Le XXIème siècle sera-t-il religieux ?
Alors qu’au XXème siècle, en Occident notamment, on observait le recul du religieux parallèlement à la sécularisation des sociétés, la fin de siècle et le début du XXIème, au prisme de conflits nouveaux ou persistants, ont laissé entrevoir un scénario légèrement différent…
L’auteur, David Vauclair, historien contemporanéiste, part du double constat que la religion conserve une certaine vigueur dans nos sociétés occidentales, malgré les pronostics et prédictions pessimistes comme celles d’un Nietzsche par exemple, et que la religion est bien plus que du religieux, c’est de la civilisation. Ainsi, la religion, qu’on le veuille ou non, n’a cessé de façonner notre société et qu’elle constitue donc, dans sa pluralité de formes, un élément incontournable de compréhension de l’histoire de l’humanité.
Observant également que le religieux possède une certaine tendance à se faire instrumentaliser au profit d’intérêts politiques ou économiques et qu’il a modelé des pans entiers de notre société et de notre culture, il est d’un impératif civique, afin de conserver notre discernement critique et notre tolérance envers l’altérité, que de dépoussiérer la culture religieuse des trois religions abrahamiques qui ont le plus façonné « l’Occident ».
Pour répondre à ce besoin civique, l’auteur souhaite exposer un propos scientifique comme il l’affirme, c’est-à-dire fondé sur les sciences de l’homme, l’histoire, la philosophie et la sociologie. Son propos est organisé classiquement : en partant de l’histoire et des origines, il présente chronologiquement les trois monothéismes dans leur composante religieuse puis élargit son propos au domaine civilisationnel autour des thèmes les plus marqués du sceau de l’ignorance et des stéréotypes selon lui à savoir le fondamentalisme et la modernité, la violence, l’argent, les femmes, la sexualité ou encore l’humour…
Trois religions, mais une racine commune, la figure symbolique d’Abraham
Dans le premier chapitre, l’auteur décide de partir des origines de ces trois religions afin d’en extraire les éventuels points communs pouvant les réunir.
Ce point commun est Abraham, véritable figure tutélaire de ces trois religions. Cependant, l’auteur souligne que l’Abraham de ces religions n’est pas une figure concrète (et encore moins historique…) mais plutôt symbolique car elle incarne des valeurs éthiques et spirituelles qui constituent la racine commune de ces trois monothéismes. Les valeurs éthiques que véhicule l’épopée d’Abraham sont le partage, la justice sociale, la responsabilité d’un groupe, la générosité et la tolérance. Les valeurs spirituelles ou métaphysiques sont la conscience d’un dieu unique et universel et la conception d’un temps qui cesse d’être cyclique pour devenir linéaire.
Qu’est-ce que la religion ? Penser le religieux
Dans un second chapitre introductif, David Vauclair introduit un propos plus conceptuel autour de quelques questions qu’il pose à l’histoire, à la philosophie et à la sociologie, à savoir qu’est-ce qu’une religion ? Y-a-t-il plusieurs types de religions ? Pourquoi y-a-t-il des religions ?
Sans parti pris, l’auteur expose les différentes théories et conception du phénomène religieux.
Pourquoi existe-t-il des religions ? Pourquoi croit-on ? Deux approches s’affrontent, celle des psychologues et celles des sociologues. Pour les premiers, le besoin de croire proviendrait d’une souffrancePour Karl Marx, le besoin de croire est une consolation est de la souffrance du peuple, p. 35. ou du sentiment de culpabilitéPour Sigmund Freud, dans Totem et Tabou, elle proviendrait du sentiment de culpabilité, p. 35.. Pour les religions animistes, l’émerveillement, la surprise du spectacle quotidien de la nature serait à l’origine d’une émotion religieuse. Enfin, pour d’autres psychologues, la faculté de croire serait innée et propre à l’homme, c’est-à-dire que croire serait presque un acte biologique …
Pour les seconds, les sociologues comme Tocqueville, Comte ou Durkheim, la religion jouerait un rôle de ciment moral des sociétés en développant des formes de solidarités ainsi qu’une conscience du collectif.
