C’est un recueil d’articles proposés sans véritable classement, ni géographique, ni chronologique, plus ou moins documentés; un livre où piocher en fonction de l’intérêt du lecteur.
L’ouvrage s’ouvre sous la plume d’un agronome et historien égyptien: Nagwa Abou El Maaty, de façon étonnante, sur les fermes écoles du XIX ème siècle . Leur rôle de modèle visait à une modernisation de l’agriculture et à une plus grande rentabilité. L’auteur présente quelques exemples de la rationalité apportée par les directeurs dans diverses cultures mais surtout la vigne: des pratiques nouvelles qui influenceront durablement les vignobles alentours. Il évoque avec précision les expérimentations liées à la lutte contre le phylloxera mais aussi la fonction de formation des apprentis, vecteurs de diffusion des nouvelles pratiques.
Avec Annick Batard c’est la place de la vigne et du vin dans les médias qui analysée durant la crise viticole des années 70. Elle montre le rôle joué par les guides gastronomiques puis les guides d’achats des vins dans l’évolution du marché. Si les portraits de producteurs, vignerons sont rares dans cet articles, les œnologues sont mieux traités. L’analyse des discours sur le vin met en lumière à la fois le caractère culturel du produit et la tradition dans le cadre d’un enjeu mondial. Quelques éléments pourraient illustrer un cours à propos de la mondialisation.
C’est à un voyage dans le temps et dans l’espace que nous invite François Clément dans sa contribution sur les agronomes et la viticulture dans l’Espagne musulmane du XI au XIV ème siècle.
Une occasion de découvrir la tradition savante, l’expérimentation des agronomes arabes qui au XI ème s. sont à l’origine de ce que Lucie Bolens nomme « la révolution agricole andalouse »: connaissance des sols, maîtrise de l’eau, connaissance des végétaux. Ces trois éléments sont décrits dans de véritables traités d’agronomie qui continuent aujourd’hui à être lus au Maroc. La viticulture est très présente dans ces ouvrages d’auteurs connus comme Ibn Wâfid ou plus obscures.
Entre anthropologie et géographie on suit Chantal Crenn dans cette étude des acteurs du monde vitivinicole entre Saint-Emilion et Bergerac et leur relation au terroir. C’est d’abord une communauté humaine très diverses que décrit l’auteur. Du fait des migrations et de la situation géographique de confins elle fut un refuge protestant, c’est le terroir qui en fait l’unité mais aussi les activités liées au vin. Chantal Crenn a choisi de mettre en valeur l’immigration issue du Maghreb et sa revendication d’une identité liée à un savoir-faire viti-vinicole qui fait face chez les notables (propriétaires, présidents de caves coopératives…) à une identité affirmée de « vignerons protestants » en lien avec une mémoire et la création d’une histoire mythique présentée comme valeur du terroir et du produit.
Dans cette même région un homme incarne la défense des vins du Lot et Garonne dans la première moitié du XX ème siècle: l’archiviste départemental René Bonnat. C’est son parcours personnel et son opposition à son collègue girondin et leurs rôles dans la délimitation des vins de bordeaux que retrace Sophie Delbrel.
Gérard Emptoz nous entraîne en Bourgogne pour y découvrir l’action des barons Thénard, père et fils, dans les recherches menées pour améliorer la viticulture bourguignonne. Paul Thénard, père et chimiste de formation met ses connaissance au service des vignes de son épouse:fumure, lutte contre les ravageurs et donc bien sûr le phylloxera. Son fils Arnaud, après des études de médecine, se tourne vers la physique et poursuit la lutte engagée par son père en important des plants américains qui furent la solution à la crise du plus célèbre fléau de la vigne.
