapitalisme.
Ces trois documents permettraient, suite à un questionnaire, de proposer aux élèves un paragraphe argumenté sur les différents aspects de la puissance américaine.
La double-page espace et pôles urbains pourrait se prêter à l’étude d’un paysage en 6ème : en effet, la photo saisissante de l’étalement urbain à Denver peut permettre d’envisager la ville américaine autrement que par la verticalité des tours de downtown en illustrant son extension horizontale, semblable mais à une échelle moindre à celle dont faisait état Cynthia Ghorra-Gobin dans « Los Angeles, le mythe américain » ; des documents annexes viendraient expliciter ce phénomène d’urban sprawling sans toutefois utiliser cette expression trop complexe pour des élèves de 6ème.
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