Michel Offerlé est professeur de science politique à l’université de paris I Panthéon-Sorbonne (CRPS et CMH-ETT à l’Ecole normale supérieure)

Recueil de textes d’origines très diverses et de qualité aussi diverses certains difficiles et destinés à un public érudit et maîtrisant le vocabulaire des sociologues d’autres plus simplement écrit par des journalistes ou extraits de publication d’organisations patronales. Les uns très riches, d’autres moins.
Ceci dit, dans ce qui peut sembler un peu décousu et inégal, on apprend beaucoup de choses sur la diversité des organisations patronales, leurs contradictions et leurs difficultés de fonctionnement car s’ils ont bien des intérêts communs face à leurs salariés ils sont aussi concurrents et rivaux entre eux.

Vous avez peut-être intérêt à jeter un coup d’œil à ce court ouvrage si vous hésitez avant de répondre aux questions suivantes :
– Quelle est l’organisation patronale qui veut agir ‘pour l’affaiblissement du très libéral MEDEF’
– Quelle est celle qui a à sa tête un comité exécutif qui prend toutes les décisions mais qui ne figure pas dans les statuts ?
– Quelle est celle – la même et non des moindres -où les cotisations sont gratuites ?
– Combien environ y a-t-il d’organisations patronales à côté du MEDEF et souvent en rivalité avec lui ? 5 ? 10 ? 100 ? 500 ? Plus ?

Bref, des informations un peu disparates mais en nombre suffisant pour justifier les moins de 10 € investis dans l’achat d’autant que la lecture peut se faire entre deux cours, dans n’importe quel ordre. Le plan de l’ouvrage n’est là que pour aider à retrouver les documents, mais nombre d’entre eux pourraient figurer dans un autre chapitre.

Les textes cités sont clairement référencés et une bibliographie complète l’ouvrage on y trouvera une liste de sites internet et des indications pour aller plus loin. Mais l’abus des coupures est irritant surtout quand on lit un extrait d’article qui lui-même tronque ses citations. C’est le prix à payer pour avoir un ouvrage léger, mais on peut juger que c’est parfois un peu trop.

Deux grandes parties:
– « Une organisation patronale pourquoi faire ? » 30 documents, 70 pages
– « Agir collectivement » 24 documents, 47 pages

Dans la première partie, les deux premiers chapitres :

– « Pourquoi s’organiser »
– « Le CNPF, le MEDEF et les autres » apportent de nombreuses informations sur la diversité des organisations patronales et leurs contradictions. Ils permettent de nuancer une vision souvent réduites au seul MEDEF. Ce sont eux qui répondent le mieux au titre et on peut regretter qu’ils ne soit pas plus étoffés même si cela correspond à peu près à la moitié de l’ouvrage.

Dans le troisième : ‘figures de chefs d’entreprises » on trouvera de très courts portraits de dirigeants d’organisations patronales et deux témoignages qui peuvent éclairer sur les motivations de ceux qui s’engagent dans le militantisme syndical ce qui est bien peu pour un monde aussi complexe et aussi vaste, Il y a loin entre un Francis Mer ou une Laurence Parisot et le petit entrepreneur patron d’une PME de quinze salariés.

Dans le quatrième et dernier : « Images du patronat »; on trouvera des points de vue « de l’extérieur » : extraits d’un discours de Jaurès de 1890 qui rappelle cette diversité du monde patronal et qui est une très vivante description de la notion de « lutte des classes » rappelant qu’il ne s’agit nullement d’une opposition entre « méchants » (patrons) et « bons » (salariés) comme feignent parfois de le croire ceux qui critiquent cette notion, mais de la place de chacun dans le « processus de production » comme disait K. Marx. Comme ce texte a souvent été cité lors la dernière campagne électorale et ailleurs, on pourra sourire du contresens de certains. Les autres textes donnent d’autres points de vue (dirigeants syndicaux, « monde diplomatique », sondage SOFRES. Mais il y a tant de manières de critiquer le patronat !

Dans la deuxième partie, le premier chapitre : « La vision patronale de la société » peut sembler n’avoir aucun intérêt tant les phrases citées ici sont répétées quasi quotidiennement à travers les principaux médias, Relire ces discours ressassés et quelque peu sommaires peut agacer. Mais il n’est pas inintéressant de constater à quel point nombre des phrases de ministres actuels ou d’un président « de rupture » sont des citations, parfois mot pour mot de textes patronaux parfois relativement anciens.

Les chapitres suivants :
– « Répertoires de l’action collective patronale »
– « Négocier et gérer »
– « L’influence »

éclairent quelques uns des moyens d’action et d’influence utilisés par les dirigeants d’entreprises, mais aussi sur les limites et les différences, parfois les oppositions entre les buts et les moyens des uns et des autres. Là aussi, même si on trouve beaucoup d’éléments de réflexion dans ces textes, on ne peut que regretter la brièveté du propos et bien des lacunes : les liens familiaux, les alliances matrimoniales entre monde politique et monde patronal ou d’autres comme le « pantouflage » à la française, les grandes écoles ou les universités « du lierre » comme on dit outre-atlantique etc. Cette brièveté est aussi la conséquence d’un choix éditorial de la documentation française qui a aussi des avantages ne serait-ce qu’une grande accessibilité à ces documents. Par ailleurs, comme le dit en introduction Michel Offerlé « le patronat (est) une terre de recherche en friche ». On ne peut que souhaiter que d’autres puissent aller plus loin, même si la même introduction souligne les difficultés d’une telle entreprise.

Christian Prior