Peut-être pas encore disponible dans les kiosques ou dans les bacs des libraires, au moment où nous écrivons ces lignes, mais déjà parvenu aux fins de recension dans le service de presse des Clionautes, ce dernier numéro de la doc photo, répondra à deux besoins spécifiques. Le professeur de lycée qui s’intéresse, au-delà de ce que l’on peut trouver dans les manuels, au traitement de l’empire ottoman en classe de seconde, et le candidat à l’agrégation interne. La question au programme commençant en 1839.

Olivier Bouquet est professeur d’histoire moderne et contemporaine à l’université Paris Diderot, et en moins de 20 pages, il propose un point sur les six siècles d’histoire de cette principauté devenue empire. Fondé en 1299, dissous en 1922, cet empire ottoman est une des plus vastes constructions politiques de l’époque moderne et contemporaine.  Son histoire est aujourd’hui très largement instrumentalisée, mise en avant, et même fondatrice d’un roman impérial, par l’actuel président de la république de Turquie. La politique étrangère qui est aujourd’hui inspirée par Reycip Erdogan ne porte-t-elle pas le nom d’ottomanisme ?

Cet empire ottoman a pu représenter pendant un temps l’universalité du monde islamique, même si l’Iran chiite et les territoires où les disciples de Ali et de son fils Hussein au pu représentait une alternative. La particularité de cet empire qui a été dirigé par 35 souverains en ligne patrilinéaire directe et la variété de sa population, avec une multiplicité d’ethnies plus ou moins soumises à l’autorité de la sublime porte.

L’empire s’est imposé sur les terres ou les deux autres religions monothéistes, le judaïsme et le christianisme se sont développées. Pendant un temps, finalement très long, l’empire ottoman a été le gardien des trois lieux saints, il faudra et toutefois noter que dans la première moitié du XIXe siècle son autorité sur la Mecque et Médine seront contestés par les wahhabites qui finissent au début du XXe siècle par s’imposer sur la péninsule arabique. L’empire ottoman n’est pas resté figé dans la tradition, puisque pendant un temps il a été en mesure de se renouveler, de poser des limites à l’autorité du sultan, et même de sécularisé les institutions, à partir des Tanzimat. Cet empire a très largement été contesté, notamment par Ibrahim pacha qui en 1833, en révolte contre le sultan parvient à quelques journées de cheval Istanbul. L’empire ottoman, pour reprendre la formule du tsar Nicolas Ier à la veille de la guerre de Crimée, entre 1853 et 1856, devient l’homme malade de l’Europe. Pourtant, cet empire ottoman a été en mesure de menacer Vienne en 1683, et malgré les revers qui commencent, avec son recul de 1699, inspirait une certaine frayeur aux impériaux. On parle évidemment de la maison des Habsbourg. De la création de l’État médiéval du premier sultan Osman à la république de Kemal Atatürk, les transformations étaient multiples. Un clan pastoral transhumant, repoussé par l’expansion mongole exerce sa pression sur les frontières de l’empire byzantin. Les différents chefs de guerre infligent défaite sur défaite aux différentes principautés balkaniques, et mène une guerre de positions contre les byzantins. Le royaume de Serbie est alors défait lors de la bataille de Kosovo en 1389. Simultanément, les ottomans avancent dans les Balkans, et dans le même temps se dirigent vers les terres du Levant, avant de s’imposer par la prise de Constantinople en 1453.

Cela n’a pas été chose facile, puisqu’en 1402 le turco mongol Tamerlan anéantit les armées du sultan Bayezid 1er, ce qui accorde une forme de répit de quelques décennies à l’empire byzantin.

Les grands sultans conquérants   parviennent à conquérir la Syrie, la Palestine, l’Égypte, les villes saintes de la Mecque et de Médine, Sélin Ier et Soliman le magnifique son fils arrive simultanément jusqu’à Alger avec le concours de Barberousse, s’impose en Tunisie, contre les Espagnols, et en même temps parvient jusqu’aux limites de l’Iran chiite, après avoir annexé le Kurdistan et l’Arménie orientale.

Soliman s’impose également autour de la mer Noire, sur les plaines du Danube, en s’emparant de Belgrade et de Buda en 1526, en occupant une partie de leur Hongrie en 1541, et en arrivant devant les portes de Vienne en 1529. L’instrument de la conquête est cette armée de près de 100 000 hommes, composée de janissaires, des troupes d’élites. Les conquérants ottomans ont pu enrôler un nombre croissant de recrues au sein de régiments légers et d’esclaves placés au service de la sublime porte. Il apparaît comme celui qui a réunifié la communauté musulmane et la titulature de Soliman le présente comme « sultan des sultans du monde », « sultan de l’Est et de l’Ouest », « ombre de Dieu sur les terres », « dispensateur de couronnes au monarque de la terre de l’époque ».

Le sultan est un législateur qui doit préserver la loi religieuse, mais il dispose tout de même d’un droit d’initiative qui lui permet de promulguer une législation fondée sur la nécessité et la raison. Si la charia reste le socle du droit, il n’en demeure pas moins que l’intervention du sultan comme arbitre introduit une forme de sécularisation.