Comment peut naître un mouvement religieux ? C’est-à-dire comment le lien peut-il s’établir entre religion et société ? L’histoire peut être ici convoquée pour expliquer les phénomènes de conversion, l’implantation des mouvements religieux ou l’organisation des églises. En effet, c’est le terreau, le contexte historique, social et culturel qui bien souvent permet d’expliquer les conversions comme celle de saint Paul, par exemple. Cependant, ici, l’auteur ne fait que survoler ce vaste sujet.
Existe-t-il plusieurs types de religions ? Et pourrait-on les classer ? La réponse évolutionniste aujourd’hui abandonnée a dressé les contours d’une histoire du phénomène religieux constitué de jalons comme autant de degrés de complexité, de l’animisme au polythéisme. La réponse institutionnelle des sociologues tente, elle, de dresser des « idéaux-types » des formes religieuses selon leur organisation, leurs croyances comme les conversionnistes, les adventistes ou les thaumaturgiques, par exemple. Enfin, la dernière manière d’aborder la religion est celle qui part de l’individu et de son attitude face à la croyance et la pratique. Il existe en effet diverses manières de vivre sa foi au quotidien au sein des religions, du mysticisme à la ferveur illuminée ou au simple confort moral…
Aux origines des religions abrahamiques, l’histoire…
L’auteur part d’un constat, on ne connaît plus l’histoire des trois grandes religions monothéistes qui ont façonné l’Occident. Les nouveaux programmes actuels du collège ne lui donnent, hélas, par tortIncontestablement, les nouveaux programmes du collège concernant les grandes religions manquent d’histoire, de chronologie. L’histoire, par l’ordonnancement des évènements dans le temps et la mise en avant du lien causal, est source d’explication. Les religions sont avant tout le fruit d’un contexte historique qui détermine leurs rites et croyances.…
Classiquement ce troisième chapitre présente l’histoire des trois religions de manière chronologique avec plus ou moins de détails puis en expose les principaux rites et croyances.
L’auteur expose ainsi pour chaque religion, les livres, les prophètes, les croyances, le contexte historique de naissance de ces religions, mais, même si le propos reste d’une grande clarté, il n’insiste pas assez sur la spécificité et le contexte historique de naissance historique de ces trois religions, à savoir l’identité d’un peuple ou non. Et c’est dans cette perspective que le christianisme constitue une religion révolutionnaire par rapport au judaïsme et à l’islam. En effet, le christianisme n’a pas d’ancrage géographique ou ethnique, elle reste une religion ouverte. Les sous-titres de ce chapitre, « judaïsme », « christianisme », « islam », ne sont pas assez explicites et témoignent d’un propos manquant de problématisation et de mise en perspective. De plus, la bibliographie ne mentionne pas, chose surprenante pour un historien, le livre-référence d’Israël FinkelsteinFINKELSTEIN Israël, La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie, Bayard, 2002.…
La religion, une affaire de communauté, une affaire d’identité, une affaire de règles
C’est en ce sens que la religion a à voir avec le social et la société et que le religieux est créateur de social. Ce lien social se constitue au sein d’une communauté libre, ethnique, géographique ou culturelle qui se rassemble autour de croyances sanctionnées par des rites et cérémonies. Ces rites s’organisent tout au long de l’existence et relèvent de natures et de fonctions différentes : rites d’oblation, d’offrandes, de sacrifices, d’adoration ou de passage. Ils peuvent être individuels comme la prière ou collectifs, comme la prière également ou les lectures, cérémonies de passage…
L’auteur choisit ici comme plan d’exposer ces rites selon le cheminement de la vie, plan le plus simple et accessible, alors qu’un plan par types de rituels auraient pu mettre encore mieux en valeur les similitudes sociales des trois monothéismes.
