Un travail d’équipe
Ce livre est un travail d’équipe qui doit beaucoup au GRENE, le Groupe de Recherche En Neurosciences Educatives. Cette dimension collective est soulignée par le professeur Francis Eustache dans son introduction. L’originalité de ce groupe est de mêler chercheurs et acteurs de terrain avec un défi, la coécriture. Cet ouvrage cherche à répondre à un vide car, comme l’évoque Pascale Toscani, « les neurosciences de l’éducation n’existent pas en tant que discipline académique ». En même temps, elle met tout de suite en garde contre les solutions faciles qui feraient croire que l’on pourrait assimiler les apports des neurosciences en quelques heures.
Huit thèmes et un cahier d’exercices
Il s’agit donc d’un ouvrage de vulgarisation scientifique organisé en huit thématiques. Celles-ci sont autant de points de réflexion pour les pratiques des enseignants au quotidien. Il y a une volonté de faire comprendre les grands principes appuyés d’exemples et d’un peu de sciences quand c’est nécessaire. Quelques pastilles sont disséminées au fur et à mesure des chapitres pour rappeler quelques faits essentiels à retenir. Une bibliographie classée par thèmes abordés permet d’aller plus loin. L’objectif pédagogique fait d’ailleurs que le livre est prolongé par un cahier d’exercices pour l’élève dont voici la table des matières.
La plasticité cérébrale et l’intelligence
« Notre cerveau peut se modifier de façon continuelle et approfondie ». Cette idée essentielle remet en cause des visions parfois très ancrées comme le fait qu’à partir de 20 ans, ce ne serait plus qu’un long chemin de dégénérescence des neurones. Or, ce n’est pas le cas. Parmi les aspects essentiels à retenir aussi, l’élagage, c’est-à-dire qu’on renforce les capacités dont on a besoin selon notre environnement au détriment d’autres. L’ouvrage n’est jamais scientiste et consacre quelques passages à l’influence du contexte social ou familial. Ce premier chapitre invite également à tenir compte des rythmes biologiques naturels, à se méfier de toute mesure de l’intelligence et de la considérer, à l’instar d’Howard Gardner, comme un phénomène aux multiples déclinaisons. Le chapitre se conclut par une mise en garde contre les neuromythes du genre « tout est joué avant 6 ans ».
Le cerveau et les apprentissages
Dans ce chapitre, les auteurs rappellent d’abord quelques éléments scientifiques sur le fonctionnement du cerveau, mais rien d’insurmontable. Vous pourrez faire le point sur les neurones, axones ou dendrites. Vous apprendrez peut-être que si notre cerveau représente 2 % du poids de notre corps, il consomme 20 % de l’énergie totale de l’organisme. Ces passages scientifiques servent à faire comprendre « qu’apprendre, c’est traiter de l’information » grâce au système nerveux.
Vers une pédagogie de l’attention
Cette partie précise d’abord les trois formes d’attention dont chacun est doté et décline quelques pistes concrètes pour la classe. Les auteurs pointent les limites attentionnelles en rappelant par exemple l’expérience de Chabris et Simmons autrement baptisée expérience du « gorille invisible ». Il faut aussi tenir compte du fait que, malgré une activité parfois frénétique, nous ne sommes pas multitâches. Il est fondamental d’en tenir compte quand on fait classe. Les auteurs proposent un très utile tableau sur les « instructions qui favorisent l’attention ». Ils plaident aussi pour que ces informations soient communiqués aux élèves, par exemple durant les heures d’accompagnement personnalisé.
La mémoire, les mémoires et l’apprentissage
Ce chapitre permet de distinguer les cinq grands systèmes de mémoire en insistant aussi sur le rôle et les limites de la mémoire de travail. Le chapitre aborde en quelques lignes très claires ces cinq formes de la mémoire. L’encodage, la consolidation et le rappel sont également trois aspects essentiels dont il faut tenir compte. Au niveau de la réactivation, il faut laisser du temps aux élèves au début, pendant, ou à la fin des cours en présence du professeur.
Biorythmes, sommeil et apprentissages
Ces trois chapitres traitent d’aspects tout aussi essentiels et renvoient notamment à des exercices proposés dans le cahier d’activités. Les auteurs insistent bien sûr sur le rôle nécessaire du sommeil alors que de nombreuses études récentes montrent que ce temps diminue et est parfois de plus en plus interrompu par les nouvelles technologies.
Ils évoquent également les « conditions de synchronisation des rythmes » en détaillant ce qui se passe selon les moments de la journée. Rappelons que deux moments sont particulièrement favorables aux apprentissages : le milieu de matinée et le tout début de soirée. En revanche, le début d’après-midi est très peu favorable aux apprentissages.
N’oublions pas les émotions !
Ce dernier chapitre montre bien la qualité de l’ouvrage qui ne se résume pas à une approche scientiste mais aborde aussi la question des émotions. Il faut les étudier et les considérer en lien avec les apprentissages. On ne peut plus faire comme si elles n’existaient pas. Le chapitre propose plusieurs témoignages d’enseignants qui, tous à leur façon, soulignent l’importance des émotions dans le processus d’apprentissage. C’est une autre façon de souligner, par exemple, l’importance d’un climat de confiance dans la classe et entre l’enseignant et les élèves.
En 160 pages, cet ouvrage réussit donc un tour de force : il délivre ce qu’il faut de science pour comprendre quels peuvent être les apports des neurosciences. Ensuite, il ne cède jamais à une approche scientiste et unique de l’apprentissage. Enfin, sans tomber dans le livre de recettes, il propose des pistes de réflexion pour l’enseignant. Il est indéniable que les neurosciences ne sont sans doute pas encore assez enseignées et qu’elles devraient faire partie de la formation des professeurs. S’il est un domaine qui concerne les enseignants, quelle que soit la matière enseignée, c’est bien de savoir comment fonctionne l’apprentissage qu’ils demandent à leurs élèves. Une lecture indispensable et à prolonger.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes