Viatcheslav AVIOUTSKII est docteur en géopolitique. Il est spécialiste du monde russe et professeur permanent de l’EDC – École des dirigeants et créateurs d’entreprise. Il a très récemment publié chez Armand Colin Géopolitiques continentales : Le monde au XXIe siècle (2006) et Géopolitique du Caucase en 2005. Il enseigne la géopolitique à des étudiants d’écoles de commerce.
Le propos du livre tourne essentiellement autour de la définition de « Révolution de velours ». Viatcheslav AVIOUTSKII analyse successivement les différents mouvements qui ont secoué la région entre 1998 (cas de la Slovaquie) à nos jours afin de présenter en fin d’ouvrage les caractéristiques communes de ce type d’évènement. Il montre aussi que tous les évènements qui se sont déroulés dans cet espace régional ne peuvent pas être qualifiés de « Révolution de velours ».
La vague de démocratisation qui commence en 1998 est vue par Samuel HUNTINGTON comme la quatrième étape. HUNTINGTON dégage ainsi quatre périodes de démocratisation : 1828-1926, 1943-1962, 1974-1991 et celle en court. L’analyse successive des différents évènements qui ont secoué l’Europe orientale amène AVIOUTSKII à dégager les principaux éléments qui caractérisent les mouvements dits de « de velours ».
Une « Révolution de velours » se caractérise par les méthodes d’action qui utilisent la non-violence. Ce modèle a été emprunté à Gene SHARPS, professeur étatsunien, spécialisé dans la non-violence. Pour qu’une « Révolution de velours » puisse avoir lieu, quelques conditions sont nécessaires. Le peuple dispose d’une marge de liberté pour agir et vit ainsi dans un pays où se tiennent des élections et où l’opposition existe. Une « Révolution de velours » ne peut donc pas naître dans un pays autoritaire. Ces conditions ne suffisent pas. Il faut aussi que la société civile du pays soit suffisamment active et que l’opposition soit fédérée autour d’un leader charismatique.
La « Révolution de velours », qui s’est tenue en Serbie en 2000, a été rendue possible grâce à l’action d’un mouvement étudiant non violent : OTPOR (« Résistance ! »). L’organisation a œuvré dans le cadre de concerts de rock, autorisés par le régime, qui ont permis de mobiliser les électeurs par des campagnes d’information. OTPOR a ainsi obtenu la victoire de l’opposition aux élections et la destitution de MILOSEVIC. Ce mouvement est organisé comme une entreprise (existence d’un service marketing, logistique). Il entretient d’étroites relations avec les Etats-Unis. OTPOR a joué un rôle fédérateur en unissant les partis d’oppositions. Aujourd’hui, à défaut d’avoir réussi sa mutation en parti politique, l’organisation fournit ses services, contre rémunérations (très souvent prises en charge par des ONG occidentales), à des groupes d’opposition dans différents pays d’Europe (exemples : Ukraine, Georgie).
Les fraudes aux élections sont souvent un élément déclencheur de mouvement. Ainsi, en Géorgie, la société civile, par des manifestations pacifistes (« Révolution des roses »), a obtenu le départ en 2003 de Edouard CHEVARDNADZE, après des fraudes massives aux élections législatives. En Ukraine, la « Révolution orange » est déclenchée à la suite de la contestation des résultats du deuxième tour de l’élection présidentielle. Les manifestations des partisans du candidat orange Victor IOUCHTCHENKO ont abouti à la tenue d’un troisième tour, remporté par leur candidat. Là encore, un mouvement étudiant PORA (« c’est le moment »), soutenu par des ONG occidentales, a été le fer de lance de la contestation. PORA est accusé d’être un agent de l’occident, visant à renverser le régime pro-russe.
Les « Révolutions de velours » sont fortement marquées par les rivalités Etats-Unis / Russie. Les Russes développent la théorie du complot américain : idée que les révolutions sont téléguidés depuis l’étranger. La « Révolution orange » est un échec flagrant pour Moscou. Elle a, de plus, fait remonter tous les conflits entre Moscou et Kiev. Le statut de l’importance communauté russe présente en Ukraine a rendu encore plus aigu les relations entre les deux pays. La Russie constate que tous ces évènements lézardent les liens qu’elle avait mis en place avec son « étranger proche ».
Les évènements, qui se sont tenus en Europe orientale, sont à analyser dans le cadre de la stratégie d’influence américaine : le « soft power », terme inventé par Joseph S.NYE en 1990. Les Etats-Unis cherchent à façonner le monde à leur image en exportant le modèle démocratique. C’est la théorie des dominos inversée. Par un effet de contagion, les puissances régionales doivent se convertir au régime démocratique. C’est ce modèle que suit aussi l’Union Européenne. La gestion de la crise ukrainienne fut aussi pour l’Union Européenne l’occasion de montrer son unité en terme de politique extérieure.
Ainsi, l’auteur constate que l’on ne peut pas qualifier de « Révolutions de velours » tous les évènements qui se sont tenus dans la région. Il hésite à qualifier ainsi la « Révolution des tulipes » qui s’est tenue en mars 2005 au Kirghizstan. Le saccage du palais présidentiel s’est accompagné de pillages de magasins et de la mort de nombreux civils. Cette révolution s’apparente plus à un coup d’état mal préparé. De même, il parle de « Révolution de velours » avortée en Ouzbékistan. Il s’interroge aussi sur l’impact de ces évènements dans les républiques appartenant à la CEI et constate que, pour l’heure, aucun mouvement décisif n’est en marche.
Par ailleurs, il montre les limites à ces mouvements démocratiques. Que se soit en Ukraine ou en Géorgie, où l’opposition a obtenu le départ de la vieille garde dévouée à Moscou, le système politique n’est pas réformé en profondeur. La victoire de l’opposition aux élections géorgiennes de 2004 entérine le schéma précédent : un parti dominant sans opposition. En Ukraine, Victor IOUCHTCHENKO et ses collaborateurs sont toujours des oligarques.
Je conseille vivement la lecture de cet ouvrage aux professeurs enseignant en classe de Terminale. Cet ouvrage permet de mettre au point ses connaissances sur la géopolitique de l’Europe orientale.
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