Dans la petite cité de Mugsborough, en ce début de XXe siècle, le chômage et la misère font rage.

La municipalité est gérée par un quarteron d’oligarques cyniques (à une exception près), également principaux propriétaires et employeurs du lieu.

Pour survivre, les plus pauvres n’ont d’autres choix que de travailler pour des salaires indécents et à un rythme effréné. Les « philanthropes aux poches percées » sont de ceux-là. Ouvriers du bâtiment, amoureux du travail bien fait, ils restaurent une maison en craignant sans cesse des mesures vexatoires ou un licenciement pur et simple.

Lors des pauses méridiennes, Owen, peintre de talent, cherche à éveiller la conscience politique de ses compagnons d’infortune en professant un socialisme visant à expliquer les racines de la pauvreté et la possibilité de la mise en place d’un système alternatif.

Mais il s’ensuit le plus souvent soit incrédulité, soit mépris et lassitude face à un discours qui ne prend pas, en dépit d’une situation catastrophique.

Car, dans ce roman graphique, si les ouvriers sont dominés et spoliés, ils sont parfois les propres acteurs de leur exploitation, refusant toute possibilité de changement en votant tories ou libéral, en rejetant les socialistes en délégation dans leur ville et en justifiant même leur pauvreté…

L’ouvrage de Robert Tressell a été publié à titre posthume en 1914. Le livre a une large dimension autobiographique et il sera refusé par de nombreuses maisons d’édition. C’est la fille de Tressell qui parviendra à le faire éditer et Les Philanthropes aux poches percées deviendront, par la suite, « le roman socialiste » par excellence.

Georges Orwell en recommandait la lecture et l’adaptation en bande dessinée par Scarlett et Sophie Rickard est une très belle réussite, tant sur les plans narratif que graphique.

Les deux autrices dans leur postface écrivent qu’ « au cours du siècle dernier, nombres d’acteurs du socialisme ont cité les Philanthropes aux poches percées comme source d’inspiration, pourtant il n’a jamais été autant d’actualité. Plus que toute critique littéraire, c’est cette pertinence inscrite dans la durée qui fournit la preuve la plus convaincante que le désolant message du roman, celui que la classe ouvrière continue d’élire des capitalistes, reste valable aujourd’hui ».

Grégoire Masson