Un beau livre à l’ancienne
Il s’agit d’un beau livre avec un côté un peu ancien comme si on l’avait redécouvert dans une bibliothèque et il nous invite à un voyage dans le temps et l’espace, sur les traces des grands explorateurs. A chaque fois en une dizaine de pages, chaque auteur de cet ouvrage collectif donne à revivre un homme, une épopée et une époque. Le tout est appuyé d’illustrations souvent pleine page qui en font un beau livre agréable à feuilleter. Ce sont pas moins de trente auteurs différents que l’on retrouve ici. La période couverte commence avec les grandes découvertes et s’étend jusqu’à aujourd’hui. Une bibliographie complète l’ensemble.
A travers pôles, rivières ou continents
Chaque espace est introduit par un texte qui présente en trois pages les différents explorateurs qu’on va rencontrer dans le chapitre, permettant ainsi une première approche. On voyage ainsi à travers les océans, sur la terre, les rivières, les pôles, et parmi les nouveaux défis à savoir par exemple le cas étonnant des grottes puisque 10 % seulement d’entre elles auraient été explorées. On mesure mieux à chaque fois les fantasmes qui ont pu parcourir une époque ou un lieu comme l’Australie qu’on imagina longtemps abriter une mer centrale entourée de riches prairies. La source du Nil participa aussi de ces lieux à la fois mythiques et recherchés. A travers tous ces récits, on ressent le souffle des aventures. Alexander Mackenzie et sa traversée de l’Amérique en canoé ou encore Heinrich Barth et sa traversée du Sahara au milieu du XIXe siècle. Il rédigea une somme sur cette zone et avait amassé un savoir à nul autre pareil. On aurait peut-être aimé parfois quelques cartes pour agrémenter le tout.
Des destinées et des personnalités très variées
On découvre beaucoup de personnages attendus, mais aussi quelques-uns sans doute moins connue. Tant de personnages donnent forcément des personnalités à la fois très fortes et très contrastées. Pour Baines au milieu du XIXe siècle, «voyager, rassembler des informations et les transmettre au public britannique constituait une fin en soi ». On est donc bien loin de Richard Burton, personnage fantasque qui parcourut l’Asie, l’Arabie et l’Afrique et qui parlait vingt sept langues. En plus il se fit remarquer pour ses traductions très pornographiques des Mille et une nuits. Parmi les profils atypiques, citons Gino Watkins au début du XXe siècle. Il ne vécut que 25 ans et est loin de correspondre au profil physique de l’aventurier. Wally Herbert quant à lui, mort en 2007, fait partie des découvertes de ce livre. Il mit au point ce qu’ on considère comme la dernière grande expédition arctique et il se révéla un photographe et un peintre de talent au service de ses découvertes. Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres.
Les grands marins
L’incontournable premier en ce domaine est Christophe Colomb, présenté de façon efficace en quelques pages. L’auteur en profite d’ailleurs pour évoquer les expéditions chinoises de Zheng He, manière bien actuelle de relativiser et de contextualiser l’européanisation du monde. Dans le même registre des découvreurs du XVe et XVIe siècles, on rencontre Vasco de Gama ou Magellan. Sans doute moins connu Hernando de Soto et sa volonté de puissance, typique de plusieurs conquistadors. Les auteurs évoquent pour des époques postérieures Bougainville ou James Cook. Celui-ci manifesta, chose remarquable pour son époque, un profond respect pour les Maoris. Pionnier « de la navigation scientifique », il a rempli à lui seul « un tiers de la carte du monde ». On s’aperçoit aussi combien des questions qui ont pu préoccuper à l’époque paraissent étranges aujourd’hui, comme le transit de Vénus qui constitua un des deux buts du premier voyage de James Cook.
Géopolitique et explorateurs
Beaucoup d’articles traitent de la fin du XIX e et du début XXe, c’est-à-dire à une époque où l’Europe cherchait à installer son drapeau sur l’ensemble de la planète. On rencontre donc les plus connus des explorateurs comme Stanley ou Livingstone. Même sur ceux-ci, on peut apprendre des choses. Ainsi, les funérailles de Livingstone en 1874 furent un événement très couru.
Si l’on choisit ensuite de tourner le regard vers des explorateurs moins célèbres, Justin Marozzi évoque une femme étonnante comme Gertrude Bell. Elle mérite bien qu’on s’intéresse à elle car elle peut être considérée comme la cofondatrice de l’Etat d’Irak. On découvre aussi Ney Elias qualifié de « solitaire dans le grand jeu géostratégique » de la fin du XIXe siècle. Les auteurs nous font voyager également du côté de l’Asie avec le Mékong et notamment les expéditions de Francis Garnier au XIXe siècle. Le parcours de Youri Gagarine est aussi révélateur, car il devait incarner à lui tout seul la validité du système soviétique dans le cadre de la Guerre froide. Ce fils d’un charpentier de village devenu cosmonaute s’avérait un exemple d’une incroyable portée symbolique.
Ce livre peut servir au professeur pour évoquer le nouveau programme de 5ème ou encore la colonisation en terminale à travers quelques itinéraires de découvreurs. Il peut être utile également dans le futur programme de 4ème. Cet ouvrage pourra aussi faire le bonheur de l’amateur de voyages, de récits et d’aventures en général.
© Jean-Pierre Costille