Docteur en histoire spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale, François de Lannoy revisite dans cet album très illustré le genre typiquement « fana-mili » des historiques d’unités militaires. Les formations ainsi mises en valeur sont les trois régiments de chars appartenant à la célèbre 2e Division Blindée du général Leclerc : le 501e régiment de chars de combat, le 12e régiment de chasseurs d’Afrique et le 12e régiment de cuirassiers. Même si l’exercice est un peu hémiplégique, car il laisse de côté d’autres unités importantes de la 2e DB (tels que les marins tankistes du RBFM), le parti-pris a néanmoins sa cohérence. L’approche du sujet reste traditionnelle, mais agrémentée par une abondante iconographie et des témoignages de vétérans qui confèrent un souffle certain à l’épopée de ces machines de guerre.

La participation de ces régiments blindés à la Deuxième Guerre mondiale est restituée de façon exhaustive. Les grandes étapes de leur création ou de leur reconstitution abordent l’origine et la filiation des unités ainsi que leur équipement matériel, qui passe des reliquats de l’armée de 1940 au matériel US moderne dont les chars Sherman sont la pièce maîtresse. La question délicate du recrutement et des dissensions entre hommes des FFL et militaires provenant de l’Armée d’Afrique, entre lesquels l’amalgame est plus que laborieux, constitue un aspect sensible abordé sans langue de bois. L’organisation sur le modèle américain et la préparation au combat se font en Afrique du Nord, avant le transfert en Angleterre. Puis, d’août 1944 à mai 1945, l’auteur retrace de façon détaillée la succession d’engagements auxquels ont participé les chars de Leclerc : la lutte dans le bocage normand, la Libération de Paris, qui en est l’emblématique image d’Épinal, les opérations en Lorraine, l’audacieuse prise de Strasbourg, la douloureuse réduction de la poche de Colmar, la prise de Royan, et l’arrivée finale à Berchtesgaden. Les succès tactiques (la Lorraine, Strasbourg), les épreuves coûteuses en hommes et en matériel (la Normandie, Colmar), les actions d’affichage d’ordre politico-militaire (Paris, Royan, Berchtesgaden) sont remises en perspective de façon hiérarchisée. Les courts bilans dressés par l’auteur à l’issue de chaque séquence opérationnelle formulent une analyse de leurs résultats qui apporte de la finesse et du recul par rapport au récit événementiel préalable.
La finition matérielle est de qualité, ainsi qu’il est habituel chez cet éditeur. Une excellente cartographie en couleur éclaire chacune des manœuvres décrites. Si la qualité des 300 photos n’est pas toujours optimale, cela s’explique par leur provenance : la plupart des clichés ont été pris par les tankistes eux-mêmes au cours de leurs campagnes, et expriment une vision de l’intérieur qui leur confère une force d’incarnation indéniable. On trouvera en annexe une liste alphabétique des chars mentionnant leur modèle et leur perte éventuelle en opération, ainsi que des précisions d’ordre technique : types et capacités des chars en dotation, systèmes de marquage et de dénomination.
En définitive, les amateurs d’histoire militaire de la Deuxième Guerre mondiale et les passionnés des blindés trouveront dans cette évocation soignée des chars de Leclerc une référence sérieuse qui répondra pleinement à leurs attentes. © Guillaume Lévêque