Avec Les Papillons ne meurent pas de vieillesse, Matz et Frédéric Bézian livrent une œuvre singulière, puissante et profondément actuelle, où l’aventure scientifique se double d’une réflexion acérée sur l’écologie, les ravages du capitalisme, et la beauté menacée du vivant. Ce roman graphique se lit autant comme un thriller d’expédition que comme un cri d’alerte poétique.

L’intrigue s’ouvre sur une découverte aussi improbable que bouleversante : Camille Simon, entomologiste de renommée internationale, reçoit d’un chasseur amazonien un spécimen de papillon réputé éteint, le Parides. Troublé, intrigué, il publie un article scientifique et s’envole pour l’Amazonie avec sa collaboratrice Géraldine, bien décidé à vérifier la véracité de cette résurgence. Mais cette découverte, loin d’émouvoir tout le monde, ébranle surtout les intérêts des multinationales qui exploitent la région. Si le papillon existe, toute la zone deviendrait protégée, mettant en péril des opérations lucratives fondées sur la corruption, la déforestation et l’expropriation des populations locales. S’ensuit une course haletante, entre jungle étouffante, silences mortels, et menaces humaines.

La grande force du récit tient à son équilibre subtil entre tension narrative et profondeur thématique. Matz, fidèle à sa réputation, signe ici un scénario d’une efficacité redoutable, où chaque dialogue, chaque rebondissement sert autant l’intrigue que la portée écologique du propos. On sent la passion sincère pour les papillons, mais aussi une volonté plus large de questionner notre rapport à la nature, souvent perçue comme un obstacle au progrès économique, plutôt que comme un patrimoine commun.

Le travail de Frédéric Bézian est impressionnant. En noir et blanc, avec un trait net, il crée une jungle dense, sombre et mystérieuse, où les ombres semblent prêtes à avaler les personnages. Son dessin est fluide et élégant, donnant vie aux visages et aux paysages avec une grande force. Les seules touches de couleur viennent des papillons eux-mêmes. Ils apparaissent comme de fragiles éclats de beauté dans un monde en danger. Ils rappellent ce qui est en jeu : une biodiversité précieuse, menacée, unique. Des planches encyclopédiques illustrant des papillons offrent aux lecteurs un aperçu enrichi de la passion de l’auteur pour ces insectes si précieux.

L’ensemble compose un récit fort, engagé, où l’on ressent la colère froide contre ceux qui sacrifient l’intérêt général pour des profits à court terme. Mais aussi l’émerveillement devant ce que la nature, dans ses profondeurs les plus secrètes, a encore à offrir. Les Papillons ne meurent pas de vieillesse est une œuvre puissante, où la forme épouse magnifiquement le fond, où la beauté graphique soutient la densité du message.

Une bande dessinée indispensable pour les amoureux de la nature, les amateurs de récits d’aventure, et tous ceux qui refusent de voir disparaître la poésie du monde au nom de la rentabilité !