FRONTIERE ECONOMIQUE ET MONDIALISATION
Le premier article, tiré du CERISCOPE, montre que l’affaiblissement des frontières est parfois un trompe-l’œil et que de nouveaux obstacles territoriaux prennent souvent la place des anciennes limites géographiques. En effet, la diversité institutionnelle et juridique de chaque espace national ou transnational (normes européennes) est par exemple devenue un frein au commerce. Se pose alors un problème de coordination et de gouvernance pour contourner ce problème de frontières économiques. Le droit international, par le biais de l’Organisation Mondiale du Commerce, est un moyen. Mais l’enlisement des négociations du cycle de Doha ou pour le traité transatlantique de libre-échange montre toute la complexité du problème.
COMMERCE ET BARRIÈRES NON TARIFAIRES
L’article suivant, tiré de VoxEU.org, est le prolongement du précédent. Il montre que l’OMC n’est pas encore parvenue à libéraliser totalement les échanges. On observe même une certaine régression depuis la dernière crise économique car de plus en plus d’Etats ou d’organismes supranationaux mettent en place des barrières non tarifaires techniques et sanitaires. Parfois utilisées pour corriger des dysfonctionnements du marché, elles peuvent être aussi utilisées par les gouvernants pour protéger les producteurs nationaux. Ainsi on remarque une multiplication des mesures publiques et privées relatives à la qualité et à la sécurité des produits alimentaires. Il est toutefois difficile de tracer une ligne de démarcation claire entre les mesures protectionnistes et celles non protectionnistes, ce qui est souvent source de conflits.
LES CHAÎNES DE VALEUR MONDIALES : UN NOUVEAU PARADIGME
Cet article, tiré de FriedlandPapers, est certainement le plus intéressant à la fois d’un point de vue économique et géographique. Il fait le point sur un concept essentiel du commerce international et de la mondialisation : les chaînes de valeur. La fragmentation géographique des chaînes de production n’a jamais été aussi poussée. Pour les pays comme pour les entreprises, le bon positionnement dans les chaînes de valeur mondiales devient déterminant. L’éclatement des étapes de production n’est pas nouveau, mais il s’est accéléré avec la réduction des coûts des échanges et des évolutions numériques, permettant une meilleure coordination des différentes activités. Ces réseaux de production toujours plus internationalisés sont ainsi devenus le nouveau paradigme de la mondialisation. On parle de chaîne de valeur parce qu’à chaque étape de la vie d’un produit est adjointe de la valeur. Biens et services traversent alors plusieurs frontières. La facilitation du commerce est donc cruciale. Ces chaînes de valeur concernent prioritairement le processus de production et d’assemblage mais de plus en plus les étapes de pré ou de post fabrication. Elles sont plus ou moins longues, plus ou moins complexes. Parfois trop. L’iPhone 6 d’Apple nécessite ainsi 349 fournisseurs en Chine, 139 au Japon et 42 à Taïwan.
MARCHÉ DU TRAVAIL ET MIGRATION : LA GRANDE INCOMPRÉHENSION
Cet article, tiré de Finances et Développement (FMI), traite d’un autre pan de la mondialisation : les migrations. De 1960 à 2010, le nombre de migrants est passé de 90 à 215 millions. Toutefois, la part des immigrés dans la population mondiale reste plutôt stable à environ 3% depuis 1960. Cette moyenne cache évidemment de grandes disparités. Les 2/3 de l’augmentation s’expliquent par les migrations vers l’Europe occidentale et les Etats-Unis. Globalement, le développement des migrations Sud-Nord est le trait dominant depuis 50 ans. Il y a avait 113 millions d’immigrés dans les pays de l’OCDE en 2010, 38% de plus qu’en 2000, soit 11% de la population de l’OCDE, chiffre nettement supérieur à la moyenne mondiale. Ainsi dans ces pays, l’immigration est ressentie comme le plus grave problème actuel et les immigrés sont rendus responsables de la baisse des salaires et de la montée du chômage. Pourtant la plupart des économistes spécialisés conviennent que l’immigration n’est pas le principal responsable des difficultés récentes. Elle a des effets relativement faibles sur les salaires et l’emploi. Elle peut même créer de l’emploi par complémentarité entre nationaux et immigrés. La conclusion promeut une politique d’immigration plus subtile et efficiente en intégrant des critères économiques (comme en Australie ou au Canada). Rendre les frontières plus étanches pour arrêter les immigrés, solution souvent utilisée car plus commode et plus visible, ne semble pas la meilleure.
L’ENTREPRISE : LES FRONTIÈRES, LA LANGUE ET L’IDENTITÉ
La mondialisation, c’est le développement des échanges de marchandises, l’augmentation des migrations mais aussi l’uniformisation culturelle. Cet article, tiré des Annales des Mines, essaye de montrer que les entreprises n’arrivent pas toujours à se soustraire de leur identité nationale d’origine. Les entreprises qui cherchent à s’internationaliser ont naturellement recours à l’anglais. Mais la comparaison de documents (« anonymés) pour leurs opérations de communication et de relations publiques d’entreprises chinoises et françaises est surprenante. Le discours, pourtant rédigé toujours en anglais (globalisation oblige), révèle l’éthos (l’identité) des entreprises. Les différentes composantes fondamentales de l’éthos (compétences, honnêteté et bienveillance) sont présentes mais d’une manière différente. On peut opposer la primauté de la relation humaine et de l’intégration dans la société chinoise à l’offre d’expertise de l’entreprise française (en position de mentor) qui met ses connaissances au service de son client.
Trois articles, extérieurs au dossier sur les frontières, complète ce numéro : sur les conséquences des réformes des retraites en France sur les pensions – sur un outil méconnu de la décision publique en matière d’environnement et de santé : la Valeur de la Vie Humaine – sur les faibles gains de productivité au Royaume-Uni depuis la crise de 2007-2008.
Par le biais d’articles centrés sur l’économie mais débordant souvent sur la géographie, ce numéro de Problèmes Economiques fait le point sur la notion de frontière face à la mondialisation. Il met un peu à mal quelques idées reçues comme l’apport des migrants dans les pays d’arrivée. Chaque article est complété par un « éclairage » permettant de préciser quelques termes (comme le TTIP par exemple) ou de proposer des illustrations graphiques qui pourront être utiles en classe.
Nicolas Prévost © Les Clionautes