Ce premier volume, d’un dyptique ou d’un triptyque, consacré à la vie d’un des plus grands poètes français nous plonge dans la vie de l’artiste entre ses 3 ans et l’été 1870. Si l’auteur annonce, dès le départ, ne pas vouloir faire une biographie la plus précise chronologiquement et historiquement, voulant laisser place à une interprétation et une fictionnalisation des événements, il faut quand même concéder, dès maintenant que nous avons à faire un travail solide et très richement documenté.
Ce premier volume s’étend de l’enfance à l’adolescence, un passage de vie tellement mouvementée pour une personne normale, mais encore plus quand on est issu d’une famille, quasiment monoparentale, qu’on est un génie reconnu dès son plus jeune âge, que l’on a envie de quitter cette ambiance familiale dominée par une mère tyrannique et oppressante, elle-même en rupture par rapport à ce qu’aurait imposé un modèle traditionnel de famille étant donné son milieu d’origine.
C’est d’ailleurs souvent cette mère qui alterne le rythme de vie du jeune garçon, tout comme le rythme de la BD, entre moments d’escapades, périodes d’absences et de silences pesants. Mais le rythme est aussi dicté par la plongée dans les fulgurances et la profonde intelligence du personnage principal.
C’est dans ce tourment permanent que vit Arthur Rimbaud, tourment renforcé par l’absence de son père et la recherche de figures paternelles, le silence maternel, les conflits avec ses camarades, qui sont à la fois fascinés, aigris et jaloux du caractère et des talents du jeune garçon. Arthur Rimbaud rêve d’ailleurs et ce premier volume esquisse cette volonté de fuite et cette conscience de son propre destin.
Poursuivre cette farandole de sentiments, Damien Cuvillier nous présente des planches d’une beauté infinie, alternant entre les couleurs froides et les couleurs chaudes, apportant de la profondeur humaine et sociale à chacun des personnages, principaux comme secondaires, remplissant les décors de paysages urbains et ruraux, tout en contrastes et en nuances. C’est une magnifique suspension temporelle que nous offre cette lecture.