Un ouvrage très nourri et documenté sur la mythologie gréco-romaine regroupée en grands cycles.
Si les mythes ont été traités dans de multiples ouvrages, Ariane Eissen, maître de conférence en littérature comparée à l’université de Poitiers, raconte les histoires telles qu’elles ont été transmises par les textes, puis elle explore la postérité du mythe, les lectures et les interprétations qui ont été faites par différents auteurs jusqu’à l’époque contemporaine.
Cet ouvrage, très agréable à lire, est un manuel qui nous permet de revenir aux sources textuelles et iconographiques. Si les histoires mythologiques sont largement traitées, l’originalité du livre d’Ariane Eissen est de relier les mythes aux textes qui les décrivent en racontant les versions que proposent les différents auteurs. Ce livre est divisé en six chapitres qui regroupent les grands thèmes suivants :
I) Les origines de l’univers : les mythes relatifs aux origines de l’univers avec la naissance des dieux, le règne de Cronos et le siècle d’or puis l’histoire de Prométhée selon Hésiode, Eschyle jusqu’au Prométhée rebelle d’Albert Camus.
II) Héraclès et ses aventures, puis les visages du héros dans la littérature antique, le héros chrétien, libyen puis gaulois. Le héros est glorifié au XIX ème siècle, assimilé au peuple chez Victor Hugo, héros détective chez Agatha Christie. Est évoquée ensuite la postérité d’Amphitryon, mari trompé et père d’Hercule puis d’Alceste que le héros sauve des enfers, ce qui séduit Euripide jusqu’à Marguerite Yourcenar.
III) Les Argonautes et la quête de la toison d’or, du sens de l’expédition et de la quête, de l’importance du mythe de Médée la magicienne, personnage cornélien qui a inspiré un grand nombre d’œuvres musicales mais aussi Orphée, chantre aux pouvoirs magiques invité à l’expédition pour ses connaissances de l’univers, lié à la naissance des premiers opéras.
IV) Le cycle des légendes thébaines centré sur les origines de Thèbes, la vie d’Œdipe suivie de ses multiples réemplois chez les anciens et les modernes. Le psychanalyste, l’historien et l’anthropologue apportent leur regard particulier sur le mythe.
V) Le cycle de la guerre de Troie, des origines à la prise de la cité. Cette guerre a généré bien des récits, du Moyen-Age à Giraudoux. S’y rattache le mythe d’Iphigénie, fille sacrifiée d’Agamemnon avec les variantes d’Euripide, la version de Racine ou celle de Goethe. Hélène, la plus belle des mortelles évoquée chez Homère, devient objet de culte dans les rites initiatiques de Sparte. Une Hélène vieillie est décrite par Ovide puis ses amours avec Pâris constitue un modèle dans la littérature courtoise médiévale. Plus tard, Hélène est tantôt objet de scandale, tantôt un être fascinant au-delà du bien et du mal.
VI) Après la guerre de Troie la victoire des Grecs est amoindrie par les difficultés des guerriers à retourner chez eux. Ménélas reste bloqué en Égypte, Agamemnon est assassiné par sa famille et Ulysse met dix ans à regagner son île d’Ithaque. Ce dernier est évoqué chez les chrétiens, les philosophes mais aussi en littérature pour ses voyages. Ariane Eissen relie la fin de Troie avec la légende des Atrides, les descendants de Tantale que sont Agamemnon, Oreste, Électre et Iphigénie. Racontée par Sophocle et Euripide, cette famille intéresse la psychanalyse. Elle sera mise en scène par Sartre dans les mouchesou dans l’Électre de Giraudoux. Le mythe d’Énée est présenté dans ses différentes versions. Les artistes sélectionnent souvent des passages surtout l’épisode carthaginois de l’amour de Didon pour Énée. La postérité de la jeune reine est d’ailleurs exceptionnelle, 80 œuvres dramatiques ou lyriques entre 1510 et 1912. Racine montre une parenté entre Didon et Bérénice. L’amour de Didon rappelle celui de Phèdre puisqu’il pousse à la mort.Cet ouvrage se termine par des généalogies bien utiles, une chronologie des auteurs anciens cités, une abondante bibliographie et des index des personnages mythologiques et des auteurs.Le lecteur est d’emblée frappé par l’abondance et la variété de la documentation ici rassemblée, quitte à s’y perdre un peu quand on n’est pas spécialiste. Mais l’intérêt est de montrer la multiplicité de l’utilisation des mythes selon les époques et selon les auteurs. Ce travail de compilation invite à poursuivre d’autres lectures, à se poser d’autres questions et d’autres réflexions. Il suscite l’imagination et conduit à partir en voyage à travers le temps.