Les 14 et 15 février 2018, un colloque est organisé à l’auditorium du musée de Grenoble. Ce colloque s’inscrit dans les commémorations des 50 ans des Jeux d’Hiver de Grenoble qui se sont déroulées début février 1968. Sont présents une dizaine de spécialistes de l’économie du sport, avec un plusieurs objectifs : répondre à l’idée extrêmement répandue que l’organisation des Jeux coûterait cher et longtemps aux contribuables; faire un bilan cohérent et structuré des jeux sur les populations, les lieux et les pays; montrer le décalage entre les discours du C.I.O. et le concret.

Signalons en avant-propos la qualité de l’ouvrage, à plusieurs titres. Qualité du papier d’abord, même si cela peut paraître accessoire, il est toujours agréable d’avoir un bon support entre les mains. Qualité des graphiques et autres illustrations proposés tout au long des chapitres. Qualité de l’écriture et clarté de l’expression chez chacun des auteurs, même pour le chapitre en anglais (il faut néanmoins quelques bases pour le décrypter). La lecture d’ensemble est ainsi très agréable.

Le livre est introduit par Pierre Chaix. Puis sa structure est divisée en deux grandes parties. La première (4 chapitres) évoque le bilan de plusieurs J.O.  (Chamonix, Grenoble, Albertville, Barcelone) mais aussi le devenir de certains sportifs et la question de la reconversion post-olympique. La seconde (5 chapitres) se veut dans la prospective par rapport aux J.O. de Paris de 2024. Parmi les questions posées, celle du coût d’abord et de sa maîtrise. Puis celle, posée dès le titre, de l’héritage: social, économique, aménagement, durabilité au sens environnemental et architectural.

Dans son introduction, Pierre Chaix met en perspective les Jeux dans leurs dimensions politique, sociale, économique, environnementale. Il rappelle à juste titre la rigidité de l’organisation voulue par le C.I.O., l’explosion des budgets des villes organisatrices, les enjeux d’image à la fois pour le C.I.O., les villes, les pays. Surtout, il montre le décalage entre un cahier des charges extrêmement précis et les entorses au règlement de la C.I.O. acceptées par le C.I.O. lui-même pour permettre la pérennité de ces événements.

Le 1er chapitre est consacré à Chamonix et aux J.O. d’hiver de 1924. L’auteur, Christophe Durand, y évoque la durabilité des équipements, la dimension sociale, identitaire et culturelle d’un tel événement. Il montre comment ces J.O. se sont inscrits dans une pratique naissante et élitiste, un marché de niche comme l’on dirait aujourd’hui.

Le 2e chapitre, écrit par Vladimir Andreff, le plus long de l’ouvrage, évoque les jeux d’hiver de Grenoble et Albertville. Dans une analyse extrêmement fouillée et précise, il est montré comment ces jeux se sont déroulés dans des contextes différents. Grenoble est au cœur des Trente Glorieuses, avec le développement du tourisme de masse et des entrepreneurs, comme Pierre et Vacances qui vont commencer à cibler les hautes cimes. Albertville se situe dans une atmosphère plus récessive, de crise industrielle dans la région, de besoin de rénovation ou de création d’infrastructures de communication. Sont analysés les résultats, les conséquences à court, moyen et long terme en termes d’aménagement, d’environnement, de retombées économiques dans un cadre dépassant bien évidemment le sport.

Le 3e chapitre, très intéressant, voit Patrice Bouvet s’attarder sur les sportifs: leur préparation, leur participation, leur financement et surtout leur reconversion. Surtout, il donne la parole à deux anciennes sportives de haut niveau, Florence Masnada et Annie Famose, montrant à quel point une reconversion se prépare et représente un cheminement personnel et souvent chaotique voire brutal.

Le 4e chapitre est une analyse comparative, réalisée par Jean-Jacques Gouguet, des J.O. d’été de Barcelone et de Londres dans leurs dimensions durables et sociales. Barcelone est très souvent présenté comme le modèle de réussite absolue des J.O. : équipement, logement, retombées financières et en image. Londres a elle aussi monté un dossier où la fibre sociale était déterminante pour l’obtention des Jeux de 2012, insistant notamment sur la reconversion de ses sites. L’auteur en dresse un bilan pertinent et chiffré, combattant ainsi certaines idées reçues.

La seconde partie est à prendre dans son ensemble car elle forme véritablement un tout cohérent. Les 5 chapitres, rédigés par  Mathieu Lorca, Andrew Zimbalist, Pascal Gayant, Eric Barget et Alian Ferrand, font le bilan sévère mais réaliste des politiques du C.I.O. qui se rend coupable d’un vrai décalage entre les paroles et les actes. Par son Agenda 2020, le C.I.O. a promis de la durabilité, de l’environnement, la limitation des coûts stratosphériques de ses jeux. Il dit s’intéresser aux volets économiques et sociaux des jeux, demandant un réel impact sur les populations locales. La compétition extrême entre les candidats, alimentée par le C.I.O. lui-même, annihile, de facto, ces intentions de papier.

Deux volets s’ensuivent: d’abord, un bilan des dossiers des villes candidates et une perspective des jeux à venir sur ces sujets. Le constat est terrible, notamment lorsque l’on évoque les futurs jeux de Pékin, à l’hiver 2022, dans une région sans neige naturelle. Ensuite, une analyse très pointue et détaillée du dossier parisien pour l’été 2024 et des propositions pour tenir les engagements de celui-ci.