La naissance montre déjà clairement les différences entre les trois religions. Chez certaines, la naissance équivaut à l’entrée dans la communauté, pour d’autres, non : la filiation maternelle pour les juifs, le rite de passage pour les chrétiens et la coutume pour les musulmans.
Si la naissance ne signifie pas forcément appartenance à la communauté, la conscience du temps, elle, structure véritablement l’appartenance religieuse des individus et de la communauté. Le temps structure la communauté car il fonde un calendrier, lunaire et/ou solaire, qui met ensuite en œuvre des étapes commémoratives, les fêtes. Pour les trois religions, ces fêtes sont liées à leur histoire et commémorent les évènements des ancêtres : les péripéties du peuple juif, celles de la vie de Jésus ou celles du prophète Mohammed.
Le temps structure l’individu car il l’encadre dans sa vie quotidienne, seul, en famille ou en société. Pour les juifs, le temps quotidien et hebdomadaire est rythmé par le shabbat commémorant le septième jour de la création divine, pour les musulmans ce sont les prières quotidiennes qui organisent leur journée.
Comme dans toute communauté, la transmission est primordiale. Ces trois religions accordent donc beaucoup d’importances à l’éducation qui est censée permettre la perpétuation des traditions et des croyances. Cependant, le rapport ente science et religion reste opaque. Il est malgré tout clair dans l’islam qui encourage les fidèles à accroître leur savoir « Mon seigneur ! Augmente ma science ! » (Sourate XX, verset 114). p. 105 de l’ouvrage..
Enfin, la mort, au contraire de nos sociétés actuelles, est au cœur de ces religions qui se donnent pour objectif de permettre au croyant de franchir ce simple passage vers un avenir plus radieux que toutes présentent comme un paradis, idée persane à l’origine.
Remettre Dieu au centre de la société, le fondamentalisme, réaction moderne contre la sécularisation des sociétés
Le premier thème auquel s’attaque l’auteur est celui du fondamentalisme qu’il définit comme une réaction récente de croyants contre la sécularisation de la majorité des sociétés contemporaines. Il souligne donc avant tout que le fondamentalisme n’est pas un retour vers le passé mais une attitude militante pour replacer Dieu au cœur de la société. Cette piété militante que l’on nomme fondamentalisme concerne les trois monothéismes et ne sont le fait que d’une petite minorité de croyants, même si leurs actes, choquants et/ou violents, sont souvent très médiatiques ou très médiatisés… Ces actes de résistances sont jugés choquants car ils rejettent en bloc la société moderne mais surtout les valeurs mêmes de cette sociétés, mêmes les plus positives comme la démocratie, la tolérance, la paix ou la liberté d’expression et bien sûr la séparation des églises et de l’Etat.
La modernité, qui consacre la toute-puissance du logos, est presque aussi récente que le fondamentalisme puisqu’elle prend forme au XVIIème siècle. La modernité consiste, selon l’auteur, à penser que le logos, la raison humaine et la science, sont l’unique voie de la vérité. Le fondamentalisme, lui, serait apparu, selon l’auteur, au cours de la Première guerre mondiale, chez des protestants américains apeurés par la venue prochaine de l’apocalypse.
Ces théologies ou idéologies qui prennent forme dans la deuxième moitié du XXème siècle sont avant tout, selon l’auteur, des réactions guidées par la peur, à la sécularisation des sociétés.
Enfin, l’auteur s’attarde sur le fondamentalisme musulman dont il attribue l’origine aux défaites du monde musulman, de la conquête du Maghreb par les grandes puissances européennes à la chute de l’empire ottoman en 1918. Les élites musulmanes ont alors exploré trois réponses : imiter les puissances européennes en important leurs techniques notamment, retourner aux sources en islamisant les réformes d’un Etat en voie de modernisation et enfin en refusant, sans concessions (hormis la technique) la modernité voire la culture (occidentale en particulier) et en la remplaçant par la religion. Ce refus de la modernité, de l’Occident est avant tout un mouvement de déculturation au profit d’une foi dans laquelle le croyant est très encadré par un ensemble de rites, d’obligations et d’interdits. Ce fondamentalisme constitue donc un communautarisme fondé sur l’individu devant observer une pratique religieuse stricte le fermant peu à peu à toute relation sociale.