Dans ses relations avec ses voisins l’environnement ne se considère plus comme à égalité avec le souverain chrétien. Il existe sans doute une diplomatie bilatérale avec les voisins directs, comme les autrichiens, les hongrois, la Pologne ou la Russie, mais il n’attend qu’une ratification des traités signés avec les occidentaux. L’armée ottomane est l’instrument privilégié de la conquête même si la diplomatie peut se révéler pragmatique. Il arrive tout de même que sur des territoires comme le Yémen, le recul soit nécessaire comment 1636.

En 1683, l’échec devant Vienne marque le début d’un recul, et les puissances européennes finissent par lui imposer un cadre diplomatique. La pression russe devient de plus en plus importante, et le khanat de Crimée, dont pouvaient rêver Ivan le terrible et Pierre Le Grand finit par tomber en 1783. On comprend évidemment l’importance de cette annexion de 2014, réalisée par Vladimir Poutine. Il s’inscrit lui aussi dans cette histoire plusieurs fois séculaires.

L’empire ottoman doit s’adapter à ces difficultés, d’autant que les caisses de l’État se vident en même temps que les territoires assujettis aux tribus diminuent. Les expédients sont classiques comme la hausse des impôts, les confiscations des biens et des fortunes, les dévaluations. Des révoltes dans les provinces sont difficilement étouffées tandis qu’une succession de sultans incapables comme Mehmet IV, le chasseur, Sélim II, l’ivrogne, Mustapha premier, le fou, connaissent bien des difficultés qui les conduisent à être déposées. Sur 21 sultans ayant régné entre 1618 1909 six sont déposés, et cinq sont en plus mise à mort. Le népotisme et la corruption sont un véritable fléau. Peu à peu l’affaiblissement, le rétrécissement, avec la perte d’Alger, l’autonomie de l’Égypte, la perte d’Aden, l’indépendance de la Grèce, la menace de l’Égypte de Muhammad Ali, conduisant un véritable affaiblissement de l’empire qui subit en 1878 le traité de Berlin. À la veille de la première guerre mondiale, la faveur des guerres balkaniques, il ne reste pratiquement plus rien de l’influence ottomane sur les Balkans. Entre 1911 et 1913 l’empire perd le quart de sa population est le 10e de son territoire.

La suite de cette recension qui correspond en partie à la question du programme de l’agrégation interne est présentée en accès réservé sur Clio-prépas

Le Proche et le Moyen-Orient de 1839 à 1991

Par « Proche et Moyen-Orient », le jury considère que cet espace correspond aux États actuels suivants : Afghanistan, Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Palestine, Qatar, Syrie, Sultanat d’Oman, Turquie, Yémen. La question n’inclut donc pas l’Asie centrale, les Balkans, le Caucase et le Maghreb, sauf s’il s’agit d’éléments de contexte par rapport aux problématiques de celle-ci.

Au début de la période, l’espace du Proche et du Moyen Orient est structuré par deux Empires : l’Iran (appelé Perse jusqu’en 1935 dans les relations internationales) et l’Empire ottoman. La défaite et la disparition de ce dernier après la Première Guerre mondiale entraînent la naissance de la République turque (1923), ainsi que la création ou l’indépendance d’États arabes, constitués pour partie sous l’égide des puissances mandataires de la Société des Nations. En 1948, le mandat britannique en Palestine prend fin : l’État d’Israël est créé ; l’État arabe palestinien ne voit pas le jour. La naissance ou la renaissance des Etats, l’affirmation d’un nationalisme arabe, le jeu des puissances durant la Guerre froide contribuent à structurer les politiques nationales et les relations diplomatiques et militaires dans la région.

La question mise au programme s’étend de l’année 1839 (qui marque à la fois le début de la question d’Orient et des Tanzimat, ces réformes politico-administratives et socio-économiques par lesquelles l’Empire ottoman se modernise) à l’année 1991 (qui correspond à la fin de la première Guerre du Golfe).

ÉDITORIAL

LE POINT SUR

L’empire ottoman : six siècles d’histoire

Une principauté devenue empire

L’empire dans sa grandeur

L’empreinte ottomane

L’État ottoman et ses voisins

La défense des domaines

Crises et adaptations

Les puissances et les provinces

La peau de chagrin territoriale

Ouvertures et fragilisations

 

Centralisation et ottomanisation

Les Tanzimat

L’autocratie tempérée

La révolution jeune-turque

L’état d’un pays

L’Empire dans la guerre mondiale

De l’Empire à la République

THEMES ET DOCUMENTS

Les temps

1453 : la conquête de Constantinople

1536-1569-1673 : les capitulations franco-ottomanes

1728 : la première imprimerie en turc ottoman

1839-1876 : sécularisation et modernisation

1915 : le génocide arménien

Les lieux

Les milieux : espaces, routes et transports

Les trois capitales

Les villes : structures et dynamiques

Les savoirs et leur diffusion

Univers de vie et sociabilité

L’Empire

Limites et frontières

Gouvernement impérial et administration

L’impôt

Peuples et langues

Musulmans, juifs et chrétiens

Les figures

Le sultan

Oulémas, soufis et autres hommes de Dieu

Les janissaires

Les femmes

Les esclaves

Les héritages

Le patrimoine architectural et artistique

Mustafa Kemal Atatürk : de l’Empire à la République

La néo-ottomanisation de la Turquie

La Turquie aujourd’hui : entre islam et Europe ?