Fabrice Grenard, directeur scientifique de la Fondation de la Résistance, s’est imposé comme l’un des historiens majeurs de la Résistance intérieure française, et des maquis plus particulièrement. Après sa biographie du « premier maquisard de France », Une légende du maquis.  Georges Guingouin, du mythe à l’histoire  (rééditée dans la collection Texto en 2020) il a publié Les maquisards. Combattre dans la France occupée, qui est « non pas seulement une histoire des maquis, mais une histoire des maquisards »,  qui fut ensuite déclinée en une version privilégiant l’approche par les documents : Ils ont pris le maquis. Sans oublier son étude sur La traque des résistants (rééditée dans la collection Texto en 2020), et celle sur Le choix de la Résistance.

Deux autres historiens spécialistes de la Résistance ont apporté leur contribution à cet ouvrage. Fabrice Bourrée est responsable du service de la médaille de la Résistance française au sein de l’Ordre de la Libération. Il a publié en 2020 Retracer le parcours d’un résistant. Guide d’orientation dans les fonds d’archives. Frantz Malassis est chef du département documentation et publications de la Fondation de la Résistance. Il a publié récemment une Histoire d’objets de la Résistance.

Fabrice Grenard a choisi d’aborder l’histoire de la Résistance sous l’angle de la chronologie. Le livre est construit en cinq parties, traitant chacune d’une année, de 1940 à 1944. Le déroulement de chaque année est abordé lui aussi de manière chronologique. Limitée à ces deux phrases, la présentation de ce livre serait fort médiocre et très insuffisante. Il s’agit en effet d’un beau livre, très richement illustré (mais il s’agit de bien plus que d’illustrations), et d’un récit de la Résistance française, complet, précis, pédagogique, vivant et agréable à lire.

Une histoire de Résistance qui fait une place essentielle aux documents

« Longtemps difficile à réaliser, une histoire illustrée de la Résistance devient désormais possible. Basé sur plus de 200 documents, dont une grande partie d’inédits, cet ouvrage se propose ainsi de revisiter les « années Résistance », des premières formes d’actions jusqu’aux combats de la Libération, avec une véritable plongée au cœur du phénomène que seul l’usage des archives peut permettre. »

Au-delà de la simple illustration, qui est parfois d’importance secondaire, il s’agit de montrer que l’histoire se fait à partir de documents, qui sont les sources primaires qu’il faut étudier, comparer, interpréter, critiquer. Les documents reproduits ici sont de nature très variée. Une large place est accordée aux reproductions de documents d’archives (on en trouve les cotes précises en fin d’ouvrage). La qualité de reproduction étant remarquable, on se fait historien en découvrant, par exemple, une lettre de De Gaulle à Weygand du 20 juin 1940, lui signifiant qu’il ne rentrera en France -comme Weygand le lui ordonne- que si le gouvernement français ne capitule pas ; la retranscription dactylographiée d’un rapport de Jean Moulin à de Gaulle du 25 octobre 1941 ; des reproductions de tracts ; l’organigramme de l’Armée secrète ; ou encore un compte rendu de la découverte d’un camp de maquisards, en Haute-Vienne, en août 1943. On comprend que les archives de la Résistance existent, et que l’histoire de la Résistance s’écrit aujourd’hui beaucoup à partir d’elle.

A côté des reproductions de documents d’archives figurent de nombreuses photographies, souvent très originales, et là encore, d’excellente qualité et souvent de grand format, ce qui leur donne toute leur place. On pourrait donner des dizaines d’exemples. J’ai pour ma part été frappé par la photographie de l’exécution au Mont-Valérien, le 21 février 1944, de quatre condamnés de l’Affiche rouge (l’histoire de cette photographie -l’une des trois seules qui existent- est donnée en légende), par celle des victimes de Vassieux-en-Vercors dans le village en ruine, par celle du défilé, à Annecy, lors de la Libération, des femmes ayant travaillé comme agentes de liaison, ou encore par celle qui ouvre le livre, et qui est connue, d’un homme qui pleure de douleur, à Marseille, le 15 décembre 1940. Les documents sont tous solidement légendés et il est possible de lire le livre et de découvrir l’histoire de la Résistance, à partir des documents.

Un récit de grande qualité

Fabrice Grenard a fait le choix d’un texte très accessible, sans notes et sans références bibliographiques, une bibliographie aurait cependant été appréciée en fin d’ouvrage. Sous une forme limpide, le texte propose un contenu très complet, et bien entendu, à la pointe de l’historiographie. Fabrice Grenard a le talent, nous l’avons déjà signalé, de dire simplement l’essentiel, sans doute héritage de sa vie de professeur d’histoire. C’est parfois remarquable quand on sait la complexité des choses, par exemple la situation à Alger à la fin de 1942.

Par le choix des rubriques abordées au sein de ces années, il couvre tous les aspects de l’histoire de la Résistance : la création de la France libre, la naissance des mouvements et des réseaux, la liaison entre les deux résistances et leur unification, mais aussi les actions résistantes, impression et distribution de tracts et de journaux, activité de renseignement, sabotage, lutte armée, constitution des maquis et vie au maquis, lutte contre le Service du travail obligatoire et solidarité avec les Juifs persécutés ; infiltration et répression. Il accorde une place importante aux femmes, celle que l’histoire met en évidence, et évoque aussi celle des étrangers.  Mais ce ne sont pas seulement des catégories qui sont évoquées, les individus ont toute leur place. Proportionnellement, il approfondit davantage les premières années que l’année 1944, mieux connue. Il s’attache à montrer l’importance des manifestations patriotiques (14 juillet et 11 novembre) et celle des manifestations de ménagères.

La qualité de cet ouvrage, agréable et accessible, solide et complet, accordant une large place aux documents nous conduit à le recommander vivement aux collègues enseignants et aux CDI de leurs établissements.