Les juifs dans l’histoire,
Les éditions Champ Vallon que nous rencontrons toujours à Blois, lors des rendez-vous de l’histoire avec un grand plaisir, ont publié en septembre 2011 une synthèse très attendue sur les juifs dans l’histoire. Cette synthèse réunit 29 auteurs différents, professeurs ou maîtres de conférences dans les universités françaises, américaines, et Israéliennes.
Cet ouvrage apparaît comme une véritable encyclopédie thématique du judaïsme, pris sous l’angle résolument historique, et considérant la loi de Moïse comme un épisode, parmi d’autres, de l’histoire de l’Antiquité au Proche-Orient.
Toutefois, la première partie du livre qui traite des fondements, avec une présentation très utile de l’élaboration de la loi permet de comprendre les ressorts du judaïsme des origines.
Cette somme est enrichie d’une bibliographie très complète, avec souvent des ouvrages récents, d’une chronologie qui commence en 597 avant Jésus-Christ avec l’entrée de Nabuchodonosor dans Jérusalem et la première déportation et qui s’achève en 2010, avec le nombre de juifs installés à Jérusalem est et en Cisjordanie qui dépasse les 500 000 habitants.
Les contemporanéistes ne seront pas déçus par cet ouvrage dont la sixième partie est consacrée au monde actuel, de 1945 à nos jours. Plusieurs articles évoquent les conséquences démographiques du génocide ainsi que les conséquences démographiques de la décolonisation et la création de l’État d’Israël. Et on trouve également page 636 un tableau très complet sur la répartition de cette population dans les différents pays du monde.
Ces travaux de Régine Azria permettent de comprendre la spécificité de la question juive en partant d’une analyse précise de la répartition des populations.
Pour Israël dans son environnement régional et international, les travaux de Alain Diechkoff sont également très utile. On peut y trouver page 641 642 des cartes, mais surtout une synthèse très accessible du conflit israélo-arabe et de sa poursuite israélo-palestinienne jusqu’à nos jours. Page 167 une carte extrêmement utile de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 2010, réalisé par Anne Vitu, permet aussi de saisir précisément les différentes données du problème. Peut-être aurait-il fallu pour compléter cet appareil cartographique y rajouter une carte hydrographique de la Palestine mandataire qui aurait pu apporter un éclairage sur la dimension Hydro conflictuelle du conflit israëlo-palestinen.
Un article très précieux de Sarah Fainberg consacré aux juifs en Russie soviétique permet de comprendre quelle était la spécificité de leur traitement à partir de la déstalinisation mais également pendant la période de répression politique des années Brejnev. La lutte des juifs russes pour la liberté d’immigration a été résolue, même si pendant cette période, un processus d’intégration par mariages mixtes pouvait se réaliser. Il n’empêche qu’avec l’implosion de l’Union soviétique, les années 1990 ont vu la moitié des immigrants se dirigeait vers l’État hébreu qui accueille alors près de 823 000 immigrants russophones. Pour l’État d’Israël, cette arrivée massive a pu constituer une bouffée d’oxygène face au dynamisme démographique des Arabes Israéliens et palestiniens dans les territoires occupés.
Bien entendu, on pourra lire avec beaucoup d’intérêt les articles consacrés à la place des juifs dans l’histoire plus ancienne, avec parfois un angle extrêmement original, comme les juifs dans la renaissance italienne, l’histoire religieuse du monde ashkénaze du 16e au XVIIIe siècle, et juifs dans le monde germanique du début du XIXe siècle jusqu’en 1933.
Cet ouvrage est une véritable somme, qui peut évidemment susciter quelques nuances, des lors que des points très spécifiques, mais considérés comme importants par quelques communautés ne sont pas abordés. Si les juifs en Espagne, avant leur expulsion en 1492 sont l’objet d’un article de Bernard Vincent, certaines remarques ont pu être faites sur le rôle des juifs au Portugal. Il semblerait que leur traitement ait été différent de celui de leurs coreligionnaires de Castille et d’Andalousie. Il est vrai que le Portugal, même au Moyen Âge, avait pu apparaître communautaire plus tolérante, on se souvient notamment que des Templiers, persécutés dans toute la chrétienté, avaient pu constituer des communautés.
On trouve aussi dans la partie consacrée aux juifs au Moyen Âge, dans l’islam médiéval, des informations très mal connues sur les présences juives dans l’Asie pré- mongole ainsi que la mention d’un État nomade judaïsé, les Khazars. Cette population installée dans la basse Volga a été alliée aux forces byzantines contre les perses en 627, et ils ont été des intermédiaires du commerce dans le transit terrestre et fluvial des marchands étrangers venus des pays d’islam vers le centre des terres russes.
Ce livre est donc d’une grande richesse et permet de disposer d’une synthèse très complète sur de très nombreux aspects de la question. C’est très justement un ouvrage éclairant, apportant des informations précises, mises à jour à partir de travaux scientifiques récents qui est mis à disposition par les éditions Champ Vallon . Un éditeur régional qui a fait des choix très souvent pertinents en matière de publication et dont le catalogue dans le domaine de l’histoire et plus récemment de l’histoire de l’environnement, mérite assurément d’être découvert.
Bruno Modica