Le centre d’analyse stratégique publie des rapports diligentés par le gouvernement. En 2009, Chantal Jouanno, secrétaire d’état chargé de l’écologie et Dominique Bussereau, secrétaire d’état chargé des transports mandatent, suite au Grenelle de l’environnement, le centre d’analyse stratégique afin de fournir « des recommandations de politiques publiques, nationales et territoriales, destinées à accompagner, voire de favoriser, l’émergence de nouvelles mobilités au service du développement durable. » C’est ce rapport qui est publié ici. Celui-ci s’est vu assigné, dans la lettre de saisine, des objectifs ambitieux puisqu’il devait repérer les « évolutions possibles et souhaitables » d’une mobilité durable qui doit, notamment, prendre la forme d’ « un renouveau de l’utilisation de la voiture ». Le ton de l’avant-propos, rédigé par Vincent Chriqui (directeur général du centre d’analyse stratégique) va d’ailleurs dans ce sens. Il annonce ainsi « […] symbole de liberté et de réussite sociale, l’automobile semble, en quelques années, avoir déserté l’imaginaire des jeunes générations, au point que sa possession ne constitue plus une priorité ». La rapide consultation d’élèves appartenant à un lycée d’une petite ville de province, dans laquelle j’officie, remet passablement en cause ce constat optimiste ! Les 4/5 des élèves interrogés (trois classes : seconde, première et terminale) envisagent de passer le permis dès qu’ils en auront l’âge et escomptent disposer d’une voiture suite à l’achat d’un véhicule personnel par eux-mêmes ou par leurs parents. L’automobile reste le symbole à part entière de l’autonomie quand on habite dans une petite ville ou dans son périurbain, même si celui-ci se situe dans la dernière couronne de l’agglomération parisienne ! L’auteur de cet avant-propos modère toutefois son optimisme à la fin de son texte : « Ce rapport n’est qu’une étape et certaines questions méritent d’être approfondies, par exemple celle des territoires ruraux et périurbains. Leur étendue géographique et le manque de rentabilité des transports collectifs qui en résulte conduisent à privilégier de manière quasi exclusive le mode automobile ».

Car, c’est bien tout le paradoxe de la question soulevée par ce rapport. Comment concilier étalement urbain lié à un « désir de vert » et un usage durable de l’automobile ? Force est de constater que l’usage de l’automobile est incompatible avec les exigences énergétiques et environnementales. La mise en place d’un cadre législatif contraignant doit anticiper les risques d’exclusion sociale et territoriale. Il ne suffit pas de montrer du doigt les vilains pollueurs que sont les périurbains et de les pénaliser, par le biais, du porte monnaie. Habiter en périurbain est souvent plus un choix par défaut (celui de pouvoir accéder à un logement dans l’espace périurbain) qu’une volonté affichée. Taxer les mobilités générées par ces localisations périphériques ne règlera en rien les problèmes et sera générateur d’exclusion pour les ménages les plus précaires.

L’étude menée par la mission dirigée par Olivier Paul-Dubois-Taine aboutit à l’énonciation de 19 recommandations applicables à l’échéance 2030. Ces recommandations sont formulées selon 5 axes : accompagner le développement de véhicules propres et économes adaptés aux territoires ; élargir les compétences des autorités organisatrices de transport afin de favoriser le développement de nouvelles mobilités ; repenser la hiérarchie de l’espace public et le partage de la voirie ; faciliter l’arrivée de nouveaux services et opérateurs de mobilité et enfin, développer des services d’information adaptés aux nouvelles mobilités et à la société numérique. Ces recommandations sont relativement consensuelles et ce qui manque à la lecture de ce rapport, c’est véritablement la mise en place d’éléments concrets opérationnels. L’étude menée est basée sur l’enquête transports de 1994 et non avec les chiffres de celle engagée en 2007 car les analyses n’étaient pas disponibles. Les développements sur les pays émergents trouvent assez mal leur place dans l’ensemble, même s’ils ont tendance à minorer l’impact des mobilités françaises. Après avoir beaucoup cru, entre 1970 et 2000, les mobilités des voyageurs se sont ralenties sous l’effet du vieillissement de la population et d’une saturation du marché automobile. Malgré tout, les auteurs reconnaissent que, malgré les efforts faits dans l’amélioration des transports collectifs, l’usage de l’automobile demeure très installé et que modifier sa part ne sera pas chose facile. Le fait que les auteurs aient découplé les problématiques des mobilités à celle de l’organisation urbaine limite l’intérêt de l’étude menée ici. Ils reconnaissent toutefois que leur démarche n’a de sens que dans le cadre de politiques d’aménagement et de déplacements à l’échelle de l’organisation de la ville et de ses périphéries.

A l’issue de la lecture de ce rapport, des réponses opérationnelles sont peu présentes. Et des auteurs de reconnaître : « A l’horizon de vingt ans, il ne faut attendre d’évolution rapide des mobilités : ni dans les reports du trafic automobile vers les modes de transport collectif […] ni dans les technologies nouvelles de motorisation et d’énergie […] ni par la concentration de l’habitation dans des zones à forte densité. ».

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes