L’histoire des amants de Shamhat se déroule dans la région de Summer au IIIe millénaire avant notre ère. Le puissant Gilgamesh, à la tête de la cité d’Uruk, se sent seul, il doute de lui et de sa splendeur, car il est avant tout perçu comme un tyran, violent voire même cruel, qui n’attache d’importance qu’à sa propre personne. N’est-il pourtant pas un dieu vivant ? Le peuple ne devrait-il pas le voir uniquement comme tel ?
Gilgamesh peut compter sur le soutien de son fidèle intendant et scribe Ebih-Il qui n’hésite pas à lui donner de bons conseils pour passer à la postérité. Pourtant, Ebih-Il, personnage intelligent et perspicace, doute de la divinité de son souverain. S’il reste à ses côtés, c’est pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille restée à Ugarit. Toutefois il ne se plaint pas de sa situation, car à Uruk il a la charge d’organiser les banquets de Gilgamesh, de veiller aux bons plaisirs du souverain et de rédiger sa légende. Il a l’oreille du roi et s’autorise à lui raconter ce que l’on pense de lui dans la région.
La solitude de Gilgamesh est en partie comblée par la présence de la belle Shamhat, favorite du roi qui sait le séduire par ses mots et ses atours. Elle a toute la confiance du souverain qui lui demande de capturer un majestueux léopard blanc aperçu sur les abords du mont Zagros. C’est au cours de ce périple qu’elle fait la rencontre d’Endiku, un personnage étrange qui vit dans la nature. Elle décide alors de le ramener à la cour de Gilgamesh en le faisant passer pour le léopard blanc, espérant que ce nouvel amant sera capable de débarrasser le monde de Gilgamesh. C’est sans compter sur la grande amitié qui va naître entre Gilgamesh et Endiku, les deux amants de Shamhat.

Les amants de Shamhat, la véritable histoire de Gilgamesh est la dernière bande dessinée de Charles Berberian. Co-édité par les éditions Futuropolis et les éditions du Louvre en juin 2021, l’album est le vingtième titre de la collection Futuropolis-Éditions du Louvre qui fête également ses quinze ans d’existence. Pour ce volume, Charles Berbérian, notamment connu pour son travail réalisé avec son complice Philippe Dupuy, a décidé de prendre comme point de départ la petite statuette mésopotamienne d’Ebih-Il exposée au Louvre. Il décide de l’associer à l’épopée de Gilgamesh, roi héroïque de la Mésopotamie antique, s’appropriant ainsi la légende de Shamhat. Ebih-Il devient ainsi le narrateur de cette histoire, comme s’il avait été l’auteur de la tablette relatant l’épopée de Gilgamesh.
Le style de Charles Berberian est reconnaissable dans les traits du dessin. Toutefois, les lignes se rapprochent également de celles que l’on peut admirer sur les différents objets archéologiques utilisés pour composer le récit. On reconnaît parfaitement la statue d’Ebih-Il dans le personnage de l’intendant. Quant à Gilgamesh, il a le même tête que les androcéphales ailés, gardiens de la porte d’Ishtar. Le dessin convoque ainsi les codes artistiques des œuvres mésopotamiennes. Les traits sont également empreints de légèreté donnant à l’histoire grâce au traitement de la couleur essentiellement à l’aquarelle, une impression de songe.
Au final, Les amants de Shamhat est un belle découverte avec une légende remaniée de Gilgamesh. Pour approfondir le sujet, un dossier documentaire apporte des précisions sur les personnages de l’histoire et sur la légende du roi héroïque, mais aussi sur les différentes rencontres entre l’histoire mésopotamienne et l’auteur Charles Berberian, lui-même né à Badgad. Cette bande dessinée est toutefois réservée à un lectorat adulte en raison de différentes scènes érotiques qui présentent l’intimité de la belle Shamhat avec ses deux amants, Gilgamesh et Endiku.