L’auteur Moïse Tsayem Demaze est géographe à l’université du Maine, chercheur spécialiste de la question de la gestion des forêts tropicales et en particulier sous l’angle géopolitique. Dans cet ouvrage il traite des conventions internationales dans le cadre du protocole de Kyoto : accords sur la réduction des gaz à effet de serre et relations Nord-sud de coopération.

Après un rappel du contexte scientifique de la mise en œuvre de la convention climat le cœur de la recherche porte sur le MDP mécanisme de développement propre et la REED Réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de la déforestation et de la dégradation des forêts qui sont devenus des objets de relation Nord-Sud. L’auteur introduit une réflexion épistémologique de la géopolitique de l’environnement, un rappel de l’évolution de l’école française de géographie qui sera très utile aux étudiants. Il propose une approche multiscalaire des relations Nord-Sud.

Faire un « développement propre » : une nouvelle relation centre périphérie axée sur la délocalisation de la réduction des émissions de gaz à effet de serre

Le Mécanisme de développement propre est issu du protocole de Kyoto, un nouvel outil de coopération Nord-Sud qui permet aux pays pollueurs du Nord de réduire leurs émissions non pas chez eux mais au Sud. Le nombre des contrats s’est multiplié entre 2005 et 2010 en dépit de résultats peu efficaces. L’auteur ne vise pas à une étude des choix techniques, économiques, énergétiques mais décrit et analyse comment ce dispositif s’inscrit dans les rapports Nord-Sud, quels liens sont créés. Son étude porte sur l’année 2011, elle s’attache principalement à quatre pays : Pays-Bas, Royaume-Uni, France et Belgique et tente une cartographie des pays bénéficiaires.
Il faut remarquer la faible place des projets portant sur la protection des forêts ou la reforestation mais aussi la place prépondérante des pays émergents parmi les destinataires (plus de 50% des projets en Chine), a contrario la faible place de l’Afrique. Il y a donc une rupture avec les relations géopolitiques issues des empires coloniaux en lien avec le fort potentiel de « crédit carbone » des pays émergents.

Malgré les effets annoncés on constate un faible transfert de technologie et la faiblesse du caractère « durable » du développement très variable en fonction du secteur économique concerné. L’auteur propose quelques exemples significatifs (p. 103..)
Ce qui domine : l’inégale répartition entre les secteurs, la place réduite des secteurs prometteur (biomasse) et l’inégale répartition géographique. L’auteur souligne l’inefficacité de nombreux projets,les problèmes de gouvernance et des attitudes spéculatives sur les marchés-« carbone ».
Au-delà de la littérature scientifique et des statistiques il s’intéresse à la position des ONG (NOELI et CDM Watch) qui, pointent le caractère fictif de la réduction des émissions de GES gaz à effet de serre et dénoncent la corruption et les violations des Droits de l’Homme. (Honduras, Panama par exemple).

Éviter ou réduire la déforestation pour atténuer le changement climatique : l’internationalisation de la lutte contre la déforestation et le nouveau défi de la coopération Nord-Sud.

Dans cette seconde partie il s’agit d’étudier le mécanisme REED+ qui introduit la question des forêts tropicales dans les négociations de l’après Kyoto. et pose la question de la souveraineté des États: la forêt tropicale bien local ou patrimoine commun de l’humanité?

Depuis 2003 (COP 9 Milan) le principe RED Réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de la déforestation est discuté et amendé; l’auteur montre les différentes étapes des négociations et décrit le principe de fonctionnement : financement, comptabilisation des émissions de GES évitées, coopération Nord-Sud, rôle d’intermédiaire de la Banque mondiale.
Par des statistiques et des cartes on peut observer le déploiement bilatéral et multilatéral de ces accords. L’auteur conclue sur les défis posés :

  • Construire une gouvernance multi-acteurs et multi-sectorielle
  • Sortir des pratiques habituelles et soutenir l’innovation
  • Réduire les défaillances de certains États bénéficiaires.

Le chapitre 5 est consacré au cas brésilien : Comment l’État déploie sur son territoire une politique internationale en construction? Valorisation du potentiel amazonien en danger En 2008 on évalue à 18% la surface de forêt menacée, difficultés d’articulation des actions aux différentes échelles (locale, nationale) et bilan puisque la déforestation demeure la principale source d’émission de GEZ au Brésil (51%).
L’inscription des forêts tropicales dans la réflexion sur le changement climatique a mis en lumière le phénomène et permis au Brésil d’être le premier bénéficiaire des fonds multilatéraux de la REDD+. L’auteur décrit le cadre institutionnel, la contribution financière extérieure mais aussi le rôle de la société civile et de la recherche. Un bilan des projets montre à la fois leur diversité et la variété des acteurs. L’analyse du projet JUMA, au sud de Manaus, permet une interrogation sur la pérennité et l’exemplarité de ce projet pilote.

L’espace malgache est remarquable de biodiversité mais se situe dans l’un des pays les plus pauvres du globe : L’aide du Nord pour protéger cette biodiversité est-elle une opportunité pour le pays? Quelle appropriation par l’État? Quel équilibre entre environnement et développement ? Quel rôle des ONG? C’est autour de ces questions que s’organise le chapitre 6.
Madagascar semble être un terrain d’expérimentation pour une méthode de comptabilité carbone avec l’idée de créer des débouchés économiques pour les populations en périphérie des zones protégées pour éviter la déforestation. L’étude de quelques projets introduit la réflexion sur le rôle des ONG de développement et des ONG de protection de la nature et débouche sur un bilan mitigé. Si les connaissances sur ces milieux ont progressé des critiques peuvent être faites : manque de collaboration, de transparence, d’implication de l’État malgache, localisations peu pertinentes et pas de véritable lutte contre la déforestation.

En conclusion l’auteur revient sur les aspects marchands de la politique carbone et propose une défense de la géographie comme outil d’analyse à l’aide de quelques pistes d’approfondissement scientifique.

En annexe quelques transcriptions des entretiens les plus importants. Un questionnement : « A quoi servent les Conférences et les Meetings des Parties? » apparait très intéressant à la veille de COP21 en décembre à Paris de même que le tableau historique des Conférences depuis la première à Berlin en 1995.