Un ton très personnel
Le livre est organisé en quatre parties en partant des « vertus passant pour des péchés » pour aller jusqu’aux deux « véritables péchés propres à la science économique ». L’auteure entend montrer quelles sont les vraies dérives et, si elle se livre à cet implacable examen de conscience, c’est dans l’espoir « que sa chère science gagne en maturité et se consacre enfin à des recherches sérieuses ». Elle déroule son propos en utilisant des exemples concrets. Comme il s’agit d’un essai, le ton, notamment dans le dernier chapitre, est très personnel, procédant parfois par interpellations comme ici : « Deirdre, plus indignée encore : Foutaises ». L’ouvrage fournit quelques notes complémentaires pour aller plus loin.
Des vertus passant pour des péchés
L’auteure entend d’abord préciser qu’il n’est pas efficace de reprocher certains points à la science économique et parmi eux la quantification. Elle admet que si celle-ci est parfois mal employée, elle n’en est pas moins un outil indispensable. De la même façon, les « mathématiques ne sont pas non plus un péché ». Afin de montrer combien ces deux aspects sont essentiels à la science économique, Deirdre McCloskey déroule son propos sous forme de thèse/antithèse. Elle conteste d’abord le bien-fondé de l’idée avant de montrer son utilité réelle. C’est plutôt habile et cela rend la lecture agréable et pas du tout technique, sauf sur de très courts passages. Elle insiste de la même façon sur le libéralisme et ses vertus.
Péchés véniels, aisément pardonnés
Franchissant un cap, Deirdre McCloskey entend ensuite pointer quelques péchés peu graves à son gout. Elle remet d’abord en cause le modèle de l’humain totalement rationnel et prudent utilisé souvent par les économistes. Il est difficile, en effet, de résumer l’homme à une machine à calculer uniquement animée du souci de la prudence, du prix, du profit, de la propriété et du pouvoir. Il y a ici davantage de passages techniques sans que cela encombre la compréhension de l’ensemble.
Quelques graves péchés
Les choses empirent ensuite même si les « graves péchés » à présent pointés ne sont pas l’apanage de la science économique. L’auteure n’hésite pas à confesser qu’elle a d’ailleurs succombé à plusieurs et parfois pendant plusieurs années. Il faut dire qu’elle n’épargne pas la communauté des économistes en soulignant leur peu de curiosité au monde qui les entoure. Elle souligne aussi le peu de connaissances historiques et, si ça ne suffisait pas, la naïveté philosophique de certains de ses confrères.
Les deux véritables péchés
Deirdre McCloskey conclut son ouvrage en disant qu’ « une investigation du réel doit à la fois rechercher et réfléchir. Elle doit observer et théoriser. Formaliser et archiver ». Un des risques majeurs serait d’aboutir à des théorèmes qualitatifs. Elle se méfie des statistiques quand celles-ci donnent des corrélations qui n’en sont pas. « En bref, la signification statistique n’est ni nécessaire ni suffisante pour qu’un résultat soit scientifiquement significatif ». Disant cela, elle entend, en fait, plaider pour la complexité pour aller plus loin Elle résume ainsi sa pensée, précisant son cheval de bataille qui est de lutter contre « la mauvaise science, celle qui utilise des théorêmes qualitatifs sans le mordant du quantitatif, et la signification statistique sans le mordant du quantitatif a fini par chasser la bonne ». Elle dit aussi : « les chiffres représentent des choses, …c’est à nous en dernière analyse, qu’il revient de déterminer s’ils comptent ou non. »
La force de l’ouvrage est donc de ne pas être une charge univoque car l’auteure distingue les « péchés véniels » et les « péchés capitaux ». De même, elle n’hésite pas à prendre pour elle une part des reproches et montre aussi que tous ne sont pas uniquement le fait des économistes.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.