L’auteur conclut en insistant sur le fait que ces fondamentalismes récents sont modernes, novateurs et modernisateurs et non archaïques, ils se donnent pour but de réinstaurer Dieu au centre de la société et de la politique, dont il avait été exclu.
Religions et violence, des liaisons dangereuses ?
La religion a aussi à voir avec la violence, car toute violence quelle qu’elle soit, menace la cohésion du groupe. Or toute religion a vocation à créer du lien social et donc à réguler toute violence interne et externe au groupe.
Après s’être demandé si les religions poussaient à la violence, l’auteur passe en revue les trois monothéismes et leur rapport à la violence dans leurs textes, pratiques et croyances.
Les religions poussent-elles à la violence ? L’auteur part d’un constat : tous les textes sacrés de ces trois religions évoquent des faits violents. Cependant l’auteur ne pousse pas plus loin sa réflexion au-delà de ce simple constat, ce qui est bien dommage et élude donc la question.
De par leur histoire, ces trois religions, notamment le christianisme et l’islam ont été et sont encore exposées à la violence sociale et politique de par leur lien avec le pouvoir. Malgré un message de paix, de pardon et de non-violence exprimé par Jésus puis relayé par les premiers martyrs, l’Eglise chrétienne s’est retrouvée très tôt face à l’exercice de la violence. De par son lien avec le pouvoir temporel, en premier lieu romain, l’Eglise a plongé rapidement dans l’engrenage de la justification puis devint même la source d’une violence nouvelle de par son obstination à se penser la seule détentrice de la vérité pour l’humanité. Face à ce dilemme, plusieurs théologiens dont saint Augustin ont tenté d’élaborer une périlleuse théorie de la guerre juste… Dans le même temps, l’Eglise tente de limiter et de réglementer la guerre au Moyen âge (voire de l’exporter…) en instituant la trêve de Dieu, par exemple.
De son côté, l’islam n’est pas en reste et apparaît même comme une religion de combat. Combat spirituel et intérieur dans un premier temps, que doit mener le croyant en vue du jugement dernier mais aussi combat extérieur et d’ordre militaire, c’est l’essence même de la notion de djihad devant être comprise comme un effort sur soi puis contre les infidèles. Cependant, le thème du pardon est aussi présent que dans le christianisme, à l’image des faits rapportés de la vie de Mohammed.
L’attitude de ces religions face à la violence est donc ambiguë et ambivalente dès lors qu’elles sont associées au pouvoir temporel.
Religion et argent, entre morale et spiritualité, entre bénédiction et culpabilité
Les rapports marchands étant au cœur des relations sociales, la religion a été contrainte de s’y intéresser. Tout en ne niant pas l’utilité de l’argent, les religions tentent de moraliser son usage en prônant le même message, celui de la générosité. En effet, l’aumône constitue un devoir du croyant dans ces trois religions. Cependant leur conception de l’argent et des rapports que la religion doit entretenir avec lui diffèrent d’une confession à l’autre.
Dans le judaïsme, l’argent n’est pas l’antithèse de Dieu ou un obstacle à la foi, contrairement au christianisme qui condamne cette idole. Ainsi pour les juifs, l’argent est signe de bénédiction divine, de grâce et non de honte à condition qu’il ne soit pas signe d’égoïsme. Cependant, face à la réalité de l’inégalité de la répartition des richesses, le Deutéronome impose une remise à zéro des dettes tous les sept ans, l’année sabbatique, et le don des premiers-nés des troupeaux. Quant au fameux prêt à intérêt, il est un tabou de la pensée juive car il va à l’encontre de l’idée de don. Mais dans les faits, ce tabou se lézarda et le prêt fut toléré envers les non-juifs.
