Cet ouvrage est le récit d’une adolescence comme les autres, à ceci près qu’elle se déroule dans un village israélien, dans un milieu marqué par la religion. Pour se construire et se trouver, l’adolescente ressent donc l’impérieuse nécessité de se positionner par rapport à Dieu, qui semble conditionner la société dans laquelle elle évolue. L’adolescente ne va pas ici tuer le père (le livre est dédié à ses parents et elle y déclare son amour à sa famille à de nombreuses reprises), mais bien tuer Dieu.

Le livre est structuré en trois parties, avec un prologue et un épilogue. La première partie est consacrée à l’enfance, la deuxième à l’adolescence et la troisième à la construction de soi. Elle est d’ailleurs intitulée « Apprendre à tomber ». Cette partie est sans doute la plus intéressante, puisque c’est celle où Tohar redéfinit ses rapports à la famille, à sa sœur ou à sa grand-mère décédée en particulier, autant qu’à Dieu.

Pas de politique, pas de jugement, pas d’enjeux nationaux ou internationaux

Il ne s’agit en aucun cas d’une prise de position politique, l’ouvrage est contextualisé par les manifestations des mouvements de colons contre le retrait de Gaza, mais c’est la seule référence au contexte. Aucune mention sur les relations entre Israël et les Palestiniens ou sur les enjeux du pays.

Une adolescence en Israël

Non, le livre est l’autobiographie dessinée d’une adolescente normale qui prend son indépendance, entre musique internationale (Avril Lavigne, Tokyo Hotel) et israélienne (Asaf Avidan, Eviatar Manor) des années 90 et 2000, entre expériences amoureuses et trahisons amicales, école et cigarettes, apparition des poils, maladresse, peur du rejet, complexes, normalité et différences. Le point de cristallisation est donc Dieu, omniprésent par les directives de la société dans laquelle elle vit, et par la liberté que représente pour elle le choix de l’athéisme.

Faire ses choix

Elle en fait un choix personnel raisonné, et pour le lecteur, c’est une réflexion sur ces familles et cette société des villages religieux, sur la société israélienne aussi qui permet à une adolescente d’être libre de ses choix et respectent les croyances. Une expérience de construction de la laïcité tout à fait surprenante, symbolisée par l’humour de Tohar sur la page de couverture et la page de garde de la fin : sur la première, elle est à côté du village où elle habite avec ses parents,, un village riant, avec beaucoup d’arbres et des toits rouges. Elle est debout, habillée en noir et blanc, en jupe, avec une cigarette, et des petites oreilles de démon sur la tête. Tout est propre et ordonné.

Sur la page de garde, changement d’ambiance : Tel Aviv y est dessinée en noir et blanc, avec les bâtiments typiques du Bauhaus. Et Tohar apparaît dans ce décor, en couleur, avec un pantalon rouge, à pieds, avec plusieurs chemins possibles. Elle fume toujours, mais n’a plus d’oreilles de diable…

 

Une perspective sur la laïcité inattendue et rafraîchissante, avec ce décalage pour le lecteur français à la limite de l’exotisme qu’est la transplantation de la réflexion en Israël.