Sandrine Victor, médiéviste , est maîtresse de conférence à l’institut national universitaire d’Albi, spécialiste d’histoire économique et sociale. Elle s’intéresse tout particulièrement à la Catalogne au bas Moyen Age, elle a publié en 2008 La construction et les métiers de la construction à Gérone au XVe siècle (Editions Médiriennes).
Dans son introduction l’auteure évoque les diverses théories sur les origines et l’ancienneté de l’esclavage et sur le sens du servage au Moyen Age, une occasion de citer de nombreux auteurs . Si une synthèse semble inatteignable son ambition est de fournir quelques éléments de réflexion.
Une impossible définition
L’auteure présente les différentes définitions juridiques du mot ce qui montre la complexité et la diversité des formes de servitude. Si l’esclave est l’« autre » depuis l’Antiquité, au Moyen Age esclave et serf sont deux réalités. l’auteure analyse le vocabulaire foisonnant selon les langues et les lieux.
Éthique, morale et religions
Comprendre la condition d’esclave suppose de comprendre la notion de liberté dans une société donnée, en un temps donné. C’est l’objet de ce second chapitre. L’auteure présente les textes juridiques, philosophiques médiévaux mais aussi religieux (malédiction de Cham) qui lient l’esclave à la notion de péché ? Elle compare les perceptions chrétienne, juive et musulmane et présente les textes qui définissent la propriété de l’esclave notamment en droit canon l’interdiction faite aux Juifs de posséder des esclaves.
Un débat d’historiens
Y-a-t-il un recul de l’esclavage au Moyen Age entre deux sommets dans le monde antique et à l’époque moderne avec la traite atlantique ? L’analyse historiographique annoncée amène en fait à une petite histoire de l’esclavage antique depuis la première mention mésopotamienne en 2600 avant notre ère et à un tour d’horizon de la situation en Méditerranée au Moyen Age. Enfin la tentative de différenciation entre esclavage et servage s’appuie sur les travaux de Georges Duby et Marc Bloch.
Géographie de l’esclavage
L’auteure distingue des formes d’esclavage domestique selon les régions : Europe du Nord et de l’Ouest, autour de la Méditerranée ce qui lui permet de s’appuyer entre autre sur les exemples catalans qu’elle connaît bien. Ensuite on va suivre les routes des zones d’approvisionnement (Méditerranée, pays slaves) vers les marchés (Marseille, Prague, Gènes, Constantinople). L’auteure rappelle que les Noirs sont déjà présents dès le XVe siècle sur les marchés de Valence, Barcelone et du Portugal, elle décrits les acteurs de ce commerce.
Un système économique
L’étude permet de mettre en relation la peste de 1348, la pénurie de main-d’œuvre et le développement du marché des esclaves, les variations de prix étant fonction des besoins et de l’offre disponible. L’investissement est rentable en 10 ans. D’après les contrats retrouvés la pratique semble courante dans toutes les catégories sociales (nobles, marchands, artisans). Toutefois le poids numérique et économique est difficile à mesurer même si l’auteure fournit de nombreux exemples.
Esclaves
Comment devient-on esclave ? Comme à l’époque antique d’abord par la guerre, la razzia, pratiquée en méditerranée par les Musulmans depuis de VIIIe siècle. Mais ce peut être aussi une sanction judiciaire d’autant que l’esclavage est justifié par l’argumentaire religieux des trois monothéismes. L’auteure aborde les punitions infligées à l’esclave, les travaux qui lui sont confiés. Elle décrit la condition du corps des femmes, les possibilités d’affranchissement, et les formes de révolte.
En conclusion Sandrine Victor réaffirme une continuité de l’Antiquité aux Temps modernes longtemps sous-estimée.
Voilà un ouvrage qui présente une réalité souvent oubliée de l’histoire médiévale et qui permet de mieux comprendre l’émergent de la traite atlantique.