Revendiquée comme étant une œuvre de fiction, 9/11 n’en demeure pas moins une œuvre très richement documentée et collant au plus près de la réalité historique, même si l’héroïne et d’autre personnages principaux sont en le pur fruit de l’imagination des scénaristes, Corbeyran, scénariste prolixe de BD auquel on doit Paroles de Taulards, 14/18  ou  L’Oiseau de feu  et de nombreuses séries dont Assassin’s Creed, s’est associé à Bartoll, journaliste spécialisé en relations internationales avant de se tourner davantage vers les scénario de BD. JEF qui a déjà collaboré avec Corbeyran sur Une balle dans le tête s’est chargé des dessins très réalistes (on reconnaît sans peine personnages et paysages vus tant et tant de fois aux actualités) et a été secondé par Jocelyne Charrance pour la mise en couleur d’une qualité exceptionnelle.

Comme son nom et l’image de couverture l’indique, 9/11 s’ouvre le matin du 11 septembre 2001 à 8H54 dans les rues de New-York quelques minutes avant l’impact du premier avion dans une des tours du World Trade Center. L’héroïne, Cindy doit rapidement faire face à la mort de son ami John et s’exclame : « Il le savait … Il les avait prévenus … ».

A partir de là, le récit plonge dans un très long flash back, en 1992, pour répondre à l’interrogation que ne peut que se faire le lecteur : qui est John? Que savait-il ? Qui a-t-il prévenu ?

L’histoire suit alors Cindy, agent spécial de la CIA infiltrée auprès de Ben Laden au Soudan et en Arabie saoudite. Convaincue de la dangerosité d’Oussama Ben Laden à cause de son anti-américanisme viscéral, Cindy doit faire face régulièrement au peu de soutien de ses supérieurs, notamment sur la préparation d’attentats au Yemen ou même sur le territoire des Etats-Unis. Le deuxième personnage important dont on suit les actions de Saïd-François Mohammed, jeune banquier d’affaires éduqué à Londres, ami de Ben Laden et du prince Turki, frère du roi d’Arabie saoudite. Le récit s’attache alors à expliquer les enjeux économiques et géostratégiques de la réalisation d’un pipe-line passant par l’Afghanistan afin de faire transiter le pétrole d’Asie sans avoir à répondre aux injonctions de Moscou. Il montre par le menu le cynisme des dirigeants économiques des entreprises pétrolières américaines, aidées par d’anciens hauts-membres de gouvernement comme Dick Cheney, Condoleeza Rice dans leur approche avec le jeune banquier d’affaires ami de la famille royale saoudienne … au besoin en finançant les talibans.

L’intensification des attentats, notamment le choc provoqué par celui de Mogadiscio, relance la carrière de Cindy qui avait été sur la touche et elle rejoint le FBI tandis que les relations entre Saïd-François et Ben Laden d’une part et le prince Turki d’autre sont développées afin de mieux montrer la complexité des relations entre le chef d’al-Qaïda et le royaume saoudien. L’attentat d’Islamabad, celui de Khobar en Arabie saoudite, celui de Louxor en Egypte montrent la montée en puissance de l’organisation de Ben Laden et sa volonté de s’attaquer aux puissances occidentales et à leurs alliés. Pendant ce temps, les hauts responsables des Etats-unis semblent occulter l’importance du phénomène et pèchent par excès de confiance et s’intéressent davantage aux élections qu’à la politique internationale et aux dangers qui menacent le territoire. Cindy et John poursuivent leurs investigations mais apparaissent bien seuls tant au FBI qu’à la CIA qu’elle avait rejointe.

35 pages avant la fin de l’œuvre, le flashback prend fin, retour à New-York le 11 septembre après le crash du deuxième avion. L’enquête se penche alors sur les modalités de réalisation de ces attentats et le cynisme achevé des pétroliers. La dernière bulle évoque la présence de Cindy en Afghanistan, poursuivant la traque de Ben Laden.

Cette BD emmène le lecteur dans une histoire politique extrêmement bien documentée qui retrace au plus près les grandes étapes de la montée en puissance de Ben Laden et des relations diplomatiques et économiques délicates entre occident et moyen orient.

Le scénario donne de l’épaisseur aux personnages qui ne sont pas que des alibis pour raconter une histoire et permet au lecteur de s’y attacher.

Le dessin de JEF est magnifié par une mise en couleur d’une qualité incroyable mêlant de manière subtile insertion de photographie et colorisation numérique.

Loin de rendre l’ensemble froid, il lui donne au contraire un supplément d’âme.

Le film Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow s’impose à l’esprit à la fin de la lecture, le parallèle est évident puisque dans les deux cas une femme, obstinée, seule à avoir raison contre les autres s’obstine à traquer Ben Laden…

9/11 est un véritable coup de cœur, tant pour l’histoire que pour l’objet en lui-même qui est superbe.

 

9/11 Les attentats du 11 septembre est une réédition, en un seul volume aux éditions Glénat de la série du même nom, parue en 6 tomes aux éditions 12 BIS.

Recension de Sophie Moussier