Dans le même temps mais en Languedoc on peut, grâce à Jean-Louis Escudier, suivre la trajectoire familiale et professionnelle. Comment à partir d’une compagnie immobilière se lancer dans la production de vin en Camargue, puis le stockage et le transport du produit avant de se mettre au service des producteurs en raffinant le souffre. A côté de ses activités Prosper Capelle a développé une stratégie d’implication dans les structures socioprofessionnelles (confédération générale des vignerons, crédit foncier, Crédit agricole…) dans divers dossiers: affaire des vins frelatés en 1907, développement des stations d »essais et du mouvement coopératif. L’auteur analyse les atouts du personnage, il montre comment l’alliance des affaires privées et publiques liée à un grand pragmatisme lui ont permit de mobiliser des capitaux, de jouer un grand rôle méconnu, sans doute du fait de sa discrétion et de son absence d’ambition politique.
De retour en Gironde avec les conseillers généraux entre 1875 et 1900, objets de l’article de Bernard Gallinato-Contino. L’auteur présente le personnel politique à un moment, les débuts de la Troisième République où s’achève, pour le Bordelais, la période faste du Second Empire et où surproduction puis ravages dans le vignoble vont occuper les séances du Conseil Général. Ce sont des hommes du terroirs dont la moitié appartiennent au monde viticole qui, d’après la teneur des débats, montrent leur intérêt et leurs connaissances sur ces questions: phylloxera, vins frelatés et fraudes diverses. Ce sont de véritables défenseurs des vins de bordeaux à l’image du cadillacois Reinhold Dezeimeris.
La cave coopérative en Languedoc est à coup sûr un marqueur du paysage Né au début du XX ème s. le mouvement coopératif connaît plusieurs générations de construction en fonction de l’évolution des techniques et du marché. Dominique Ganibenc nous présente un architecte incontournable de ces constructions: Paul Brès. Les quelques photographies qui illustrent l’article permettent de mieux comprendre ces imposants bâtiments qui marquent le paysage, au fil de la carrière de l’architecte on perçoit les évolutions stylistiques mais aussi une donnée technique fondamentale: la cuverie.
Dépaysement avec l’article de Nicole Mainet-Delair qui nous conduit en Bretagne au XVII ème siècle . Elle nous présente une famille aquitaine: les Duthoya, leur installation à Landernau dans le commerce des vins de bordeaux, leur intégration en Bretagne perceptible dans l’accession à l’échevinat et le retour au pays natal.
Tommaso Meldolesi évoque rapidement la place du vin dans la littérature depuis l’Antiquité puis il citent des auteurs du XIX ème siècle de Chateaubriand à Zola en passant par Balzac et Daudet: vision du vin corrupteur ou moyen d’évasion pour Baudelaire ou Nerval.
Avec le premier conflit mondial on perçoit le vin comme métaphore du sang. Une ébauche d’étude pour un thème qui semblait mériter mieux.
On apprend comment un vin ancien et local prend une dimension plus large sous l’appellation Côtes de Provence dans cet article de Frédéric et Philippe Moustier. Après la crise du phylloxera, c’est une élite qui replante et choisit de produire un vin de qualité, cette orientation gagne petit à petit les petits producteurs réunis au sein du mouvement coopératif. Aujourd’hui la tendance va vers une hiérarchisation à l’intérieur de l’aire de production comme dans le secteur de la Sainte victoire.
Ce sont les archives privées de François Tixier Gendre qui permettent àGeneviève Plyer, Jacques Plyer et Marie-Paule Valleix de nous faire découvrir le vignoble auvergnat de Monton et sa place dans l’approvisionnement en vin de la capitale. Le commerce mis en place par François Tixier Gendre sous la Révolution est décrit avec précision: organisation générale, transport fluvial sur l’Allier, le canal de Briare et la Seine, quantités, prix mais aussi acteurs et réseaux.
Enfin Michel Portmann évoque le médecin Georges Portmann et sa conviction à propos des bienfaits du vin. Ce natif de St Jean de Maurienne devient médecin de la marine à Bordeaux où il fonde une famille; devenu spécialiste ORL il se lance dans une carrière politique qui le mène au Sénat. C’est dans les années 30 qu’il s’intéresse à l’oenothérapie, à l’action du vin sur les infections, les affections cardiaques et les maladies dégénératives nerveuses et conclut sur l’intérêt d’une consommation modérée du breuvage.