Dans le christianisme, on observe une nette crispation quant au sujet de l’argent car il peut, comme met en garde Jésus dans son enseignement, devenir une idole voire un Dieu (Mammon). En clair, le christianisme fait de l’argent une question spirituelle et non morale comme le judaïsme, c’est-à-dire qu’il interroge le fondement même de l’existence : sur quoi doit-on fonder son existence ?
Comme chez les juifs, l’usure est interdite aux chrétiens jusqu’à Calvin. Chez les protestants également, la réussite sociale et économique est signe de bénédiction, voire même plus, d’élection divine. Grande nouveauté dans le christianisme, le protestantisme exalte l’effort, le travail et l’action au contraire du catholicisme mettant en avant la pauvreté et le retrait du monde. L’argent devient ainsi une juste récompense des talents et du travail et opère alors une véritable déculpabilisation chez les protestants comme chez les juifs.
Dans l’islam, on retrouve également ce lien entre argent et bénédiction divine. Le croyant doit redistribuer et faire circuler l’argent et purifier le reste par l’aumône, l’usurier est aussi condamné tout comme le rentier, le spéculateur ou le joueur.
Egalité des genres, les religions à la peine…
Les textes sacrés de ces trois religions font la part belle à l’homme qui endosse à chaque coup le costume du prophète ou du messie, confinant la femme à un rôle subordonné voire marginalisé.
Comment ces religions considèrent-elles la femme ? Et qu’en est-il aujourd’hui ?
Cette place subordonnée de la femme dans les religions est avant tout culturelle et sociale. Les religions, pour mieux s’implanter peut-être, se sont simplement conformées aux mentalités et aux préjugés de l’époque faisant de la femme un être civilement inférieur voire irresponsable.
Marginalisée par les religions, la femme l’est en partie à cause de sa nature ambiguë, porteuse de vie et donc de pureté mais aussi d’impureté par l’obstacle qu’elle peut constituer à l’élévation du cœur et de la pensée du croyant.
Mais paradoxalement, cette marginalisation dans les faits est contredite par certains textes qui prônent l’égalité des genres, comme l’Epître de Paul, par exemple. Cette égalité ne résiste pas aux pratiques qui éloignent les femmes des textes sacrés qu’elles ne peuvent lire chez les juifs et/ou des rituels et cérémonies dont elles sont dispensées chez les juifs ou les chrétiens.
La femme n’existe qu’au travers du mariage qui doit faire d’elle une épouse modèle et une bonne mère comme l’assène la Bible mais qui la maintient dans un statut de mineure et de dépendance vis-à-vis du mari. Ce poids aliénant du mariage se retrouve à la fois dans le judaïsme et l’islam.
La fameuse question du port du voile est abordée par l’auteur qui en fait, à juste titre, une vieille coutume orientale, ce qui montre une fois de plus le poids du contexte socio-historique de l’époque de naissance de ces religions. Le Coran n’a jamais cherché à imposer une tenue vestimentaire et présente ce voile comme un moyen de réguler la violence des hommes et de limiter les risques d’agressions, donc au final… un progrès !
Cependant, très récemment, au milieu du XXème siècle, les mentalités des sociétés occidentales notamment ont, bon gré mal gré, évolué affichant une volonté paritaire et égalitaire. Or, les religions, elles, paraissent à la peine pour suivre ces évolutions de la société. L’auteur n’évoque pas malheureusement les évolutions récentes de ces religions sur le sujet des femmes. On notera simplement que les religions restent encore prisonnières, à bien des égards, des mentalités régnant aux époques de leur éclosion…
Religion et sexualité, entre paradis et enfer
Tout comme le conflit, la sexualité est au cœur des relations humaines, il est donc de l’intérêt de la religion d’encadrer cette pratique et de canaliser le désir afin de maintenir la cohésion du groupe.
C’est dans le cadre du mariage que ces trois religions tentent de règlement la pratique sexuelle des croyants en l’envisageant dans son aspect utilitaire, la procréation. Cependant, le plaisir n’est pas banni, bien au contraire, il est un droit de la femme et un devoir du mari dans le judaïsme et un avant-goût du paradis dans l’islam.
