Chiara Frugoni, grande médiéviste italienne contemporaine, a écrit de nombreux ouvrages dont « Le Moyen Age sur le bout du nez : lunettes , boutons et autres inventions médiévales » ainsi que « Une journée au Moyen Age ». Dans cet ouvrage richement illustré, elle s’intéresse au lit. Elle utilise également de nombreux extraits d’ouvrages de l’époque à l’appui de son propos. Les chapitres sont assez brefs et très illustrés.
Une seule saison, l’hiver
On dormait à moitié nu au Moyen Age et on souffrait beaucoup du froid. On surélevait donc le lit pour tenter de pallier à ce problème. On comprend mieux aussi l’usage du bonnet de nuit et il faut savoir que, pour éviter tout risque d’incendie, le feu était éteint chaque soir. Si on se dissimule, ce n’est pas par pudeur mais pour éviter le froid.
Lits pour les riches, lits pour pauvres
On utilisait un bâton pour aplanir les draps. Ce n’était pas un instrument pour n’importe quel lit. Chiara Frugoni détaille, chemin faisant, quelques-unes des images permettant par exemple de constater la différence entre lit de riche et lit de pauvre. Le lit est clairement à l’époque un marqueur social.
Un bon lit italien
Par rapport à la France où l’on privilégie le lit à courtines et à « ciel en étoffe », en Italie, au XIV ème siècle, à moins d’être très riche, un bon lit est constitué d’un solide sommier en bois et entouré de coffres ou bahuts.
Propositions indécentes
L’autrice s’appuie sur des textes de littérature dont « Lancelot du lac », un « roman » du début du XIII ème siècle où il est question d’une dame tentatrice. Cette dernière essaye de séduire Lancelot par tous les moyens pour éprouver sa fidélité. Un passage évoque un beau lit et des bonnes odeurs. On a oublié combien des effluves existaient à l’époque et parler ainsi de bonnes odeurs est une façon de montrer un contraste. « La puanteur devait être si répandue dans la vie quotidienne qu’elle incitait à apprécier son contraire ».
La chambre à coucher, une pièce aux tâches multiples
Au Moyen Age, la chambre à coucher était animée par diverses activités. Disposant d’un foyer, elle remplaçait en fait notre actuelle salle de séjour. C’était là qu’on recevait des personnes. Charles VI, par exemple, avait l’habitude d’y recevoir ses conseillers. Au XV ème siècle, sur le sol français, on célébrait les grands procès dans un décor spécialement aménagé pour l’occasion qu’on appelait « lit de justice ».
Des lits pour le moins bondés
Il était rare qu’une seule personne dorme dans un lit, à commencer par les membres d’une même famille. Dans les hospices, les malades dorment aussi ensemble avec les conséquences qu’il est aisé d’imaginer sur la propagation des maladies.
Des lits à hospitalité variable
Dans cette partie, Chiara Frugoni s’appuie sur des textes qui évoquent des moeurs déréglées dans un monastère. Par ailleurs, dans un grand nombre de nouvelles grivoises, les coups de théâtre, les rebondissements et les situations comiques se multiplient autour du lit.
L’Eglise dans les draps
Les jours interdits pour la sexualité représentaient la moitié de l’année. Lorsqu’à partir du XI ème siècle le mariage des prêtres fut interdit, on ne mit plus jamais au premier plan dans la pastorale adressée aux laïcs l’affection, la tendresse ou l’amour entre conjoints.
Festival des sens
Tout au long du Moyen Age, les théologiens perpétuent la comparaison entre le plaisir de la bonne chère et le plaisir charnel que Saint-Augustin avait déjà établi. Selon lui, la nourriture défendue mais ingérée pour le seul plaisir du ventre et de la bouche est pareille à une relation illicite qui aspire à la volupté et non à la procréation. Les bains publics pouvaient servir de lieu d’accouplement avec des prostituées.
Chiara Frugoni propose donc, en un peu plus de cent pages, un tour d’horizon du lit en l’éclairant sous de multiples aspects. Les illustrations et les commentaires précis de certaines images participent au plaisir de lecture de cet ouvrage.