En ce début d’année, les éditions Sarbacane publient la bande dessinée de Luxi, Les enfants du rêve chinois. Derrière cette expression que l’on doit au Premier Secrétaire du PCC Xi Jinping, Luxi nous plonge dans la découverte d’un pays en pleine mutation mais qui, malgré  tout, ne conjugue pas la modernité économique avec la liberté  individuelle et l’épanouissement personnel.

Le retour au pays

Luxi est étudiante en cinéma sur Paris. Accompagnée de son petit ami français Jean, elle se rend au cours de l’année 2018 en Chine pour y réaliser un documentaire mettant en scène la vie de son amie Fanfan. Le projet ne verra malheureusement pas le jour sur les écrans. Il sera néanmoins l’inspiration pour cette BD.

De manière glaçante Luxi nous montre toutes les difficultés rencontrées par la population des campagnes chinoises : à Wuyi la vie semble demeurée inchangée. Les campagnes où la modernité pousse la jeunesse à gagner les grandes villes, délaissant leurs proches et leurs parents qui subissent les grands projets immobiliers et le grignotage des campagnes par le béton. Les petits marchés et temples laissent la place aux parkings et aux complexes sans vie.

Luxi retrouve Fanfan. Son amie est enseignante dans cette campagne et souffre du poids de la société chinoise, demeurée très conservatrice. Fanfan détonne et l’on parle d’elle : comment une femme qui approche la trentaine peut restée célibataire ? Les femmes indépendantes effraient, d’autant plus quand elles sont homosexuelles dans une pays qui traite encore la question comme une maladie psychiatrique.

La modernité à marche forcée

Fanfan devait être le coeur du reportage étudiant. Mais elle hésite, est fuyante et craintive, ne veut pas trop apparaître à l’écran et évoquer publiquement son homosexualité, sa vie, ou émettre la moindre critique envers les autorités. Et pourtant, une fois la caméra coupée, elle revient sur son enfance, ses souffrances, sa tentative de suicide. Les deux visages de son amie laissent pantois Luxi qui peine à la reconnaître.

Mais le projet avance néanmoins : à défaut de filmer Fanfan, Luxi et ses amis filment la transformation de ce monde à marche forcée, n’hésitant pas à écraser tout sur son passage, se souciant guère de qui restera sous les décombres (Ouïgours). Alors que le reportage touche à sa fin, la police chinoise mettra fin aux espoirs de l’étudiante. Parler librement de la Chine n’est pas envisageable. La détention, les pressions sur l’équipe de tournage et Fanfan, les menaces ont raison du projet. Jean a dû quitter le pays à la fin de son visa. Luxi pourra le retrouver après avoir signé une déclaration d’excuse et avoir abandonné ses rush.

Quant à Fanfan ? Le contact est rompu avec Luxi : l’enseignante a vu sa vie étalée devant ses proches et son village. Dans les campagnes la pression sociale et le regard d’autrui pèsent lourd. Luxi a su qu’elle avait dû faire son autocritique maoïste devant son école. Bien qu’animées par la même farouche envie de liberté, Luxi et Fanfan n’ont pas toutes les deux pu s’envoler loin du régime chinois. Les rêves ne sont pas devenus réalité.

Une lecture plaisante et idéale pour les CDI.