Dans une collection baptisée « Lignes de vie d’un peuple », les Ateliers Henry Dougier nous proposent une mise au point sur un peuple à partir d’une série de courtes enquêtes.
Antoine Mairehttp://www.sciencespo.fr/ceri/fr/users/antoinemaire, chercheur chercheur au CERI-Sciences Po nous offre un ouvrage accessible et de qualité sur la population mongole.

Les Mongols : insoumis

Télécharger le fichier PNG. Consacré au peuple mongol, ce numérohttp://ateliershenrydougier.com/catalogue/les-mongols-insoumis-2/ de la collection « Lignes de vie d’un peuple » se signale par l’étude de ce peuple traditionnellement nomade et en voie de sédentarisation rapide.

Dans un style d’écriture dynamique, Antoine Maire alterne entre de courts entretiens avec différentes personnalités mongoles (éleveur, chercheur, ancien Premier Ministre, spationaute, militant, moine, homme d’affaire) et des mises au point scientifiques.

La première partie du livre s’attache à étudier avec précision l’ensemble des caractéristiques traditionnellement rattachées aux Mongols. Le déclin du nomadisme depuis la fin des années 1980 est associé au déclin de l’élevage. Depuis les années 1990, la transition vers le capitalisme a favorisé l’augmentation des troupeaux de chèvres. Les conséquences sur les pâturages sont nombreuses, puisque contrairement aux moutons, les chèvres mangent les racines de l’herbe, ce qui abîme les pâturages lorsqu’elles sont trop nombreuses. L’exode rural s’explique par la combinaison de l’attirance de la ville et par la multiplication des zud (hiver rigoureux entraînant la mort du bétail). Cet exode se caractérise par le fait que ce sont les jeunes filles qui partent le plus souvent en ville, au détriment des garçons : il devient donc plus difficile pour les jeunes Mongols de trouver une épouse à la campagne. En 2016, l’élevage concerne encore 1/3 de la population du pays avec un cheptel composé des « 5 museaux » : moutons, chèvres, vaches, chevaux et chameaux.

La place des femmes en Mongolie est importante. Elles sont l’un des piliers de la société mongole. Une anecdote insiste sur la présence de manifestations organisées par des hommes à Oulan-Bator afin d’obtenir plus d’égalité vis-à-vis des femmes sur le marché de l’emploi.

Le panmongolisme est abordé en insistant sur le faible attachement des Mongols de Mongolie envers la diaspora. Les Mongols de Chine considèrent les Mongols de Mongolie comme trop « russifiés ». A l’inverse, l’opinion des Mongols de Mongolie sur les Mongols de Chine (notamment intérieure) tend à considérer qu’ils sont trop sinisés. Cette indifférence explique aujourd’hui l’absence de volonté panmongoliste dans la politique mongole.

Les héritages socialistes sont analysés, notamment par le biais de l’étude de la conquête de l’espace. En effet, c’est un citoyen mongol, Gurragchaa, qui devient le second asiatique, et 101ème homme à avoir été dans l’espace en 1981 (avant même Jean-Loup Chrétien pour la France !). La troisième partie de l’ouvrage dédiée à la démocratie est la plus stimulante. La Mongole est une démocratie stable depuis les années 1990. Enfin, la dernière partie, analyse le rôle des activités d’orpaillage (le chapitre est très clair et didactique), le lamaïsme et ses travers (notamment l’argent), l’urbanisme à Oulan-Bator (immeubles et yourtes), la mouvance néo-nazie (dont la place médiatique est très forte par rapport à son véritable rôle en Mongolie). A ce titre, Antoine Maire insiste sur la très faible conscience politique des Mongols Bleus et de la Croix Blanche (les deux principaux groupes néo-nazis). L’exhibition des uniformes de SS lors de défilés, ou dans le bar néo-nazi du pays n’est pas suivie par une adhésion idéologique. Les ultranationalistes mongols ont une cible précise : les Chinois, accusés de piller les ressources minières du pays. Antoine Maire rappelle que ce secteur concentre l’essentiel des investissements étrangers. 80% des exportations, et 40% des revenus sont issus des mines (les gisements de cuivre et d’or d’Oyu Tolgoï et de charbon de Tarvan Tolgoï sont parmi les plus importants au monde).

Un excellent aperçu, à la fois précis et didactique, de la part d’un jeune chercheur en études mongoles. Une utilisation pédagogique au collège (les articles sont courts) et au lycée sont tout à fait envisageable. Espérons que les éditions Autrement puissent confier à cet auteur de concevoir la réalisation d’un Atlas de la Mongolie dans les prochaines années.

A noter que les prochaines sorties dans cette collection, prévues pour 2016, s’intéresseront aux Mexicains, Amazoniens, Paraguayens, Belges, et Tibétains. Les publications de 2017 sont d’ors et déjà connues : les Finlandais, Québécois, Thaïlandais, Pakistanais, Argentins, Russes, Iraniens, Coréens, Guadeloupéens, Calédoniens, Sénégalais et Marocains.

Antoine BARONNET @ Les Clionautes.