C’est dans le christianisme que l’on retrouve le plus de crispation quant à la sexualité. C’est la seule des trois religions qui prône le renoncement à la sexualité et ce, dès le début. Le modèle initié par Jésus reste fort et la sexualité est considérée comme une forme concurrente (voire d’adultère) de la conjugalité du croyant avec Dieu. Peu à peu, sous la plume de saint Augustin, par exemple, la sexualité se réduit au « péché de chair » et la procréation devient la seule justification de l’acte sexuel.
Enfin, les trois religions s’accordent sur l’interdit de l’homosexualité, notion récente du XIXème siècle, jugée contre-nature.
Religion et rire, entre instrument d’émancipation spirituelle et sacrilège
La fameuse scène du livre d’Umberto Eco, le nom de la rose, expose clairement l’ambigüité que fait peser la religion sur le rire : le rire peut libérer de la peur comme le soutient Guillaume de Baskerville alors qu’au contraire, il est impie selon Jorge car il se moque du sacré. Deux logiques religieuses s’excluent donc, celle du rire libérateur dont peu user le croyant et celle de l’institution, de l’Eglise qui considère l’humour comme un danger qui remettrait en cause le sens, l’ordre et la morale que la religion souhaiterait imposer au monde.
Si la Bible reste avare en rire et que le Coran n’encourage pas le divertissement, le Talmud, lui, assaisonne parfois son propos sacré d’une pointe de malice. Cependant, si Jésus ne rit pas, Mohammed se surprend parfois à esquisser un sourire selon les hadiths, mais se montre intraitable lorsque le rire ou la raillerie touche au religieux.
Conclusion, un ouvrage synthétique utile
…Trop peut-être car l’éventail de thèmes abordés ne permet pas un propos approfondi, seules les grandes idées sont énoncées et très souvent développées. Mais l’auteur le reconnaît dans sa conclusion, son objectif étant avant tout introductif et non exhaustif. Cependant, le propos reste très clair, très documenté et référencé mais cette précision rime trop souvent avec concision, ce qui est, sur certains points, dommageable. Des citations parsèment l’ouvrage et viennent appuyer le propos tout comme des encadrés, souvent bienvenus, offrent un éclairage plus ciblé sur certains points théologiques ou de vocabulaire religieux.
L’idée de départ ainsi que la ligne directrice de l’ouvrage sont fort intéressantes : relier le religieux au social afin de mettre en perspective l’omniprésence du religieux dans les origines et le façonnement de nos sociétés, occidentales ici. Mais la consistance du propos n’est pas à la hauteur des attentes. Non sur le plan scientifique et pédagogique car le propos est clair et accessible, mais sur le plan de la forme, une synthèse vaste qui aurait mérité au moins une centaine de pages de plus, et la teneur du propos, trop concise. De plus, cette ambition peine à se réaliser à cause de l’insuffisante convocation de l’histoire pour étayer le propos.
On regrettera également que le thème du pouvoir politique n’ait pas été abordé par l’auteur, sinon à peine effleuré au travers de celui des croyances et de la violence. De plus l’absence de lexique ou d’index peut nuire quelque peu à la lecture de l’ouvrage si on recherche la signification précise d’un mot, par exemple.
Qu’est-ce que les enseignants peuvent retirer de la lecture d’un tel ouvrage ?
Pour les enseignants cet ouvrage n’est pas forcément indispensable sur le fond, cependant, il peut s’avérer très pratique dans la forme car il regroupe plein de données, de thèmes épars que l’on peut aborder en collège au travers de l’étude de ces trois religions en 6ème et 5ème comme tout ce qui touche à la civilisation et ainsi faire la part entre ce qui appartient au contexte socio-culturel de l’époque de naissance des religions et ce qui fait partie réellement des croyances et pratiques.
On trouvera dans la même collection des ouvrages sur le bouddhisme, le christianisme et la philosophie orientale, antique, contemporaine.
Sébastien Coupez
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